Emmanuel Razavi : « Le régime iranien est aux abois et ne tient que par la menace terroriste »

Par Julian Herrero
7 octobre 2024 07:17 Mis à jour: 21 octobre 2024 08:53

ENTRETIEN – Le grand reporter, spécialiste du Moyen-Orient, auteur de La face cachée des Mollahs (Cerf, 2024) Emmanuel Razavi analyse les affrontements entre le Hezbollah et Tsahal ainsi que les tensions entre l’Iran et Israël.

Epoch Times : Après avoir tué dans une frappe aérienne le leader du Hezbollah Hassan Nasrallah, Israël a lancé la semaine dernière des incursions terrestres dans le sud du Liban. Des affrontements font rage entre Tsahal et le Hezbollah. Israël est-il aujourd’hui en position de force ? L’organisation terroriste chiite mettra-t-elle du temps à se réorganiser ?

Emmanuel Razavi  : De toute évidence, le renseignement israélien a les cartes en main. Il est en train de se racheter une réputation qu’il avait perdue lors du pogrom du 7 octobre 2023. Il montre qu’il est extrêmement bien informé, que ce soit sur les fonctionnements internes du Hezbollah ou de la force Al-Qods iranienne, l’unité d’élite du corps des Gardiens de la révolution qui est en charge des relations extérieures.

Avec les vagues d’explosions de bipers et de talkie-walkies, le Mossad et Tsahal ont éliminé une partie de l’État-Major de l’organisation chiite, la privant de moyens de communication essentiels pour le renseignement puisque le Hezbollah, en plus d’être une organisation terroriste et politique, fait du renseignement au Liban, en Syrie, et même en Irak pour le compte du régime iranien et de sa force Al-Qods. Par conséquent, Téhéran ne dispose plus d’informations sur la situation dans ces différents pays.

L’Iran est-il, ou pas, sorti affaibli de cette séquence ?

La République islamique est aujourd’hui extrêmement affaiblie par le contexte régional. Mais elle a surtout prouvé une forme de vulnérabilité puisque ses services de sécurité et de renseignement ont été lourdement infiltrés par le Mossad.

D’ailleurs, elle n’a même plus confiance en eux. La semaine dernière, des officiers des services de renseignement et de sécurité au sein des Gardiens de la révolution et même au sein de la milice civile Basij ont été arrêtés. C’est dire…

Il y aussi un bras de fer entre les conservateurs qui veulent poursuivre la guerre avec Israël et donc l’Occident, et les réformateurs considérant que la République islamique ne survivrait pas à un affrontement direct avec l’État hébreu. Cela étant, contrairement à ce qu’affirment certains chercheurs français, les réformateurs ne sont pas plus modérés que les conservateurs. Ce sont des islamistes qui détiennent le marché de la drogue au Moyen-Orient et une partie en Europe en partenariat avec les réseaux colombiens, mexicains et vénézuéliens. Ils sont également à la tête de réseaux de prostitution et ont du sang sur les mains. J’en veux pour preuve que le président iranien Masoud Pezeshkian a laissé exécuter 100 personnes en seulement 30 jours après son élection !

Ces dissensions au sein du régime viennent s’ajouter à la contestation du peuple iranien qui souffre. Deux tiers du territoire iranien est en stress hydrique, un Iranien sur deux vit sous le seuil de pauvreté. Et la jeunesse iranienne ne veut plus entendre parler d’islam politique. En réalité, la République islamique est aux abois et aurait dû s’effondrer depuis très longtemps. Elle est devenue un château de cartes qui ne tient que par la menace terroriste. Ce qui effraye encore l’Occident.

Vous avez déclaré sur Cnews sur la mort du leader du Hezbollah qu’« Israël est en train de faire le boulot que les grandes démocraties occidentales auraient dû faire depuis bien des décennies ». Pourriez-vous développer ?

Beaucoup de personnes comme moi, d’origine iranienne, considèrent qu’Israël est une démocratie qui effectue le travail des nations occidentales. C’est-à-dire, anéantir le Hezbollah qui est une organisation terroriste responsable de la mort de soldats français lors de l’attentat du Drakkar en 1983, de l’enlèvement de ressortissants français au Liban ou encore de l’attentat de l’Amia à Buenos Aires en 1994.

Nous aurions donc dû nous occuper de cette organisation terroriste bien plus tôt.

Au-delà même du Hezbollah, j’estime que la République islamique représente une menace civilisationnelle. Je ne dis pas ça sous l’angle de la politique politicienne, cela ne m’intéresse pas. Je constate simplement qu’à partir du moment où l’Iran est en passe d’obtenir l’arme atomique et que dans sa Constitution, il est fait référence au djihad mondial, elle représente un danger pour les démocraties.

Mardi dernier, la République islamique a tiré des centaines de missiles en direction d’Israël. Le guide suprême a déclaré vendredi à l’occasion de la prière qu’« Israël n’en n’a plus pour longtemps ». Existe-t-il aujourd’hui un risque d’embrasement régional ?

L’Iran a tiré des centaines de missiles sur Israël mardi. À entendre certains commentateurs, on a l’impression que c’est presque anecdotique alors que l’embrasement est déjà là.

Le nier, c’est vivre dans une réalité alternative.

Les élections américaines approchent. En cas de victoire de la candidate démocrate Kamala Harris ou du républicain Donald Trump, comment voyez-vous l’évolution de la situation au Moyen-Orient ?

Joe Biden et Kamala Harris ont pris conscience ces dernières semaines qu’il était temps de s’opposer fermement à la République islamique d’Iran. Ce qu’ils n’ont pas fait ces quatre dernières années. La candidate démocrate a enfin compris que si elle ne soutenait pas clairement Israël, elle allait perdre les élections.

Toute la question est de savoir ce qu’elle ferait, une fois élue, face à Téhéran. Malheureusement, je crois qu’elle ne va pas faire preuve de fermeté. C’est une progressiste qui au fond, considère que l’islam politique n’est pas un sujet majeur et qu’il vaut mieux de mauvais accords avec la République islamique qu’une guerre.

Pour autant, je ne suis pas certain qu’un retour à la Maison-Blanche de Donald Trump serait une chance pour les Iraniens. Je ne vois donc pas d’issue aujourd’hui. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les Israéliens écoutent assez peu les Occidentaux en ce moment. Ils ont conscience qu’ils sont finalement obligés de prendre eux-mêmes en main leur destin sur le plan militaire.

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