« Si je trouve une belle pierre, je deviendrai un +boss+ »: Zaw Lwin, rescapé de la pire catastrophe minière de Birmanie, va continuer à gratter la montagne à la recherche du précieux jade, la tête toujours pleine de rêves de fortune.
Après le glissement de terrain meurtrier qui a fait plus de 170 victimes, « je n’ai aucune envie de redescendre dans la vallée », raconte le jeune homme de 29 ans à l’AFP. « Mais je ne vais pas abandonner. Si je trouve une belle pierre, je deviendrai Law Pan », « boss » d’une équipe de mineurs à qui est reversé habituellement la moitié des bénéfices.
Zaw a fui la misère des plaines du centre de la Birmanie il y a trois ans dans l’espoir que la pierre verte, symbole de prospérité, transformerait sa vie et celle de sa famille. Destination: le canton d’Hpakant, dans le nord du pays, non loin de la frontière chinoise.
Mine à ciel ouvert
Jeudi, au petit matin, il a gagné la mine à ciel ouvert de Hwekha avec quatre proches, dont son ami Than Naing. « Il avait eu une vision, il disait que ce serait notre jour de chance », raconte Zaw.
Mais les cinq hommes n’ont pas le temps de commencer à creuser. Sous la pression de fortes pluies, habituelles en cette période de mousson, un amas de roche se détache et tombe dans un lac, provoquant des vagues de boue qui les submergent.
« Mes vêtements ont été arrachés. J’avais la sensation d’étouffer quand, soudain, j’ai été projeté sur la rive ». Deux de ses amis, dont Than Naing, n’auront pas cette chance.
174 corps retrouvés, 54 blessés et des dizaines de disparus
Bilan provisoire: 174 corps retrouvés, 54 blessés et des dizaines de disparus, des témoins ayant fait état de la présence de quelque 300 mineurs ce matin là.
Vendredi et samedi, plusieurs dizaines de victime ont été enterrées dans des fosses communes. Les recherches se poursuivaient dimanche, mais les espoirs sont minces de retrouver des survivants.
Sai Ko, parvenu à regagner la rive accroché à un cadavre, rêve de gagner suffisamment d’argent pour que « son fils devienne moine ».
Mais la catastrophe a brisé son élan. « C’est très difficile. On travaille 10 jours de suite. On risque sa vie pour pas grand-chose: il est rare de trouver des pierres d’une valeur supérieure à 14 dollars », bien loin des boutiques clinquantes de Pékin ou de Hong Kong où le jade est un symbole de vertu qui se vend très cher.
??Birmanie : plus de 160 morts après un gigantesque glissement de terrain et un tsunami dans des mines de jade dans le canton de Hpakant (autorités).pic.twitter.com/8vHAfdPdV8
— Infos Françaises (@InfosFrancaises) July 2, 2020
Avec des allures de paysage lunaire
Les glissements de terrain sont fréquents dans la région d’Hpakant, difficile d’accès, aux allures de paysage lunaire tant elle a été altérée par les grands groupes miniers, au mépris de l’environnement.
Pour freiner cette exploitation sans limite, le gouvernement birman a imposé un moratoire sur les nouvelles licences minières en 2016 et interdit aux compagnies d’exploiter des surfaces de plus de deux hectares.
Résultat, beaucoup de grandes mines ont fermé et ne sont plus surveillées, permettant le retour de nombreux mineurs indépendants qui opèrent quasi clandestinement dans les sites laissés à l’abandon par les pelleteuses.
Plus de 160 mineurs ont été tués jeudi dans un gigantesque glissement de terrain dans des mines de jade du nord de la #Birmanie, la pire catastrophe de ce type de ces dernières années. pic.twitter.com/iPlEIJu93P
— Ghassan Basile (@gnbasile) July 3, 2020
Than Naing rêvait de mettre la main sur des morceaux de jade « oubliés » dans les tas de remblais.
« Il disait qu’il allait trouver une belle pierre et qu’après il dormirait quatre ou cinq jours », soupire Htar Htar Myint, sa jeune veuve.
La Birmanie vend chaque année plusieurs dizaines de milliards d’euros de jade sur le marché mondial, mais seule une petite partie arrive dans les caisses de l’Etat. Ce trafic opaque aide à financer les deux côtés d’une guerre civile qui dure depuis plusieurs décennies entre des insurgés de l’ethnie kachin et les militaires birmans.
Au milieu, les mineurs se sentent délaissés. Pan Ei Phyu, épouse de Sai Ko a, elle, décidé de renoncer: « on rentre chez nous près de Mandalay (centre), tant pis si on n’a plus de quoi manger », soupire-t-elle en désinfectant les blessures de son mari.
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