Les services de renseignement français utilisent de façon croissante des techniques « intrusives » pour le citoyen, une tendance appelée à s’accélérer et face à laquelle le contrôle doit être renforcé, estime une commission indépendante.
Micros, espionnage informatique, téléphones piégés : les espions – en particulier les services intérieurs et extérieurs (DGSI et DGSE) – multiplient les formes d’intrusion, selon le rapport annuel publié jeudi soir par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).
Le document constate que 24.000 personnes ont été surveillées en France en 2023, soit 29% de plus qu’en 2022 et 9% de plus qu’en 2019, avant l’épidémie de Covid-19.
Pour la première fois, la « prévention de la délinquance et de la criminalité organisées devient le premier motif de surveillance ». La lutte contre le terrorisme observe une légère hausse (7,5%).
Une escalade « difficilement résistible »
Mais au-delà des chiffres, « plus significatif (…) est le recours toujours croissant aux techniques les plus intrusives », constate le rapport.
« Pose de micros dans des lieux privés, recueil de l’ensemble des données informatiques de la personne, piégeage des téléphones et des ordinateurs : on s’efforce ainsi de compenser le désormais faible apport des écoutes téléphoniques », ajoute-t-il.
« Cette forme d’escalade paraît difficilement résistible (…). Il convient donc de l’encadrer strictement. »
Organe indépendant chargé de la surveillance de l’usage des outils techniques par les services français, la CNCTR milite depuis des années à la fois pour renforcer le cadre législatif des espions et pour augmenter sa capacité de contrôle des services, avant et après usage de ces techniques de surveillance.
Le risque d’un affaiblissement du contrôle
Or, à la différence des écoutes téléphoniques, centralisées sous l’autorité du Premier ministre, « ces techniques spécialement intrusives sont directement mises en œuvre par les services demandeurs. Leur produit est conservé et exploité dans les systèmes de ces mêmes services », écrit Serge Lasvignes, président de la CNCTR.
La commission a donc les plus grandes difficultés à exercer son droit de regard. « Le risque est alors celui d’un affaiblissement progressif du contrôle », ajoute le haut-fonctionnaire.
Le rapport pointe aussi le développement de l’intelligence artificielle qui touche profondément le renseignement comme le domaine militaire.
L’IA est ainsi simultanément « un outil dont le renseignement ne saurait se passer. Et un défi pour le régulateur qui se demande déjà si la surveillance d’une personne en viendra à être décidée selon des critères dont aucun humain ne connaîtra ni la teneur ni la pondération de façon certaine… », pointe le rapport de la CNCTR.
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