Malgré les amendes, mises en garde alarmistes et autres couvre-feux, les Irakiens rechignent toujours au confinement et au port du masque. Alors, des artistes tentent de sensibiliser dans un pays où une pandémie de Covid-19 pourrait faire s’écrouler le système de santé.
Mohammed Qassem, par exemple, a choisi de pasticher le cultissime feuilleton syrien « Bab al Harra », connu dans tout le monde arabe et qui narre la lutte pour l’indépendance de la Syrie dans les années 1930.
Dans une vidéo reprise sur les réseaux sociaux, il interprète l’un des héros, Abou Issam, tout juste de retour après une longue absence –passée à combattre le mandat français dans l’original, en quarantaine sanitaire dans le pastiche.
A la porte de sa maison, son épouse, folle de joie de le retrouver, se précipite sur lui. « Quoi? Des bisous et des câlins! Mais c’est interdit en temps de coronavirus », s’écrit-il. « Et il est où ton masque? », poursuit-il, coupant court à l’élan romantique du moment.
« Avec la crise du nouveau coronavirus, on a décidé de consacrer tous nos efforts à la sensibilisation. On appelle les gens à respecter les mesures de désinfection ou à se laver régulièrement les mains comme le recommande le ministère de la Santé », explique à l’AFP le comédien en plein tournage d’une nouvelle vidéo.
Prendre conscience du danger
Youssef al-Hajjaj, lui, joue le fils d’Abou Issam, un jeune bagarreur qui arrive au milieu d’un rassemblement pour le disperser et éviter toute contagion.
Une scène dans laquelle « on utilise la comédie pour que les gens prennent conscience du danger et restent chez eux », affirme le comédien, moustache en guidon collée sous le nez.
Une scène qui prend tout son sens à Bassora, la deuxième ville d’Irak avec plus de trois millions d’habitants où le virus continue de se propager, notamment dans des rassemblements.
Car dans la métropole pétrolière où des milliers de familles s’entassent dans des quartiers informels surpeuplés à quelques kilomètres de l’Iran où le Covid-19 a fait officiellement plus de 6.000 morts, les menaces des autorités ne semblent pas marcher.
En cette période de jeûne du ramadan où les familles et les amis se retrouvent généralement la nuit, le couvre-feu de 18H00 à 06H00 et les interdictions de rassemblement ne sont pas dissuasifs.
Rien que ces quatre derniers jours, la province de Bassora a annoncé une centaine de nouvelles contaminations, dont des familles élargies ou habitants d’un même quartier rassemblés par exemple pour des funérailles.
A travers ce pays de 40 millions d’habitants, les autorités ont officiellement recensé plus de 2.000 malades du Covid-19, dont plus de 90 sont morts.
Elles ont aussi fermé aéroports, frontières, universités, centres commerciaux, restaurants et chantiers, privant des milliers de journaliers de leur gagne-pain alors que déjà 20% de la population vit sous le seuil de pauvreté.
De quoi occuper et inquiéter forces de l’ordre et soignants qui savent à quel point hôpitaux et infrastructures sont exsangues.
« Quel que soit le nombre de nos soignants ou de nos équipements, on ne pourra pas faire face à un déferlement de cas », affirme d’emblée Moustafa al-Karkhi, 29 ans, qui, lui, réalise des vidéos à Bagdad.
« Remercier les soignants »
« Les vidéos que nous faisons aident grandement à ce que le confinement soit respecté », assure-t-il à l’AFP, alors que pour son chef décorateur, Abdallah Khaled, 28 ans, il est « de la responsabilité des artistes » d’informer sur la pandémie, mais aussi de « remercier les soignants ».
Dans une vidéo, diffusée par une chaîne de télévision locale, ils mettent ainsi en scène une médecin exténuée, qui reçoit la nuit tombée un appel de son mari, l’exhortant à rester auprès de ses malades.
« Ils ont plus besoin de toi que nous », lui assure-t-il, une marque de soutien d’autant plus notable alors que le taux d’emploi des femmes 15% est l’un des plus bas au monde en Irak où l’idée de laisser son épouse travailler hors de la maison est loin d’être acquise par tous.
Wissam Daoud et Thaër Hazem, eux, sont encore plus clairs dans leur message: leur chanson s’appelle « Reste à la maison ».
« C’est une crise et ça va passer », chantonnent-ils, reprenant un célèbre proverbe dans un pays qui n’a cessé depuis 40 ans d’aller de conflit en embargo en passant par la terreur jihadiste et autre guerre civile.
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