Étonnante alliance sur la scène d’un amphithéâtre universitaire de Thaïlande: des rappeurs anti-junte et des moines bouddhistes ont tenté vendredi de mobiliser les étudiants, nombreux à se rendre aux urnes dimanche pour la première fois, dans ce pays privé d’élections depuis huit ans.
« Allez voter au nom des moines! Parce qu’en vertu de la loi, les moines ne sont pas autorisés à voter », a lancé Phra Sompong aux étudiants réunis pour assister à cet improbable séminaire politique.
Les quelque 300.000 moines que compte le royaume ne sont pas autorisés à voter, contrairement aux étudiants, qui sont nombreux parmi les sept millions de primo-électeurs, sur un total de 51 millions. Le vote des étudiants est donc un facteur clef du scrutin et des affiches appelant à voter sont placardées sur les campus.
« Je sens que la nouvelle génération attend que le pays aille de l’avant », a insisté le moine, après ce séminaire organisé par l’université Rangsit, en s’abstenant toutefois d’afficher sa couleur politique. Les rappeurs du collectif « Rap against dictatorship » (RAP, « Rap contre la dictature ») qui lui ont succédé sur scène ne cachent pas, quant à eux, leur détestation de la junte au pouvoir depuis cinq ans.
« Par le passé déjà, le changement est venu des jeunes. Le 24 mars, c’est clair que la nouvelle génération a une chance de changer le pays de nouveau », a assuré à l’AFP le rappeur Hockhacker, du collectif RAP. Lors de son concert improvisé, il a expliqué le nouveau titre du collectif, « 250 », qui devait être diffusé sur les réseaux sociaux vendredi soir: il fait référence aux 250 sénateurs non-élus qui seront nommés par les militaires pour contrôler le parlement élu.
« Nous avons 500 députés mais aussi ces 250 sénateurs qui peuvent élire le Premier ministre. Et nous savons qui choisit ces 250 sénateurs », critique Choice Pathan, un étudiant de 19 ans interrogé par l’AFP. Le collectif professionnel RAP a percé il y a quelques mois, grâce aux réseaux sociaux, avec sa chanson « Ce qu’est mon pays », très anti-junte, visionnée des millions de fois.
A l’approche des législatives de dimanche, plusieurs fois repoussées depuis le coup d’Etat de 2014, les artistes expriment de plus en plus leur colère, que ce soit dans le rap ou le street-art. L’artiste Headache Stencil, se moque ainsi dans sa dernière exposition (« Thailand casino »), de la partie de poker électoral que se disputent deux grandes forces politiques ennemies: celle de l’ex-Premier ministre Thaksin Shinawatra et celle du chef de la junte Prayut Chan-O-Cha.
Le premier est la figure de proue, malgré son exil, des « rouges », réformateurs considérés comme de dangereux anti-monarchistes par les « jaunes », au premier rang desquels les généraux comme Prayut, conservateurs jurant de protéger la royauté à tout prix. « Cette élection est importante. C’est un pari sur l’avenir de la Nation », explique l’artiste Headache Stencil, qui ne cesse ces derniers mois de tourner la junte militaire en dérision, sur les murs de Bangkok.
D.C avec AFP
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.