L’organisme chinois de surveillance de l’environnement a identifié quatre sociétés de vérification de données ayant falsifié leurs conclusions sur les émissions carbone des entreprises. Alors que la falsification des données continue de saper les objectifs climatiques ambitieux du pays, un ancien employé du ministère chinois de l’Environnement en explique les causes.
C’est en octobre 2021 que le ministère de l’Écologie et de l’Environnement (MEE) a décidé de lancer des enquêtes sur l’exactitude des bilans carbone dans tout le pays. Finalement, tout récemment, le 14 mars, le MEE a offert ses conclusions. Quatre agences de vérifications de données ont manipulé leur rapports, falsifiés les dates des tests, les chiffres relatifs aux émissions et les résultats d’empreinte carbone.
La société de vérification des données Zhongtan Nengtou Tech Co., basée à Pékin, est accusée d’avoir « fabriqué de faux échantillons de charbon » et d’avoir « falsifié et contrefait des rapports d’essai ». Une deuxième compagnie, Liaoning Dongmei Testing and Analysis Research Institute, est également accusée d’avoir falsifié ses essais.
Deux autres sociétés, SinoCarbon Innovation & Investment Co, basée à Pékin, et Qingdao Xinuo Renewable, de la province de Shandong, sont accusées d’avoir « rédigé des conclusions déformées et inexactes », selon Reuters citant le MEE.
En juillet de l’année dernière, le ministère régional de l’Environnement de Mongolie intérieure avisait un client de Zhongtan Nengtou, Inner Mongolia Erdos High‑Tech Materials, de son faux rapport sur ses émissions carbone. C’est cet incident qui a entraîné une campagne de trois mois visant à détecter d’autres fraudes de ce type.
D’octobre à décembre 2021, le ministère national de l’Environnement a donc fait appel à 31 groupes de travail pour superviser et inspecter à l’échelle nationale l’exactitude des données sur les émissions carbone. Selon les informations locales, il s’agissait avant tout de cibler les grandes entreprises de services techniques et de contrôle des émissions dans le secteur de l’énergie.
L’enquête à court terme a dévoilé les pratiques frauduleuses de quatre des principales entreprises de vérification des données.
Mais, selon le commentateur Li Jie, toute cette campagne est avant tout politique, la falsification des données n’étant en aucun cas une nouveauté en Chine. Ces enquêtes, explique‑t‑il, ont probablement été fixées à l’avance, les autorités sachant parfaitement que les entreprises modifient les chiffres à leur gré. En d’autres termes, l’inculpation de ces compagnies n’est rien d’autre qu’un stratagème démagogique permettant au gouvernement de se montrer engagé dans la cause environnementale.
Selon China Energy Net, une plateforme du gouvernement lancée en juillet 2021 pour offrir des services et des informations sur l’énergie dans le but de réduire les émissions carbone, des données exactes et fiables, voilà la base indispensable pour gérer efficacement la question. Mais dans la pratique, la falsification des données rend chaotique le « marché du carbone » chinois.
Le « marché du carbone », ou « système d’échange de quotas d’émission de carbone » (ETS pour Emission Trading system) est un système né en Europe qui, à des fins environnementales, alloue des quotas aux entreprises. Les entreprises dont les émissions carbone sont au‑dessous de leurs quotas alloués peuvent vendre leur surplus de quotas à celles qui sont au‑dessus des quotas qui leurs ont été assignés.
En juillet 2021, le système national chinois d’échange de quotas d’émission de carbone (ETS) fait ses débuts. C’est ainsi que 4,1 millions de tonnes de quotas de dioxyde de carbone, d’une valeur d’environ 32 millions de dollars, changent de mains, rapporte Reuters.
Gao Fengyi, ancien employé du ministère chinois de l’Environnement et titulaire d’un doctorat en protection de l’environnement, explique à Epoch Times les deux principales causes du chaos qui règne sur le marché du carbone chinois.
« Premièrement, le PCC change souvent ses politiques en fonction des besoins politiques. Il n’y a pas de normes fixes, donc il est difficile pour les gouvernements locaux et les entreprises de coopérer. Deuxièmement, si les performances d’une région ne répondent pas aux normes d’évaluation nationales, cela aura un impact direct sur les postes des fonctionnaires locaux. Afin de conserver leurs emplois et leurs salaires, le gouvernement local doit falsifier les données. »
« Lorsque je travaillais au ministère de l’environnement, nous conservions deux séries de données. L’une correspondait à l’exigence nationale de soumission, et l’autre était constituée des données réelles. Nous élaborions des plans de travail sur la base des données réelles. »
Les objectifs ambitieux de la Chine
Lors du Sommet mondial sur le climat en avril 2021, le dirigeant chinois Xi Jinping a affirmé que la Chine, le plus grand émetteur de gaz à effet de serre au monde, atteindrait un « pic d’émissions » d’ici 2030, et commencerait à les réduire pour atteindre la « neutralité carbone » d’ici 2060. Xi Jinping a demandé aux pays occidentaux de lui apporter un soutien financier et technique.
Si l’ETS chinois prétend inciter les gros pollueurs à réduire leurs émissions, en pratique, en Chine continentale, on découvre bien souvent que les données sont falsifiées.
Le premier cas de fraude majeur révélé par le ministère de l’Environnement en juillet 2021, concernait l’entreprise de vérification des données Zhongtan Nengtou. Celle‑ci avait fourni à Inner Mongolia Erdos High‑Tech Materials des chiffres falsifiés sur les tests d’échantillons de charbon et des rapports contrefaits à onze autres entreprises.
Selon China Energy Net, grâce à ces rapports falsifiés, Erdos High‑Tech Materials a pu baisser de 2 millions de tonnes son écart avec les quotas qui lui étaient alloués en 2019. Ainsi, la compagnie a pu réduire ses dépenses d’achat de quotas d’environ 15,76 millions de dollars.
Toutefois, M. Gao s’attendait à ce que davantage de cas de fraude soient divulgués chaque année.
Les défis du passage au vert
M. Gao prend l’exemple du Japon.
Les centrales électriques japonaises sont principalement alimentées par l’énergie nucléaire, de ce fait leurs émissions carbone sont relativement faibles. Le Japon aura donc plus de facilité à atteindre la neutralité carbone. En revanche, la Chine exploite principalement des centrales électriques au charbon, première source d’émissions. En outre, les provinces du nord du pays utilisent également le charbon pour le chauffage. Par conséquent, il sera difficile et coûteux pour la Chine de s’adapter et devenir plus verte.
Contrairement au Japon, la Chine néglige généralement la protection de l’environnement dans la plupart des secteurs, notamment dans ses installations de traitement des eaux usées, selon M. Gao.
« Les installations de protection de l’environnement de la Chine sont juste une vitrine. Par exemple, dans les frais de déversement des eaux usées qu’elle perçoit auprès de ses citoyens, seuls 20 % sont réellement alloués au traitement des eaux usées, avec 7 % qui sont consacrés à la construction d’installations de traitement des eaux usées et les 13 % restants qui sont des primes pour les employés », explique‑t‑il.
« [La Chine peut‑elle] atteindre le pic de carbone d’ici 2030 ? C’est impossible. Pour être plus précis, ce n’est pas que le PCC ne peut pas le faire, c’est qu’il ne le fera pas. »
La neutralité carbone implique des émissions nettes de CO2 égales à zéro. Pour atteindre ces objectifs, il est question de changer les taux d’émission de CO2 en favorisant leur élimination, par le biais de la « compensation carbone ». La compensation carbone consiste à financer les projets qui permettent la réduction des émissions, i.e. les énergies renouvelables ou autres. La neutralité carbone implique aussi de réduire les émissions produites par les populations, d’assurer la transition vers l’« économie post-carbone ». Lors de l’Assemblée générale des Nations unies en septembre 2020, Xi Jinping a déclaré que la Chine, en tant que premier émetteur mondial de gaz à effet de serre, atteindrait la neutralité carbone d’ici 2060.
Si le « pic d’émission » fait référence à l’objectif de la Chine d’amener ses émissions totales de gaz à effet de serre (CO2) à un pic vers 2030, Xi Jinping s’est également engagé à réduire les émissions de dioxyde de carbone de la Chine d’« au moins » 65 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici à 2030.
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