L’Etat d’urgence a été déclaré dans tout le Pérou, a annoncé mercredi le pouvoir qui veut une réponse « d’autorité » face aux violences ayant fait déjà sept morts et plus de 200 blessés mais propose d’avancer une nouvelle fois les élections générales, cette fois à décembre 2023.
Sur le plan judiciaire, le président destitué Pedro Castillo, qui espérait sortir mercredi de prison, reste incarcéré.
« L’Etat d’urgence est décrété dans tout le pays pour trente jours (…) Il faut une réponse énergique avec autorité » face aux violences, a affirmé le ministre de la Défense Alberto Otarola, soulignant que la mesure comprend « la suspension de la liberté de circuler et de réunion » avec « possibilité de couvre-feu ».
« La police avec le soutien des forces armées aura le contrôle de tout le territoire », a-t-il précisé, l’Etat d’urgence permettant notamment à l’armée d’intervenir dans le maintien de l’ordre.
Le gouvernement avait déjà décrété l’Etat d’urgence lundi dans plusieurs provinces, puis l’avait étendu mardi.
Débordé par les manifestations qui se poursuivent, le pouvoir tente de sortir de la crise soufflant le chaud et le froid.
Avancer le calendrier électoral
Parallèlement, la présidente Dina Boluarte, qui était la vice-présidente de Castillo jusqu’à sa tentative ratée de dissolution du Parlement, a annoncé vouloir à nouveau avancer le calendrier électoral.
Elle a affirmé que le gouvernement, le Parlement et l’organisme électoral faisaient des « ajustements » afin « d’avancer les élections à décembre 2023 », précisant qu’« avant cette date, ça ne marche pas légalement. Il faut que nous restions dans le cadre légal ».
Mme Boluarte, qui cristallise sur sa personne une partie du mécontentement, s’était déjà engagée dimanche à les avancer de 2026 à avril 2024, sans pour autant enrayer les protestations. Elle est elle même concernée par la mesure : son mandat court théoriquement jusqu’en 2026, M. Castillo ayant élu en 2021 pour cinq ans.
Outre la libération de M. Castillo, les manifestations qui se poursuivaient mercredi exigent la démission de la présidente, issue du même parti radical de gauche que lui, et la dissolution du Parlement.
Le mobilisation restait forte
Le mobilisation restait forte mercredi avec de nombreuses routes bloquées, selon les images des télévisions locales. La police avait mardi soir comptabilisé des rassemblements dans 14 des 24 régions du pays. La partie sud du pays, notamment la zone touristique de Cuzco, et celle au nord restent les zones les plus touchées par les manifestations.
Le train reliant Cuzco et la citadelle inca du Machu Picchu, le joyau touristique du Pérou, est suspendu depuis mardi, a annoncé l’opérateur Peru Rail, alors que la police a fait usage de gaz lacrymogènes.
De nombreux touristes sont bloqués sur le site, selon le maire de Machu Picchu, Darwin Baca, qui demande assistance pour les évacuer.
Les aéroports de Cuzco mais aussi Juliaca (sud) et Puno près de la Bolivie ont été fermés mercredi « par précaution ».
À Arequipa, deuxième ville du pays, les militaires protégeaient l’aéroport et les bâtiments public pour dissuader d’éventuelles attaques.
A Lima, à l’image des derniers jours, des échauffourées ont eu lieu mardi en soirée entre policiers et manifestants près du Parlement.
La détention provisoire de l’ex-président M. Castillo
L’ancien président restera en prison dans sa caserne située à l’est de la capitale. Le juge Juan Checkley, qui devait statuer mercredi sur une demande de détention préventive de 18 mois déposée par le Parquet pendant la nuit, a accordé un délai à la défense qui a assuré ne pas avoir tous les documents nécessaires.
Mais il a maintenu le président en détention pour 48 heures supplémentaires.
La Cour suprême avait ordonné le 7 décembre la détention provisoire de M. Castillo pour sept jours. Il devait en théorie sortir mercredi à 13h42 locale (18h42 GMT).
L’ex-président, qui avait juré « je ne renoncerai jamais » la veille lors d’une précédente audience, avait appelé ses partisans à l’accueillir à sa sortie de prison.
« Ça suffit ! L’outrage, l’humiliation et les mauvais traitements se poursuivent. Aujourd’hui, il me privent à nouveau de liberté pour 18 mois. Je demande à la CIDH (Commission interaméricaine des droits de l’Homme) d’intercéder pour mes droits et ceux de mes frères et soeurs péruviens qui demandent justice », a-t-il écrit sur son compte Twitter officiel.
« Je vous tiens, juges et procureurs, responsables de ce qui se passe dans le pays. ‘Seul le peuple sauve le peuple’, » conclut-il.
Devant la caserne où il est détenu à Até, une centaine de personnes scandaient des slogans en sa faveur.
« Nous resterons ici jusqu’à ce que notre président sorte et retourne à son fauteuil présidentiel au Palais », promet Roxana Figueroa, 59 ans, assistante sociale.
Le 7 décembre, M. Castillo, 53 ans, avait ordonné la dissolution du Parlement qui avait peu après voté, à une large majorité, sa destitution pour « incapacité morale ». Il avait tenté de trouver refuge dans l’ambassade du Mexique avant d’être arrêté.
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