Une possible réponse aux nouvelles « routes de la soie » de Pékin ? Les États-Unis ont poussé, à l’occasion du G20, pour un ambitieux projet de « couloir » logistique reliant l’Inde et l’Europe au Moyen-Orient, avec un rôle de premier plan pour l’Arabie saoudite.
Un accord de principe a été signé samedi, à New Delhi, entre les États-Unis, l’Inde, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l’Union européenne, la France, l’Allemagne et l’Italie, selon un communiqué diffusé par la Maison Blanche.
« C’est vraiment important » : commentant cette signature, le président américain a parlé d’un accord « historique » lors d’une table ronde rassemblant les dirigeants concernés. C’est « beaucoup plus que ‘‘seulement’’ du rail ou un câble », a souligné la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, évoquant « un pont vert et numérique entre les continents et les civilisations ».
À la fin de la réunion, Joe Biden s’est approché du Premier ministre indien Narendra Modi, hôte du sommet du G20, et du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, pour une poignée de main collective. Il y a un peu plus d’un an, le démocrate de 80 ans avait suscité une intense polémique lorsqu’il avait salué d’un « check » Mohammed ben Salmane, que les États-Unis tiennent pour le commanditaire de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, lors d’un déplacement en Arabie saoudite.
Relier l’Inde et l’Europe
Mais l’eau a coulé sous les ponts, et les États-Unis redoublent désormais d’efforts pour resserrer les liens avec la monarchie pétrolière, au nom de leurs intérêts stratégiques. « Nous voulons lancer une nouvelle ère connectée via un réseau ferroviaire, reliant des ports en Europe, au Moyen-Orient et en Asie », selon un document diffusé par l’administration Biden à propos de la grande annonce de « couloir » entre l’Inde et l’Europe.
L’objectif est de créer des « nœuds commerciaux », tout en « encourageant le développement et l’exportation d’énergies propres. » Il s’agira aussi de poser des câbles sous-marins. Le projet doit également « faire progresser l’intégration au Moyen-Orient », y compris entre des « partenaires improbables », a commenté le conseiller à la Sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan, qui a aussi mentionné Israël et la Jordanie parmi les pays concernés.
Joe Biden, soucieux de laisser sa marque diplomatique dans la région, s’efforce de convaincre l’Arabie saoudite et Israël de normaliser leurs relations. L’accord sur le grand projet d’infrastructures, dont le calendrier reste flou, « n’est pas spécifiquement un signe avant-coureur de normalisation », a toutefois précisé Jake Sullivan. Avec cette annonce, le président américain essaie d’occuper l’espace laissé vacant par le dirigeant communiste chinois Xi Jinping, qui comme son homologue russe Vladimir Poutine n’a pas fait le déplacement à New Delhi pour le G20.
Les États-Unis et l’Europe ont par ailleurs annoncé qu’ils s’associaient afin de soutenir un autre projet d’infrastructures, en Afrique cette fois : le « couloir Lobito », reliant la République démocratique du Congo et la Zambie via le port de Lobito en Angola.
Si le projet visant à relier l’Inde à l’Europe en passant par divers pays du Moyen-Orient était réellement « concrétisé, ça changerait les règles du jeu », a jugé dans un message sur X (ex-Twitter) Michael Kugelman, expert de l’Asie du Sud au Wilson Center de Washington, et cela « viserait à contrer la BRI ». La « Belt and Road Initiative » est l’acronyme en anglais du programme dit « des nouvelles routes de la soie » par lequel Pékin réalise des investissements massifs dans nombre de pays en développement pour construire des infrastructures.
Ses opposants dénoncent un cheval de Troie de Pékin, destiné à obtenir une influence politique, et critiquent l’endettement dangereux qu’il fait peser sur des pays pauvres. Joe Biden l’avait qualifié en juin de « programme d’endettement et de confiscation ».
« Dans cette idée (de nouveau couloir logistique), il y a une concurrence avec les ‘‘routes de la soie’’ », a noté également une source diplomatique française, pour qui l’annonce de Delhi est « juste le début d’une longue histoire ». Pour Paris, il faudrait notamment, à terme, « voir comment l’Égypte entre au tour de table ».
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