Brian Fang était ravi quand il a entendu le nom de la société de production cinématographique pour laquelle il travaille être cité lors d’une cérémonie de remise de prix au Festival international du film de Markham, le 16 juillet.
« Nos films traitent des bonnes valeurs et du respect de la morale, et j’ai donc pensé que c’était merveilleux de recevoir cette reconnaissance », a déclaré M. Fang, un acteur dans les productions de New Century Films, basée au nord de Toronto.
Mais le sentiment de joie s’est rapidement transformé en embarras. Alors qu’il se dirigeait vers la scène pour recevoir la récompense, il a dû faire marche arrière : la conseillère municipale de la ville, Amanda Yeung Collucci, qui remettait les récompenses, s’est empressé de faire un commentaire à l’un des organisateurs, qui a rapidement dit à M. Fang qu’il y avait erreur et que le film avait déjà reçu une récompense.
« C’était embarrassant parce que tout le monde applaudissait à l’appel de notre nom et j’ai dû retourner à ma place », a déclaré le jeune acteur dans une interview.
Il s’agit là de l’un des nombreux incidents auxquels la société cinématographique a été confrontée lors du festival.
Deux autres incidents survenus lors d’autres événements en Asie cet été ont amené M. Fang et ses collègues à soupçonner que le long bras de Pékin se cachait derrière tout cela.
Par exemple, lors du festival international du film de Busan, en Corée du Sud, un organisateur a déclaré que Hua Chunying, un haut fonctionnaire du ministère chinois des Affaires étrangères, était intervenu personnellement pour s’assurer que la société cinématographique ne reçoive aucune reconnaissance, selon New Century Films.
En Malaisie, le gouvernement a carrément dit que la projection du film nuirait aux relations diplomatiques avec la Chine. Epoch Times a pris connaissance des deux documents.
Le festival du film de Markham
New Century Films a présenté deux films au festival international du film de Markham 2023, « The Power of Compassion » et « Silver Screen Dreams », qui s’est tenu à l’hôtel de ville de Markham, au nord-est de Toronto.
Le premier est un court métrage qui montre l’importance de la compassion au quotidien, et le second est un long métrage racontant l’histoire d’une actrice accomplie s’efforçant de surmonter un échec majeur.
« Une histoire sur la douleur, la guérison et le pardon », peut-on lire dans le synopsis du film.
Révéler la censure culturelle du PCC et son agenda caché dans le monde libre
| EN ANGLAIS
Les deux films comportent des scènes montrant le Falun Dafa, également connu sous le nom de Falun Gong, une pratique de méditation basée sur les principes de vérité, de compassion et de tolérance, dont les adeptes en Chine sont lourdement persécutés par le Parti communiste chinois (PCC).
« Silver Screen Dreams » présente également des scènes de la révolution culturelle du PCC, ainsi que les destructions et les souffrances qu’elle a causées.
Grace Wei, productrice de la société cinématographique, raconte que le premier jour du festival à Markham, le 15 juillet, les organisateurs les ont approchés avant la cérémonie d’ouverture et leur ont dit qu’ils recevraient des certificats de reconnaissance délivrés par le maire de Markham, Frank Scarpitti, et le conseil municipal. Elle affirme qu’on leur a dit que le maire lui-même leur remettrait les récompenses.
Elle explique que ses collègues ont discuté avec le maire avant la cérémonie d’ouverture et qu’ils ont dit qu’il était très chaleureux et accueillant, et qu’il prendrait des photos avec eux après la cérémonie d’ouverture.
Mais après la cérémonie, il a changé d’attitude.
Mme Wei dit qu’elle et ses collègues ont observé qu’à la sortie de la cérémonie, le maire était entouré de quelques conseillers municipaux, et qu’à leurs gestes, elle a senti qu’ils parlaient de la société cinématographique.
Elle ajoute qu’ensuite, le maire Scarpitti n’était plus aussi chaleureux et amical qu’auparavant. Lors de la séance photo sur le tapis rouge avec les représentants de New Century Films, il a refusé de se tenir au milieu de la photo, et a semblé « réticent » à être là et s’est contenté de se tenir sur le côté pour la photo, dit Mme Wei.
En fin de compte, ce sont les organisateurs du festival qui ont remis les certificats de reconnaissance à l’équipe du film lors de la séance photo, alors même que les certificats sont délivrés par le maire et le conseil municipal, et non par le festival.
M. Fang, l’acteur principal, explique qu’une conversation qu’il a eue le lendemain avec l’un des organisateurs du festival l’a éclairé.
Il raconte qu’au cours d’une séance de questions-réponses après la projection du film « Power of Compassion » au festival le 16 juillet, l’un de ses collègues a expliqué que le film n’était pas autorisé à être projeté en Chine. Avant même qu’il n’ait le temps de finir, l’un des organisateurs a cherché à l’interrompre.
M. Fang affirme qu’après la séance, l’organisateur lui a dit en privé qu’il avait été touché par le film et qu’il comprenait maintenant pourquoi un conseiller avait «empêché» le maire de remettre les fameux certificats.
Epoch Times a contacté le bureau du maire Scarpitti à plusieurs reprises pour obtenir des commentaires, mais n’a pas eu de réponse.
L’incident à la remise des prix
Le 16 juillet, au début de la cérémonie de remise des prix, le maître de cérémonie a annoncé qu’une conseillère municipale, Mme Collucci, allait remettre des certificats à des films « sélectionnés », sans préciser les critères de sélection.
Un premier certificatsa été remis à un cinéaste qui s’est rendu sur scène et a pris une photo avec la conseillère et les organisateurs. Mais lorsque le maître de cérémonie a appelé le nom de New Century Films qui devait être récompensé pour son film « Power of Compassion » (Le pouvoir de la compassion) la conseillère en question a changé d’attitude.
Dans les images tournées on peut voir Mme Collucci se tourner vers l’un des organisateurs et faire quelques commentaires après l’annonce du maître de cérémonie de récompenser le film « Power of Compassion ». L’organisateur s’est alors approché de M. Fang et l’a repoussé. Les images montrent M. Fang revenant une deuxième fois et se faisant à nouveau refouler.
M. Fang a déclaré qu’il était revenu pour s’assurer qu’il n’y avait pas eu de malentendu, mais l’organisateur lui a dit « s’il vous plaît, s’il vous plaît, s’il vous plaît », tout en lui faisant signe de s’en aller.
On voit ensuite les organisateurs se concerter. Le maître de cérémonie annonce alors au public que le film a déjà reçu son certificat la veille.
M. Fang explique qu’il a assisté à plusieurs cérémonies de remise de prix dans le passé, et qu’il n’a jamais vu quelqu’un être traité de la sorte.
« Même si, lors d’une cérémonie, ils annoncent un nom erroné, ils ne viennent pas essayer de vous bloquer physiquement, ils s’excusent tout simplement et ils s’expliquent. Il semble qu’ils ne voulaient pas que je m’approche de la scène», dit-il.
La conseillère municipale a quitté la cérémonie de remise des prix plus tôt que prévu, après avoir participé à la remise des certificats et de certains des prix décernés dans les différentes catégories. D’autres personnalités ont ensuite été appelées pour aider à remettre les prix. Le film « Silver Screen Dreams » a remporté le prix du « Meilleur maquillage et coiffure ».
Epoch Times a contacté Mme Collucci à plusieurs reprises pour obtenir des commentaires, notamment sur sa réaction apparente après l’annonce du nom de New Century Films, mais n’a pas eu de réponse.
Un porte-parole du festival du film a déclaré à Epoch Times que les certificats du conseil municipal et du maire avaient été délivrés à des « cinéastes sélectionnés ».
« La cérémonie de remise des prix a eu lieu dimanche [16 juillet] à 19 heures. À ce moment-là, ni le maire ni les conseillers n’étaient présents. Seule une conseillère est venue et a remis son certificat de remerciement à l’organisation, puis elle est repartie pour un autre programme [sic] », a déclaré une personne qui a signé sous le nom de « Dayana. S » dans un courriel au nom du festival.
Inquiétude de la société cinématographique
Mme Wei se dit préoccupée par les incidents étranges qui se sont produits et s’inquiète de savoir si le conseil n’a pas été influencé de l’extérieur.
Elle explique que de nombreux membres de l’équipe de la société cinématographique, qui sont d’origine chinoise et ont de la famille en Chine, ont été victimes d’ingérence de la part du PCC.
« Tous nos employés chinois ont vu les membres de leur famille contactés et harcelés par les autorités du PCC dans leur pays d’origine », a déclaré Mme Wei.
À Markham, où vit une importante communauté chinoise, les cas d’ingérence du régime chinois sont légions.
Deux des postes secrets installés récemment par la police chinoise dans la région du Grand Toronto sont situés à Markham. De nombreuses organisations communautaires basées à Markham adoptent également des positions alignées sur celles de Pékin. En outre, la région fait partie des régions où les conservateurs ont déclaré avoir enregistré une forte baisse soutien parmi leurs électeurs à la suite de leurs informations faisant état d’ingérences généralisées du PCC lors des deux dernières élections fédérales.
Le 11 février 2020, la salle du conseil municipal de Markham était bondée de membres de la communauté et d’activistes désireux de se prononcer sur le maintien ou non d’une politique autorisant le déploiement du drapeau de la République populaire de Chine (RPC) à l’extérieur de l’hôtel de ville. Cette décision a été prise dans un contexte de sensibilisation accrue aux violations des droits de l’homme commises par la RPC, notamment à l’époque de l’incarcération arbitraire des citoyens canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor.
Le conseil municipal a finalement voté par 8 voix contre 5 en faveur du maintien de la politique existante en matière de hissage de drapeaux étrangers.
Le maire Scarpitti et le conseiller Collucci ont notamment voté en faveur du maintien de cette politique. Selon YorkRegion.com, l’ancien ministre du cabinet de l’Ontario, Michael Chan, aujourd’hui maire adjoint de Markham, s’était également prononcé en faveur du maintien de la politique à l’époque.
Tout comme M. Chan, Mme Collucci a souvent assisté à des événements auxquels participait le consul général de Chine basé à Toronto, notamment aux célébrations de l’anniversaire de la fondation de la RPC.
M. Chan n’a pas répondu à une demande de commentaire.
Festival de Busan et ministère chinois des Affaires étrangères
Cet été également, en juin, Ethan Gu, acteur et coordinateur de la liaison avec la société New Century Films, a contacté le Festival international du film de Busan, en Corée du Sud, afin d’y présenter « Silver Screen Dreams ».
M. Gu, qui parle couramment le chinois et le coréen, s’est entretenu à quatre reprises avec un organisateur du festival.
« Les deux premières fois, l’organisateur s’est montré très aimable et a dit qu’il n’y aurait aucun problème à ce que ‘Silver Screen Dreams’ soit sélectionné pour un prix », a déclaré M. Gu. Il a ajouté que l’organisateur avait déclaré que seul un juré chinois s’était opposé à la sélection du film.
M. Gu lui a alors dit que le film avait reçu plus de 20 prix dans différents festivals et que la réaction positive des jurés au festival de Busan était conforme à ce à quoi iles étaient habitués.
Mais, dit-il, à partir de leur troisième conversation en août, « l’attitude de l’organisateur a pris une tournure radicale ».
Il raconte que l’organisateur lui a dit que le ministère chinois des Affaires étrangères était intervenu directement dans la sélection du film, et que l’organisateur a spécifiquement mentionné le nom de Hua Chunying, ministre adjoint des Affaires étrangères de la Chine, comme étant impliqué dans l’intervention.
« Le festival de Busan a manifestement subi des pressions de la part du PCC, et toute reconnaissance du film ‘Silver Screen Dreams’ a dû être annulée », a déclaré M. Gu.
Epoch Times a contacté le Festival international du film de Busan pour obtenir des commentaires, mais n’a pas reçu de réponse avant l’heure de publication.
M. Gu, qui a vécu en Corée du Sud, explique qu’il y a eu plusieurs cas récents en Corée du Sud où il semble que les responsables aient peur de perdre certains avantages lorsqu’il s’agit du PCC.
Il explique qu’un exemple récent est le refus des deux principaux théâtres de Séoul d’accueillir Shen Yun Performing Arts, une compagnie de danse classique chinoise basée à New York dont les spectacles comprennent également des scènes montrant la persécution par le PCC dans la Chine d’aujourd’hui.
« Trop d’industries sont financièrement liées au PCC et sont donc obligées de suivre le PCC », explique M. Gu.
Le changement soudain de ton de l’organisateur du festival de Busan fait suite à un autre incident survenu au cours de l’été, cette fois en Malaisie.
Directive à Kuala Lumpur
En juin, l’équipe de New Century Films a obtenu une licence de la National Film Development Corporation de Malaisie pour distribuer « Silver Screen Dreams » dans le pays. Ils ont également obtenu des heures de projection suivies d’une rencontre avec l’équipe au cinéma Amerin Cineplex de Kuala Lumpur.
Toutefois, en août, le ministère de l’Intérieur a écrit aux organisateurs de New Century Films pour leur dire qu’ils ne pouvaient pas projeter le film en raison des préoccupations du gouvernement malaisien concernant les relations avec la Chine.
« Le Falun Dafa est interdit en Chine. La projection de films comme celui-ci peut avoir un impact sur les relations diplomatiques entre la Malaisie et la Chine », peut-on lire dans la déclaration du 7 août en malais, consultée par Epoch Times.
Mme Wei explique qu’à ce moment-là, les organisateurs ont décidé que la projection du film, prévue pour le mois d’octobre, ne serait accessible que sur invitation privée, au lieu de vendre des billets au public.
Cependant, le 4 octobre, l’un des organisateurs de New Century Films a reçu un SMS du directeur du cinéma indiquant qu’un fonctionnaire du ministère de l’Intérieur s’était rendu au cinéma et avait déclaré que l’agence de renseignement malaisienne Special Branch avait informé le ministère de la tenue de la projection privée.
« Ils ont dit qu’il fallait empêcher la projection du film », dit le message, vu par Epoch Times. « Sinon, nous pouvons être condamnés à une amende [sic] et à une peine d’emprisonnement [sic] ».
Le lendemain, trois policiers sont venus au cinéma et ont dit aux organisateurs et à la direction du cinéma que le film ne pouvait pas y être projeté, a déclaré Mme Wei. Elle ajoute que les policiers ont dit qu’ils ne voulaient pas être là et qu’ils ne faisaient qu’obéir aux ordres.
La direction du cinéma a demandé aux policiers s’ils avaient des documents autorisés prouvant que même une projection privée du film était interdite, explique Mme Wei. Les policiers ont répondu qu’ils n’avaient aucun document à cet effet, mais qu’une projection privée dans le théâtre, qui est considéré comme un lieu public, n’était pas autorisée, dit-elle. Sous la pression, le cinéma a fini par annuler le contrat avec les organisateurs, affirme Mme Wei.
Selon elle, les organisateurs de New Century Films ont alors organisé la projection privée du film dans un centre de villégiature.
Epoch Times a contacté le ministère malaisien de l’Intérieur ainsi que l’Amerin Cineplex pour obtenir des commentaires, mais n’a pas reçu de réponse.
Mme Wei espère que les fonctionnaires des différents pays ne céderont pas aux pressions du PCC et qu’ils défendront plutôt les libertés.
« Nos films sont vraiment bénéfiques pour la société. Ils promeuvent de bonnes valeurs. J’espère que davantage de personnes pourront les voir », a-t-elle déclaré.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.