De nos jours, on peut ressentir que la conscience d’hommes et de femmes est mise à l’épreuve, en particulier dans le domaine de l’éducation. Cette période est même de plus en plus éprouvante avec les années qui passent.
Des perturbations sans précédent dans l’éducation, dues à la pandémie de COVID-19, des querelles mesquines en lien aux programmes de la théorie critique de la race et des incivilités croissantes de la part d’élèves ont réussi à pousser de nombreux enseignants chevronnés à une retraite anticipée. Les nouveaux venus dans la profession nagent dans des eaux plus agitées que celles que des générations précédentes auraient pu imaginer. La pénurie nationale d’enseignants et de personnel de soutien témoigne de cette réalité.
Heureusement, dans les classes, les choses commencent à peine à retrouver un semblant de normalité – c’est du moins ce que les enseignants avec lesquels je me suis entretenu m’ont rapporté au début de l’année. Certes, de nombreux élèves montrent toujours des effets persistants découlant la pandémie; du retard dans des matières de base telles que la lecture et l’écriture après des mois passés à la maison et à apprendre en ligne. Du moins, tout est rentré dans l’ordre –au niveau de l’enseignement en personne, Dieu merci.
Et puis le kraken du « Choc des Titans » a été libéré.
Ou peut-être, si l’on se réfère aux mèmes de la Grèce antique, devrions-nous parler du cheval de Troie. Car dans ce cas, le monstre qui a été lâché sur les enseignants (et les parents aussi, notez bien !) n’est pas doté de dents de 10 pouces et d’une peau écailleuse et serpentine.
Il s’agit de ChatGPT, même si le programme est salué dans certains cercles dont Silicon Valley, avec une sorte de chœur d’alléluia. En revanche, la mention de ce nom parmi les administrateurs et le personnel de l’éducation évoque l’effroi et le désespoir. Il semble que ce soit la seule chose sur laquelle tout le monde dans l’éducation s’entend en ce moment.
Qu’est-ce que ChatGPT ?
Des livres sur Amazon annoncent le pouvoir révolutionnaire de l’outil, avec des titres tels que « The ChatGPT Millionaire », qui promet dans son sous-titre que « Making Money Online has never been this EASY » (gagner de l’argent en ligne n’a jamais été aussi facile). D’autres ouvrages affirment qu’il peut écrire des ouvrages non fictionnels à votre place, qu’il peut vous apprendre à «tout casser » dans les entretiens d’embauche, et même qu’il détient « la clé du nouvel avenir de la médecine ».
Ses propres créateurs ne l’enrobent pas d’autant d’hyperboles, ce sont des ingénieurs informaticiens, après tout. Ils dressent toutefois une liste impressionnante des pouvoirs offerts par le nouvel outil d’intelligence artificielle en ligne. Il s’agit notamment de corriger la grammaire, de traduire des textes, de résumer des notes, de générer des textes créatifs, de résoudre des problèmes mathématiques, de déboguer du code et même de rédiger des discours et des lettres.
Tout cela ne devrait pas être si surprenant, étant donné le rythme effréné auquel l’intelligence artificielle (IA) a progressé ces dernières années. Il y a un peu plus de vingt ans, un ordinateur d’IA, Deep Blue, a battu le champion d’échecs en titre. Il y a tout juste sept ans, c’était au tour du champion du monde de go de quitter l’arène sur une défaite.
Mais ce qui donne des sueurs froides aux enseignants, c’est ce que ChatGPT peut faire pour les élèves. Et le faire étrangement bien. Des choses que personne ne devrait faire.
Comme la tricherie.
Pensez à ChatGPT comme à la tricherie 2.0. La barrière à l’entrée vient d’être considérablement abaissée pour les délinquants en puissance.
L’élève de troisième n’a plus à supplier son frère aîné pour obtenir la copie poussiéreuse de sa dissertation sur « Les raisins de la colère ». De même, l’enfant unique tricheur n’a plus à débourser de sommes pour des services de rédaction en ligne et à attendre – à qui ça ne plaise – un jour ou deux pour recevoir ses récompenses illicites.
Aujourd’hui, c’est moins d’une minute. Et c’est gratuit.
La seule limite est la créativité de l’enfant.
« Écrivez-moi un essai de cinq paragraphes comparant Macbeth et Hamlet », demande-t-il. Quelques instants plus tard, l’essai s’affiche à l’écran, avec une grammaire parfaite, une ou deux citations possibles et une logique étonnamment bonne.
Quoi, pas de citations ? Vous pouvez aussi les demander.
Oups, le document semble un peu trop beau pour être vrai ? « Réécrivez la dissertation ci-dessous au niveau d’une classe de quatrième », demandez-vous. Et ce sera le cas. Étonnamment bien, en fait.
Il n’est cependant pas parfait, comme en témoignent tous les enseignants qui l’ont testé. Parfois, ses références sont erronées, ses faits sont un peu confus et ses arguments ne sont pas tout à fait valables. Mais il est difficile de s’en rendre compte, et il est fort probable qu’un élève qui l’utilise ne s’aperçoive pas de ses lacunes. Ou de s’en soucier, lorsque le devoir doit être rendu dans quelques heures et qu’il n’a pas lu le livre de 400 pages.
Le plus effrayant, c’est qu’il n’est pas très traçable (bien que cela puisse changer, selon ses concepteurs, OpenAI). Chaque question posée à la machine à bavarder génère un résultat vraiment unique, en temps réel. Il n’y a pas deux rédactions identiques. Ils n’auront jamais existé auparavant, que ce soit en ligne ou sous forme imprimée. Ce n’est pas du plagiat savant. Il s’agit d’une véritable nouveauté.
Mais ce n’est pas le vôtre. Ce n’est pas le produit de votre esprit et de vos efforts. Et c’est là tout l’intérêt des travaux scolaires.
Tout cela nous amène à la question des conséquences.
Changer l’éducation
Contrairement au kraken fictif du « Choc des Titans », cette bête n’a pas été libérée avec des intentions malveillantes. Mais, comme la créature de la légende, chacun de ses mouvements provoque des vagues suffisamment grandes et féroces pour écraser les citoyens sans méfiance qui se trouvent sur ses rives.
En termes pratiques, je pense que ChatGPT va très probablement se manifester de plusieurs façons sur le front de l’éducation.
Tout d’abord, ses effets risquent d’être inéquitables. On peut facilement imaginer que l’écart de réussite ne fera que s’aggraver au cours de cette période.
Cela dépendra en partie des écoles qui disposent de la bande passante nécessaire pour lutter contre les outils d’IA de ce type, qui permettent de rédiger des essais et de résoudre des problèmes de mathématiques. Oui, des enseignants formés peuvent repérer un très bon deep-fake, si les circonstances le permettent. Il faut d’abord connaître chacun de ses élèves suffisamment bien pour savoir quelles sont leurs performances de base, leur voix, leur maîtrise de la langue, et ainsi de suite, pour savoir quand quelque chose est écrit d’une autre main. C’est d’autant plus difficile à réaliser que l’on enseigne dans une école publique où les classes sont de plus en plus nombreuses et où il y a une pénurie d’enseignants. C’est une chose de bien connaître chacun de ses 40 élèves, mais c’en est une autre d’en connaître 125 ou plus. Avec une pile de plus de 100 dissertations à corriger pendant le week-end, il est impossible, par simple souci d’efficacité, de traiter chacune d’entre elles avec le même degré de nuance et d’attention qu’un enseignant de la même matière, dans une institution élite, par exemple, pourrait le faire avec une pile de copies trois fois moins importante.
De même, indépendamment des compétences des enseignants, certaines écoles sont beaucoup plus susceptibles de disposer des ressources nécessaires pour acheter le type de logiciel de détection du plagiat nécessaire pour repérer un faux provenant de ChatGPT.
Pour tous ceux qui se languissent des théâtres Looney Tunes de leur jeunesse, vous pouvez maintenant suivre le jeu du chat et de la souris qui émerge dans l’arène de l’IA, avec des outils logiciels d’IA qui apparaissent à gauche et à droite pour combattre les faux essais rédigés par le logiciel d’IA de la fratrie à l’autre bout de la ville. Oh, l’ironie de la chose!
On peut également imaginer que l’impact se fera sentir de manière très variable selon les différents groupes démographiques des ménages et des communautés. Une grande partie de la responsabilité de contrecarrer les méfaits des élèves incombera aux parents, et pour les parents célibataires ou ceux qui ont un double emploi et qui n’ont pas le temps ni l’énergie de surveiller attentivement les aventures en ligne de leur enfant pendant l’heure des devoirs, de mauvaises choses risquent de se produire.
Par extension, je pourrais envisager que l’éducation au caractère joue un rôle plus important dans les écoles avec tout cela (s’il y a une lueur d’espoir dans ce nuage artificiel !). Il n’a jamais été aussi impératif que les élèves développent la conscience de soi, la discipline, le jugement éthique et la maîtrise de soi qui faisaient partie intégrante de l’éducation autrefois. Il s’agit en quelque sorte de l’impératif moral implicite de ChatGPT.
Ceux qui l’ignorent le font à leurs risques et périls. Le prix à payer pour avoir pris des raccourcis sur les dissertations, les travaux de recherche et les tâches mathématiques effectuées dans l’obscurité sera élevé et douloureux au moment de l’examen en classe. Mais à la fin du trimestre, le mal est peut-être déjà fait. Le temps passé à travailler ne pourra jamais être récupéré. Il est donc probable que l’écart de réussite se creuse.
Nous pourrions également anticiper – contrairement à ce que beaucoup pensent – que ce sont les étudiants des universités qui souffrent le plus de l’outil de la solution rapide. Certes, ils sont plus mûrs que leurs jeunes adolescents. Mais ce sont eux qui passent le plus de temps sans surveillance, car l’essentiel du travail universitaire (dissertations, recherches, etc.) se fait seul. Les enseignants et les administrations avisés des niveaux primaire et secondaire pourraient être en mesure de pivoter rapidement et d’opter pour une approche de type « classe inversée », où l’essentiel du travail est effectué en classe. De nombreux enseignants qui ont surmonté la pandémie et maîtrisé le passage à l’enseignement en ligne ou hybride seront particulièrement bien préparés à cette évolution.
À l’université, en revanche, vous êtes livré à vous-même. Ce travail de 10 pages sur la physique newtonienne ne se fera pas sur le temps de travail rémunéré de votre professeur dans l’amphithéâtre.
Enfin, on peut également s’attendre à ce que certaines matières soient plus durement touchées par tout cela (et qu’elles doivent faire preuve de plus de créativité dans leurs mécanismes d’adaptation). Par exemple, le professeur de langues du monde a beaucoup moins de raisons de trembler que, disons, le professeur de littérature américaine ; les étudiants du premier feront un travail performant et des évaluations formatives auront lieu quotidiennement dans la salle de classe. L’IA ne peut pas lire à voix haute les lignes de votre dialogue français avec votre voix et à votre niveau.
Ou du moins pas encore …
Note de la rédaction : cet article est le premier d’une série de deux consacrés à l’impact de ChatGPT et de l’IA sur le paysage éducatif. Le prochain article explorera ce que les enseignants, les parents et les écoles peuvent faire pour atténuer les effets néfastes de ces outils.
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