« Un pacte corruptif entre Mouammar Kadhafi et Nicolas Sarkozy » pour financer sa campagne présidentielle 2007 : en 425 pages de réquisitions signées mercredi, le Parquet national financier (PNF) justifie point par point sa demande d’un procès pour 13 personnes, dont l’ex-chef de l’État et trois de ses anciens ministres.
Comme la plupart des protagonistes, Nicolas Sarkozy conteste vigoureusement les accusations. Il s’est défendu dans ce dossier en indiquant d’une part que Ziad Takieddine, son principal accusateur, aurait abusé « des fonds libyens pour les détourner à son profit », tout en prétendant qu’ils étaient destinés à la campagne du futur chef de l’État, et d’autre part qu’il n’aurait pas été informé des démarches de ses proches. La décision finale sur un procès sera prise par les magistrats instructeurs financiers, probablement avant le mois de septembre.
« Un pacte corruptif »
Quatre infractions sont au cœur de ce dossier, selon les réquisitions dont l’AFP a eu connaissance. Le ministère public estime disposer d’un « ensemble de témoignages convergents d’anciens dignitaires libyens sur le fait que Nicolas Sarkozy a (…), en octobre 2005, sollicité de Mouammar Kadhafi un soutien financier occulte » pour sa campagne présidentielle de 2007 : « un pacte corruptif » aurait été conclu.
Pour le parquet, des témoignages, des carnets personnels d’un ex-ministre libyen retrouvé mort en 2012 et surtout des archives informatiques de l’intermédiaire Ziad Takieddine, antérieures à la révélation publique de l’affaire, viennent le prouver, contrecarrant ainsi selon le PNF la thèse de la défense d’une « fable construite rétrospectivement » pour torpiller l’ex-président.
Des « contreparties à la fois diplomatiques, économiques et judiciaires »
Le PNF estime que l’enquête « a mis en évidence l’existence de contreparties à la fois diplomatiques, économiques et judiciaires », par exemple le retour de la Libye sur la scène diplomatique ou la conclusion de contrats, « mais également de flux financiers atypiques et troubles en provenance de Libye via, en particulier, Ziad Takieddine ». « Où est l’argent ? », a demandé Nicolas Sarkozy en interrogatoire en 2020.
Pour les magistrats, « s’il semble manifeste que l’intégralité des fonds libyens initialement destinés » à financer la campagne de l’ex-candidat UMP « n’a pas été mobilisée dans ce but », l’enquête a mis en évidence « des circuits opaques de circulation de fonds libyens ayant abouti, in fine, à des décaissements d’espèces dans une temporalité et une chronologie compatibles avec un usage occulte » lors de la présidentielle 2007.
Sur la foi des investigations réalisées par les enquêteurs financiers de l’Oclciff, le PNF évalue par exemple à 5,9 millions d’euros l’argent qui a transité entre janvier et novembre 2006 de l’État libyen vers un compte de la société Rossfield dont Ziad Takieddine était le bénéficiaire économique. Or durant cette période, 440.000 euros ont été virés à un compte bahaméen au bénéfice de Thierry Gaubert, un ancien proche de Nicolas Sarkozy, tandis que Ziad Takieddine a lui-même retiré en espèces environ un million d’euros d’un second compte alimenté par le compte Rossfield.
Des « contradictions et des incohérences tant factuelles que juridiques »
Le PNF dresse un parallèle avec la « circulation anormale d’espèces non comptabilisées durant la campagne électorale » 2007 de Nicolas Sarkozy, au moins 250.000 euros d’après l’enquête, et s’étonne des « contradictions et des incohérences tant factuelles que juridiques » dans les explications apportées par Éric Woerth, ex-trésorier de cette campagne. Lourde de sens dans son intitulé, c’est peut-être l’accusation la plus risquée pour l’ex-chef de l’État, car elle est considérée comme plus facile à faire tenir devant un tribunal correctionnel.
Pour les magistrats, « plusieurs proches de Nicolas Sarkozy ont, avec constance, agi en qualité d’intermédiaires, tantôt officiels », ses ex-ministres Claude Guéant et Brice Hortefeux, « tantôt officieux », les intermédiaires Alexandre Djouhri et Ziad Takieddine, afin d’obtenir un soutien financier libyen pour la présidentielle 2007 ou pour « faciliter la mise en oeuvre de contreparties (économique, diplomatique et judiciaire) consécutive à ce soutien ». Le réquisitoire souligne le rôle « actif, voire essentiel » de Claude Guéant et la « participation effective et consciente » de Brice Hortefeux à ce « projet ».
Et Nicolas Sarkozy ? « Ces agissements, qui la plupart du temps étaient initiés par (ses) proches, ne pouvaient, par nature, être engagés sans l’aval et la parfaite connaissance de cause de ce dernier », tranche le ministère public.
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