Finances publiques : plutôt que des impôts, la piste des économies

Par Germain de Lupiac
24 septembre 2024 07:43 Mis à jour: 24 septembre 2024 07:43

Dans le pays au 3100 milliards de dette, qui taxe le plus et dépense le plus des pays de l’OCDE, faire des économies implique une révolution. Un mur d’économies de 110 milliards d’euros l’attend d’ici 2027 pour ramener le déficit public dans les clous européens et garder la faveur des marchés.

L’objectif semble hors d’atteinte malgré des pistes de coupes budgétaires sur la table. Bercy depuis sept ans avait annoncé 25 milliards d’euros d’économies, mais seuls 10 milliards ont été concrétisés avant l’été. Largement insuffisant, a prévenu la Direction générale du Trésor.

Sans mesure supplémentaire, le déficit public devrait encore déraper, après avoir atteint 5,5% du PIB en 2023 et valu à Paris une procédure pour déficit excessif par la Commission européenne. Dans l’hypothèse de l’absence de mesures de redressement, il dériverait à 6,2% en 2025 (contre les 4,1% prévus) et même 6,7% en 2026 (contre 3,6%) puis 6,5% (contre 2,9%) en 2027.

Le projet de loi de finances 2025 doit être déposé au Parlement le 1er octobre au plus tard, délai que le président de la commission des Finances du Sénat, Claude Raynal, a appelé à respecter.

La situation « très inquiétante » des finances publiques 

Le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a estimé le 18 septembre que l’objectif fixé par le gouvernement sortant de réduire le déficit public à 5,1% du PIB en 2024 ne serait pas atteint, jugeant en passant « vraiment inquiétante » la situation des finances publiques françaises.

Devant la commission des Finances de l’Assemblée nationale, Pierre Moscovici a cité notamment des recettes fiscales qui risquent d’être moins élevées qu’attendu, des dépenses des collectivités locales en hausse et des économies non réalisées. Dans une note datée de juillet, le Trésor a prévenu, à politique inchangée, d’un risque de dérapage du déficit à 5,6% du PIB en 2024.

« Compte tenu des nouvelles médiocres sur les recettes fiscales et les dépenses, ce chiffre est peut-être le moins mauvais que l’on puisse espérer », a souligné Pierre Moscovici. Par ailleurs, le patron de la Cour des comptes a jugé « ni possible ni souhaitable » de ramener le déficit public sous les 3% de PIB en 2027, un objectif encore récemment réaffirmé par le ministre démissionnaire de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire.

Cela supposerait de réaliser des économies trop massives qui pénaliseraient la croissance, des économies estimées à « environ 110 milliards d’économies d’ici à 2027 », prévient le Trésor.

Le nouveau gouvernement veut « assumer » des « choix forts »

Le nouveau gouvernement s’est dit prêt à « assumer » des « choix forts » pour redresser l’économie, qu’il présentera « dans les prochains jours au Parlement ».

« Je proposerai dans les prochains jours au Parlement des choix forts avec trois priorités : financer les priorités du gouvernement, consolider ce qui marche dans notre pays et réduire les dépenses publiques, tout en veillant à améliorer leur efficience » a déclaré Laurent Saint-Martin, nouveau ministre du Budget.

Le Premier ministre Michel Barnier a, quant à lui, indiqué le 22 septembre qu’il comptait demander « aux plus riches de prendre part à l’effort de solidarité », sans « alourdir encore l’impôt sur l’ensemble des Français ».

Les grosses entreprises devraient être concernées : « Je ne veux pas aggraver la double dette écologique et financière, donc il faut faire un effort collectif pour maîtriser les dépenses, ça peut se faire notamment avec des prélèvements ciblés sur les personnes fortunées, ou certaines grosses entreprises », a-t-il ajouté.

Les pistes de coupes budgétaires du gouvernement sortant 

Alors que peu de nouvelles recettes sont envisagées, des pistes de coupes budgétaires ont déjà été identifiées par l’exécutif sortant, notamment sur les aides aux entreprises.

Les aides aux entreprises représentaient 99 milliards d’euros en 2022. Un rapport de l’Inspection générale des finances s’est concentré sur seulement 64 milliards sur ce total, et a réussi à identifier « des économies à hauteur de 3 milliards d’euros d’ici 2027 », dégagées sur le Crédit d’impôt recherche (CIR). Supprimer certains taux réduits de TVA et remonter le taux réduit de 10 % à 12,5 % rapporterait également 4 milliards d’euros, par exemple sur la restauration, les services de télévision, les eaux en bouteille, etc.

Un autre rapport identifie 2,5 milliards d’euros d’excédents de trésorerie en examinant 180 opérateurs de l’État sur 408. Concernant l’absentéisme dans la fonction publique, l’instauration d’un deuxième et d’un troisième jours de carence ferait économiser presque 300 millions d’euros.

Selon Les Échos, les politiques d’apprentissage font aussi figure de cible évidente , avec un potentiel de 1,5 milliard d’euros d’économies identifié (ainsi que 421 millions de recettes supplémentaires) avec un coup de rabot sur les primes à l’embauche, la fin des exonérations fiscales ou la baisse des subventions aux centres de formation.

Cependant « aujourd’hui, les mesures budgétaires sont insuffisantes », estime Mathieu Plane, directeur adjoint du département analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Il souligne qu’aux mauvaises surprises sur les recettes et les dépenses s’ajoute l’incertitude politique qui pourrait empêcher le déploiement de nouvelles décisions.

L’orientation et « la qualité » des dépenses publiques

« Il faut opérer intelligemment et efficacement en agissant sur la qualité de la dépense », soulignait Pierre Moscovici. « Toute la difficulté étant qu’en France, les dépenses publiques inefficientes se trouvent un peu partout. Il faut donc aussi bien réduire les dépenses de l’État que celles des collectivités locales » commentait François Ecalle, conseiller maître honoraire à la Cour des compte, à Epoch Times.

L’Assurance maladie connaît, par exemple, un déficit record, qui sera « vraisemblablement plus élevé » qu’attendu en 2024, a estimé son directeur général Thomas Fatôme dans une interview publiée début septembre par Les Échos, en défendant « un nouveau système d’indemnisation des arrêts de travail » parmi les pistes d’économies. C’est « un sujet de préoccupation majeure sur lequel le prochain gouvernement et le Parlement devront se pencher rapidement » selon lui.

Le directeur de l’Assurance maladie a affiché le souci de « s’assurer que les ressources sont bien utilisées et de réagir quand il y a des dépenses plus dynamiques, comme celles liées à l’indemnisation des arrêts de travail », en hausse « de plus d’un milliard » d’euros en 2024.

Les pistes des 30 milliards d’économie du think tank iFRAP

La fondation iFRAP, dans un audit publié cet été, propose 30 milliards d’économies dès 2025 en se basant sur un gel et un report de certaines dépenses publiques. Ces économies ponctuelles permettraient de tenir le temps de faire des réformes structurelles plus ambitieuses, à défaut de quoi, ce sera au FMI de couper drastiquement dans les dépenses publiques françaises – ce qui sera hautement plus douloureux.

Le premier poste d’économie selon le think tank iFRAP serait de maîtriser la masse salariale de la fonction publique, qui pourrait permettre d’économiser 8 milliards d’euros en 2025. Une récente publication de l’Insee montre en effet une dérive de la masse salariale de la fonction publique (État, collectivités territoriales et fonction hospitalière) de 15,2 milliards d’euros entre 2022 et 2023.

Autre poste d’économie, la revalorisation des retraites de base et des complémentaires Agirc-Arrco qui pourraient être décalées en décembre 2025, ce qui permettrait d’économiser 6,2 milliards d’euros. L’État pourrait également taxer les subventions publiques aux associations, une économie estimée à 1,6 milliard d’euros, alors que l’ensemble ces subventions coûte actuellement 30 milliards d’euros par an. Le financement des associations « est un maquis total », commentait Agnès Verdier-Molinié, directrice de l’iFRAP.

Le think tank économique propose de doubler les annulations de crédits sur l’Aide publique au développement, ce qui aboutirait 1,48 milliard d’euros d’économie. La désindexation des minima sociaux permettrait également de trouver 2,3 milliards d’euros et la lutte contre l’absentéisme dans la fonction publique, 1,3 milliard. La fondation pointe enfin la suppression de certaines « aides à la pierre, prestations d’aide au logement, subventions d’exploitation et d’investissement, avantages de taux et avantages fiscaux », pouvant aller jusqu’à 1,3 milliard d’euros d’économie. Ces 30 milliards d’économies ont l’avantage d’être possibles sans reforme structurelle, réformes ensuite nécessaires pour dégraisser la sur-administration française.

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