La formule du Canada pour accueillir 25 000 réfugiés syriens

avril 24, 2016 19:40, Last Updated: avril 24, 2016 20:02
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EDMONTON – La vie était belle pour Samer Hamawi et sa jeune famille avant l’éclatement de la guerre civile en Syrie. Hamawi, un membre de la minorité chrétienne en Syrie, possédait un restaurant à Alep et vivait une vie confortable.

Le conflit impliquant multiples factions a ensuite débuté et, de jour en jour, la situation s’est aggravée. Un jour, en regardant les nouvelles, Hamawi (nom d’emprunt) a vu la totalité du quartier où est situé son commerce être réduite en poussière par des bombardements.

C’est à ce moment qu’il a décidé de sortir sa famille de Syrie. Ils se sont établis au Liban pendant un certain temps, puis ils sont arrivés à Edmonton dans la nouvelle année grâce au plan du gouvernement libéral d’accueillir 25 000 réfugiés syriens avant le début 2016.

Hamawi et sa famille ont été parrainés par un groupe religieux, dans le cadre du programme canadien pour les réfugiés et la relocalisation humanitaire qui s’appuie sur des avenues gouvernementales et privées.

« Tous les Canadiens sont très gentils », affirme Hamawi dans un anglais chancelant, soulignant comment l’organisme confessionnel a aidé sa famille à s’établir au Canada.

« Une dame vient à maison, deux jours semaine, pour étudier anglais [avec moi], dit-il, et une autre dame va à maison de tous Syriens, apporte cadeaux [pour] enfants. »

« Un exemple pour les autres pays »

La réponse du Canada à la crise des réfugiés a été louangée partout dans le monde. Le mois dernier, le haut-commissaire de l’ONU pour les réfugiés (UNHCR), Filippo Grandi, a félicité le premier ministre Trudeau pour son « leadership humanitaire » dans la crise mondiale des réfugiés, affirmant que le Canada était l’exemple à suivre pour les autres pays.

Dans le contexte nord-américain, c’est assez important, c’est admirable.

– Jennifer Hyndman, Université York de Toronto

Bien que retardée de deux mois, le nouveau gouvernement élu en novembre dernier a respecté sa promesse ambitieuse d’accueillir 25 000 réfugiés (l’objectif a été atteint en février 2016 au lieu de la fin 2015) et il s’est donné le mandat d’en accueillir des milliers d’autres avant la fin 2016.

« La contribution [du Canada] est une goutte d’eau dans l’océan mais, selon moi, c’est une goutte importante parce que nous offrons des domiciles permanents », estime Jennifer Hyndman, professeure en science sociale à l’Université York de Toronto et directrice de son Centre for Refugee Studies. « Dans le contexte nord-américain, c’est assez important, c’est admirable. »

La réponse à la crise des réfugiés est devenue une question importante durant l’élection en octobre dernier, particulièrement après que la publication des images du petit garçon syrien Alan Kurdi – dont la dépouille s’était échouée sur une plage turque – avait attiré l’attention du monde sur la crise humanitaire en Syrie.

Mme Hyndman affirme qu’étant donné la promesse électorale du nouveau gouvernement sur la crise des réfugiés l’engagement politique devait être respecté, ce qui a créé un « consensus de la société civile » pour la mise en marche du plan.

La situation est toutefois différente aux États-Unis. Avec une population dix fois plus nombreuse que le Canada, les États-Unis se sont engagés à accueillir seulement 10 000 réfugiés syriens de plus d’ici la fin de l’année. À la suite des attaques terroristes de Paris et de San Bernardino, plus de la moitié des gouverneurs d’État et des candidats présidentiels ont pris position contre la relocalisation de réfugiés syriens.

Le candidat républicain Donald Trump est même allé jusqu’à suggérer d’interdire l’entrée des musulmans aux États-Unis.

« J’avancerais que la politique américaine est davantage polarisée qu’au Canada et cela a créé une sorte de sujet de dissension, alors les réfugiés ont été regroupés avec les terroristes aux États-Unis », explique Mme Hyndman.

« Ils se préparent à l’élection présidentielle avec les primaires et il y a vraiment différentes positions adoptées en ce qui a trait à la guerre au terrorisme. »

Beaucoup de gens aux États-Unis voient d’un œil critique le programme de réfugiés du Canada et son processus rapide.

Inquiétudes en matière de sécurité

Beaucoup de gens aux États-Unis voient d’un œil critique le programme de réfugiés du Canada et son processus rapide. Un sondage réalisé par Ipsos pour le compte de Global News, coïncidant avec la visite de Justin Trudeau à Washington en mars dernier, révèle que la moitié des Américains estiment que le plan canadien pour les réfugiés syriens représente un risque pour la sécurité des États-Unis.

En février, le Comité du Sénat américain sur la Sécurité intérieure a tenu une audience sur le plan canadien pour les réfugiés syriens et les risques en matière de sécurité en raison du processus rapide de traitement. Avant l’audience, l’ambassadeur du Canada à Washington a envoyé une lettre à tous les membres du comité afin d’expliquer les étapes du filtrage de sécurité et assurer qu’aucun terroriste n’allait s’infiltrer.

Ces préoccupations en matière de sécurité ont également placé l’administration Obama sur la défensive au sujet de son propre plan de relocalisation de réfugiés. La promesse du gouvernement d’accueillir 10 000 autres réfugiés, en plus des 2000 réfugiés syriens déjà établis aux États-Unis depuis le début du conflit syrien, a essuyé des critiques, venant particulièrement du camp républicain.

Le programme du gouvernement Trudeau a aussi fait face à une opposition au pays. À la suite des attaques de Paris, un sondage réalisé par Angus Reid a démontré que la majorité des Canadiens s’opposait à l’accueil de 25 000 réfugiés en raison des questions de sécurité et de l’échéancier très court. Brad Wall, le premier ministre de la Saskatchewan et un conservateur influent, a exhorté le fédéral à abandonner son programme accéléré, affirmant que les Canadiens seraient indulgents si le gouvernement ne réalisait pas sa promesse.

« Je comprends que l’écrasante majorité des réfugiés fuit la violence et le carnage et ne pose pas de menace pour personne », a écrit M. Wall. « Cependant, même si un petit nombre d’individus qui veut faire du mal à notre pays réussit à entrer au Canada en raison d’un processus de relocalisation accéléré, les conséquences pourraient être dévastatrices. »

En janvier, un groupe de gens a été attaqué au poivre de cayenne alors qu’il se rassemblait pour souhaiter la bienvenue à un groupe de réfugiés nouvellement arrivés à Vancouver. Le geste a été universellement condamné par différents chefs de parti et l’appel à la compassion et à la tolérance a été lancé.

Des sondages réalisés à la fin décembre par Ipsos et Nanos Research pour le compte respectif de Global News et CTV News ont démontré que l’opposition au programme avait diminué et qu’une majorité de Canadiens était maintenant en faveur. Un sondage réalisé aux États-Unis par Quinnipiac durant la même période environ a indiqué que seulement une minorité soutient l’arrivée de réfugiés syriens au pays, alors que la plupart des gens s’opposent à l’idée de Trump d’interdire tous les musulmans.

L’intention du gouvernement canadien d’accueillir plus de réfugiés pourrait ne pas obtenir le même appui que durant la première vague. Un sondage d’Angus Reid en février révèle qu’une majorité de Canadiens estime que le pays ne devrait pas accueillir plus de réfugiés que les 25 000 du plan initial.

Le gouvernement Trudeau a tenté d’influencer les perceptions de la population au sujet de ses efforts de relocalisation, étant conscient qu’il pourrait se buter à une certaine opposition à son plan d’accueillir de nouveaux réfugiés. Certains font toutefois pression pour accueillir plus de réfugiés et beaucoup de groupes privés sont prêts à les parrainer et ils demandent au gouvernement d’accélérer le processus.

Une forme d’opposition est survenue après l’affichage d’information erronée sur Facebook affirmant que les réfugiés syriens avaient accès à des programmes sociaux plus généreux que ceux des Canadiens. Les médias canadiens et le gouvernement ont essentiellement discrédité ces allégations.

Plus tôt cette année, le ministre de l’Immigration, John McCallum, a indiqué aux journalistes que les réfugiés ne « sautaient pas la file » pour devancer des Canadiens en attente d’aide sociale et de logement.

Le Canada vise à doubler son nombre habituel de réfugiés en 2016 à 50 000, mais cela comprend environ 19 000 Syriens qui sont arrivés au Canada dans le cadre des 25 000. Le gouvernement n’a pas de cible précise en ce qui concerne ce nouveau quota de réfugiés en termes de Syriens ou non Syriens.

Accueillir des réfugiés syriens fait partie des devoirs internationaux du Canada, affirme Rémi Larivière, un porte-parole d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.

« Relocaliser des réfugiés fait partie de la fière tradition humanitaire du Canada. Cela démontre au monde que nous avons une responsabilité partagée d’aider ceux qui sont déplacés, persécutés et qui ont le plus besoin de protection », explique M. Larivière.

Parrainage privé

Parmi plus des 26 000 réfugiés syriens qui sont arrivés au Canada depuis novembre dernier, environ 15 000 sont passés par le programme gouvernemental, alors que le reste est passé par le parrainage privé ou le programme de recommandation de visa – selon lequel les réfugiés sont référés par le UNHCR et le gouvernement, et les parrains privés divisent les coûts pour les soutenir.

Le programme de parrainage privé a vu le jour au Canada à la fin des années 1970 pour aider à faire entrer plus de boat people vietnamiens qui fuyaient le régime communiste.

L’utilisation au Canada des parrains privés a incité certains aux États-Unis à demander la réintroduction de l’Initiative du secteur privé, adoptée dans les années 1980 par le président Ronald Reagan, qui utilisait des fonds du secteur privé pour soutenir les réfugiés.

Selon le département d’État américain, l’administration Obama s’est engagée à relocaliser au moins 10 000 réfugiés durant l’année fiscale 2016 et à augmenter le nombre total de réfugiés du monde entier à 100 000 d’ici la fin de l’année fiscale 2017, soit une augmentation de 40 % par rapport à 2015. Le gouvernement a également établi un programme pour les citoyens et résidents permanents américains qui veulent déposer des demandes à titre de réfugié pour les membres de leur famille syrienne.

Version originale : Canada’s Formula for 25,000 Syrian Refugees

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