France : des ballons de sels contre la grêle, ennemie n°1 des vignes

Par afp
31 mai 2018 11:45 Mis à jour: 19 mars 2021 05:09

« Les orages de grêle, c’est le pire. Tout est déchiqueté », explique un des vignerons des prestigieuses appellations françaises de Côte-Rôtie et de Condrieu, dans la Vallée du Rhône, qui ont adopté un système de lutte innovant avec radar et ballons chargés de sels. « C’est un projet collectif, ça c’est important. Du jamais vu à cette échelle dans la viticulture française. Nous sommes 260 adhérents et 60 personnes formées au dispositif, dont certaines particulièrement habilitées à tirer les ballons en cas d’alerte », détaille à l’AFP Michaël Gerin, co-président de l’appellation Côte-Rôtie, dans le sud-est de la France.

Dès qu’un orage est détecté par le radar, les vignerons sont prévenus par SMS ou courriel 30 minutes avant son arrivée. Ils peuvent suivre sur leurs téléphones l’avancée des cellules orageuses.  Les « vignerons tireurs » peuvent alors se rendre sur les 26 zones de tir réparties dans le vignoble qui s’étage sur des pentes abruptes et donnera les fameux nectars. « Les  tireurs sont d’astreinte par roulement 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 », témoigne l’un d’entre eux, Roland Grangier. « Dans nos voitures, tout est prêt: la valise contenant le dispositif avec les torches chargées de sels hygroscopiques (qui absorbent l’humidité de l’air, ndlr) et une bonbonne d’hélium pour gonfler le ballon ».

Lancés à 600 mètres d’altitude, les ballons agissent au coeur de la cellule orageuse avec précision, au moment adéquat, et font précipiter le nuage avant la formation des grêlons. « Ici, nous sommes au carrefour de quatre départements. Notre système de protection couvre 2.800 hectares dont 900 hectares de vignes, avec ses appellations Saint-Joseph, Condrieu, Côte-Rôtie et une partie de Vitis Vienna », poursuit le vigneron du domaine Grangier. « Cela protège également les cultures maraîchères et arboricoles, mais aussi les maisons, les voitures… ».

Bien sûr, cette arme antigrêle, baptisée « Skydetect », a un coût: quelque 200.000 euros, dont 60.000 euros pour le radar. « Tout a été cofinancé par les vignerons, les collectivités locales et la région Auvergne-Rhône-Alpes », souligne-t-il.  Chaque tir revient à 380 euros. « Dimanche dernier, nous en avons tiré une dizaine et nous avons chassé la grêle ».  « C’est un très gros investissement », reconnaît Michaël Gerin. « Mais c’est efficace. » « Et comparé aux préjudices causés par la grêle sur un vignoble comme le nôtre, il ne fallait pas hésiter« . « D’ailleurs, on voudrait bien une participation des assureurs ».

En cas d’orage de grêle, c’est la récolte en cours qui peut être perdue mais aussi une grande partie de la suivante à cause des dégâts sur les ceps de vigne. Le week-end dernier, plus de 7.000 hectares ont ainsi été gravement endommagés par la grêle dans le vignoble bordelais et 10.000 à Cognac, dans le sud-ouest. Le vignoble champenois (nord) a aussi subi des dégâts depuis avril. La France n’avait jamais connu autant d’impacts de foudre pour un mois de mai depuis près de vingt ans. L’épisode électrique actuel est digne d’un mois d’août.

C’est dire s’il importe de se prémunir contre cet ennemi ravageur. Autrefois, « on utilisait des fusées chargées de sels ». « Mon grand-père s’en servait, mais c’était dangereux de se balader avec des explosifs et moins efficace », raconte le jeune vigneron.  Dans un passé encore plus lointain, on faisait sonner les cloches des églises ou on priait Saint-Vincent, patron des vignerons… Depuis sont apparus les filets étendus autour des grappes pour limiter l’impact des grêlons, l’iodure d’argent, les canons antigrêle qui envoient des ondes de choc dans les nuages… Chaque année, environ 10 hectares étaient détruits par les orages sur les appellations Condrieu et Côte-Rôtie, l’équivalent de près de 50.000 bouteilles.

DC avec AFP

 

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