Sami Bouajila, récompensé vendredi du César (principale récompense du cinéma en France) du meilleur acteur, a réussi à sortir des rôles stéréotypés liés à son origine tunisienne grâce au cinéma d’auteur.
« J’ai souvent l’impression que les rôles nous choisissent, plus qu’on les choisit », a déclaré l’acteur en recevant son prix pour son rôle de père déchiré dans « Un fils »
Avec une série de rôles d’envergure depuis trente ans, il a gagné la reconnaissance de ses pairs: prix d’interprétation au festival de Cannes pour « Indigènes » de Rachid Bouchareb (2006), César du meilleur second rôle pour « Les témoins » d’André Téchiné (2007) et dernièrement une nouvelle distinction comme meilleur acteur dans une sélection de la Mostra de Venise pour « Un Fils ».
« Je ne me suis jamais senti dans la peau du beur (personne d’origine nord-africaine, nldr) de service. Ce sont des rôles qui font partie de moi. J’ai mis vingt ans à me défaire de toute étiquette, ce n’est pas pour en revendiquer une aujourd’hui », confiait-il à l’AFP en 2011 pour la sortie d’« Omar m’a tuer ». « Je me défends de devenir le porte-parole d’une communauté: je suis d’abord un acteur ».
Avec son père découvre les westerns américains, les Bruce Lee
Né le 12 mai 1966 à Grenoble (sud-est) de parents immigrés tunisiens, le jeune Sami découvre le cinéma grâce son père. Ce peintre en bâtiment emmenait ses deux fils, « en costume qui gratte », découvrir les westerns américains, les Bruce Lee.
Après un sport-étude natation dont il tire sa musculature longue et svelte, Sami Bouajila passe un CAP de tourneur sans conviction. Il finit par trouver sa voie au théâtre, « un peu par hasard ».
« Sur le plateau, je savais que j’étais à ma place, que c’était un endroit où il fallait s’exprimer, se construire, grandir, se décloisonner, se décomplexer. C’est par le théâtre que j’ai ressenti ça le plus fort », confiait-il au journal Les Inrocks.
Il intègre le Conservatoire de Grenoble puis la Comédie de Saint-Etienne, un des premiers Centres dramatiques nationaux où il est en cheville avec des professionnels. Il apprend Shakespeare, Marivaux et Koltès. Contacté par un agent à Paris, il décroche son premier rôle en 1991 et devient le banlieusard débrouillard de « La Thune » de Philippe Galland.
A Paris, il est malheureux et affirme souffrir du délit de faciès tandis que ses copains percent. « La caméra est radicale, elle filme tout. Si vous véhiculez de la frustration, de l’aigreur, ça ressort », expliquait-il au magazine Télérama.
Participe à une production hollywoodienne
« Bye-Bye » (1995) de Karim Dridi lui ouvre des portes. Il tente une embardée hollywoodienne dans « Couvre-feu » (1998) d’Edward Zwick avec Denzel Washington où il campe… un terroriste palestinien. « C’était génial de participer à une production hollywoodienne mais c’était une parenthèse. Pour la prolonger, il aurait fallu se cogner moult clichés. J’en étais incapable », avouait-il à Télérama.
Il fait ensuite de belles rencontres: Arnaud Desplechin (« Léo, +en jouant dans la compagnie des hommes+ »), Abdellatif Kechiche (« La faute à Voltaire »), Olivier Ducastel et Jacques Martineau qui lui offrent son premier rôle d’homosexuel solaire à la recherche du père dans « Drôle de Félix ». Et surtout André Téchiné avec « Les témoins ». Il joue Mehdi, un personnage complexe qui tente l’aventure homosexuelle en pleine irruption du sida.
Progressivement, tout est devenu plus évident pour ce père de deux enfants. « J’ai eu l’impression dans ce qu’on me proposait de ne plus être limité à mes origines, j’ai pu interpréter des rôles comme ceux d’+Indigènes+ ou d’+Omar m’a tuer+, en me concentrant vraiment sur la psychologie des personnages ».
« Sami est vraiment un acteur exceptionnel », saluait son ami Roschdy Zem qui l’a dirigé dans « Omar m’a tuer ». « Il y a son talent et aussi cette féminité qu’il assume complètement ».
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