« Nous n’avons pas les mots »: malgré le deuil, le Capital Gazette, journal américain du Maryland cible d’une attaque à l’arme à feu qui a fait cinq morts jeudi, a tenu à publier son édition de vendredi pour rendre hommage à ses journalistes tués. Les rescapés de la fusillade d’Annapolis ont fait avec les moyens du bord jeudi soir pour boucler leur édition de vendredi. Leur « Une » est simple, factuelle et glaçante, sans adjectif. « Cinq personnes abattues au Capital », est-elle titrée.
A l’arrière d’une camionnettes, dans un parking situé à quelques centaines de mètres de leur salle de rédaction bouclée par la police, ils ont recréé des bureaux de fortune pour raconter la tragédie dont ils ont été les victimes. « Je ne sais pas quoi faire d’autre à part ça », a expliqué un journaliste, Chase Cook, jeudi. « On va sortir un journal demain », avait-il dit à l’AFP. « Je ne peux pas dormir, dont la seule chose que je puisse faire c’est rendre compte des faits », a écrit sur Twitter pendant la nuit un autre journaliste, Phil Davis.
Il a ainsi rapporté que le suspect, Jarrod Ramos, 38 ans, avait été inculpé de cinq chefs d’inculpation de meurtre avec préméditation. Il sera entendu par la justice à 10h30 locales vendredi (14h30 GMT). Le tireur avait fait irruption jeudi après-midi dans la salle de rédaction, armé d’un fusil. Une fois ses crimes commis, il s’était laissé arrêter sans difficulté. C’est un homme qui entretenait une relation conflictuelle avec le journal qu’il avait, sans succès, attaqué en diffamation.
Quatre des victimes de la fusillade de jeudi sont mortes sur le coup, la cinquième est décédée à l’hôpital. L’attaque a également fait deux blessés légers. Ce sont quatre journalistes et une employée du marketing qui ont été abattus. Gerald Fischman, le responsable des éditoriaux, fait partie des personnes tuées. Âgé de 61 ans, il travaillait au journal depuis 26 ans. Robert Hiaasen, le rédacteur en chef adjoint du journal, journaliste expérimenté et respecté, a également été fauché par les balles du tireur, à 59 ans.
Les noms des victimes sont imprimés à la page habituellement réservée aux éditoriaux, laissée vide. Y figurent aussi les noms de John McNamara et Wendi Winters, deux autres journalistes et celui de Rebecca Smith, une assistante marketing décrite comme gaie et dynamique. « Demain, cette page reviendra à son but originel, qui est de proposer à nos lecteurs des opinions informées », est-il précisé.
Au-delà du monde du journalisme, c’est toute la ville d’Annapolis, paisible bourgade historique à une heure de Washington, qui est endeuillée. « Le Capital Gazette est le journal d’Annapolis, J’avais bien sûr rencontré les cinq victimes, et tous les autres journalistes », a déclaré sur Fox News vendredi matin le chef de police du comté d’Anne Arundel, Timothy Altomare.
De retour à Washington jeudi après-midi, le président Trump, qui critique régulièrement et violemment les journalistes, n’a eu aucun mot pour les victimes lorsqu’il a été interrogé par la presse sur la pelouse de la Maison Blanche. Quelques minutes après l’annonce de la fusillade, il avait tweeté pour offrir ses « pensées et (ses) prières » aux personnes tuées et à leurs familles
« Les journalistes racontent les histoires de nos communautés, protègent notre démocratie et mettent souvent leur vie en danger dans l’exercice de leurs fonctions. L’attaque d’aujourd’hui à Annapolis est bouleversante », a pour sa part réagi le Premier ministre canadien Justin Trudeau. Le Capital, qui fait partie du groupe Capital Gazette, est un petit journal fondé en 1727. Il employait six reporters, deux photographes et 5 secrétaires de rédaction. Ses locaux sont protégés par une porte fermée en permanence, a expliqué à l’AFP à l’un des journalistes.
Les alentours du journal, situé dans une en pleine zone commerciale derrière une banque, étaient toujours bloqués par la police vendredi matin. Des habitants d’Annapolis sont venus offrir leur respect aux victimes pendant la nuit, en déposant des bouquets de fleurs. Le journal fait partie du quotidien des habitants de la ville qui connaissaient bien souvent personnellement ses reporters. « La Gazette est proche de notre communauté« , a expliqué à l’AFP Kelly O’BrianDC avec AFP.
DC avec AFP
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