He Jiankui, le biophysicien ayant modifié l’ADN d’embryons humain et ainsi créé les premiers bébés humains nés génétiquement modifiés, a récemment été libéré, après trois ans d’incarcération en Chine. Ses recherches avaient suscité de graves préoccupations en matière de bioéthique et du fait de certains écarts dans les manipulations. La thérapie génique est considérée par beaucoup comme une avancée dans l’histoire de la médecine, tandis que pour d’autres, nous sommes en train d’ouvrir la boîte de Pandore.
La mort tragique d’un jeune de 18 ans
Jesse Gelsinger, 18 ans, souffrait d’une maladie métabolique rare, le déficit en ornithine transcarbamylase (OTC), dans lequel l’ammoniac s’accumule, jusqu’à atteindre des niveaux mortels dans le sang. Il gérait cette maladie par un régime pauvre en protéines et un traitement à base d’une cinquantaine de pilules par jour.
En 1999, Jesse s’est gentiment porté volontaire pour participer à un essai de thérapie génique, dans l’espoir d’aider d’autres personnes atteintes de la même maladie. Cependant, quelques jours plus tard, il deviendrait la première victime de thérapie génique au monde.
Le traitement potentiel de l’OTC consistait à injecter un vecteur adénovirus génétiquement modifié et affaibli, dans le foie du patient, et à introduire le gène normal de l’ornithine aminométhyltransférase (gène OTC) dans l’ADN chromosomique du foie du patient, afin de restaurer la capacité du foie à métaboliser l’ammoniac.
Jesse a reçu ce virus modifié.
Cependant, il a eu une réaction inflammatoire intense et a développé un dangereux trouble de la coagulation sanguine, suivi d’une insuffisance rénale, hépatique et pulmonaire. Quatre jours après avoir reçu l’injection, Jesse était déclaré mort.
La famille de Jesse a intenté un procès à l’Université de Pennsylvanie, qui avait mis au point le programme.
Cette tragédie a bouleversé le secteur de la pharmacologie, et a immédiatement mis un frein dans les recherches en thérapie génique, pourtant abondantes à l’époque. L’ensemble du secteur de la thérapie génique s’est effondré : les investisseurs ont retiré leurs fonds, des start-ups ont fait faillite, les responsables de projets de recherche et développement ont été déchus de tous leurs titres et les centres de thérapie génique ont fermé massivement.
Cette tragédie a pratiquement paralysé le développement de la thérapie génique, pendant les 18 années suivantes. Principalement parce que la mort accidentelle de Jesse a fait comprendre à de nombreux chercheurs que la thérapie génique comportait trop de facteurs de risque graves, inconnus, incontrôlables, il s’agissait de tirer dans l’obscurité sans voir la cible.
D’autres décès causés par la thérapie génique
Dix-huit ans après la mort de Jesse, une thérapie génique pour une maladie oculaire a été approuvée par la Food and Drug Administration (FDA) en 2017 : le Luxturna de Spark Therapeutics, un traitement pour une maladie génétique rare de la rétine. Il est spécifiquement approuvé pour les personnes qui ont un gène RPE65 muté : le Luxturna utilise un virus modifié pour délivrer une copie saine du gène directement dans les cellules rétiniennes du patient. Il ne nécessite qu’une injection locale et a peu d’effet sur l’organisme. C’est une des raisons pour lesquelles il pouvait avoir du succès sur le marché. Le traitement a redonné une lueur d’espoir au secteur de la thérapie génique.
En 2019, la FDA a approuvé le Zolgensma® (onasemnogene abeparvovec-xioi) du groupe pharmaceutique Novartis, une thérapie dite de suppléance génique indiquée pour le traitement de l’amyotrophie spinale, chez les patients pédiatriques.
Mais après ces deux réussites, les enjeux liés à la sécurité ont de nouveau fait surface.
En 2019, lors de l’essai de Solid Biosciences d’une thérapie génique pour le traitement de la dystrophie musculaire de Duchenne, trois singes et trois porcelets ont fini par mourir. L’incident a conduit à l’arrêt immédiat des recherches sur cette thérapie.
Moins d’un an plus tard, le laboratoire Astellas Pharma a reconnu qu’un quatrième garçon était décédé, au cours d’un essai compliqué de phase I et II, dans le cadre duquel son entreprise Astellas Gene Therapies (anciennement Audentes Therapeutics) évaluait son virus adéno-associé (AAV), candidat à la thérapie génique AT132, sur des patients atteint d’une maladie musculaire nommée la myopathie myotubulaire.
Cette série de décès a immanquablement ralenti l’arrivée de la thérapie génique.
Pour comprendre en quoi ces cas ont été de parfaits désastres, il est nécessaire de revenir aux bases, expliquer ce que sont les gènes, la cible de la thérapie génique.
Qu’est-ce qu’un gène ?
Les gènes (ADN) sont les structures les plus délicates et les plus complexes de l’organisme. Ils se situent dans le noyau de nos cellules et assurent le bon fonctionnement du corps. Ils déterminent également certaines caractéristiques telles que la taille, le sexe, l’apparence, la couleur des cheveux, la couleur de peau, le groupe sanguin, etc.
Les scientifiques ont maintenant découvert que les humains possèdent au moins de 20 000 à 23 000 gènes différents dans leur ADN. L’ADN d’une cellule humaine, totalement déroulé, mesure 2 mètres de long. Il existe 50 mille milliards de cellules dans le corps humain. Si on mettait l’ADN de toutes les cellules bout à bout, la longueur serait égale à 16 fois la distance entre la Terre et le Soleil. Comment un si petit noyau peut-il accueillir un ADN aussi long ? On parle du « super enroulement » de l’ADN en double hélice qui lui permet d’être compacté au maximum.
La plupart du temps, l’ADN est invisible dans le noyau des cellules, cependant, pendant la division cellulaire, l’ADN va se compacter et s’associer à des protéines, les histones, pour former des chromosomes Il y a en tout 46 chromosomes, ou 23 paires, dans chaque cellule somatique (dépourvue de fonction reproductrice) du corps humain. Un chromosome contient entre plusieurs centaines et plusieurs milliers de gènes, c’est-à-dire que chaque chromosome est constitué de gènes enroulés et comprimés.
La découverte de l’ADN constitue une des révolutions scientifiques les plus importantes et les plus connues du 20e siècle. Dans les années 1950, le biochimiste américain James Dewey Watson et le physicien britannique Francis Crick ont découvert que l’ADN était constitué de deux brins de nucléotides, appariés sous forme de double hélice, codant l’information génétique de tous les êtres vivants. En 1953, ils ont publié une série d’articles dans la célèbre revue scientifique Nature en décrivant pour la première fois la structure de la molécule d’ADN.
Depuis lors la recherche en génétique s’est développée, et nous sommes entrés dans une nouvelle ère de la biomédecine. Par exemple, le test d’acide nucléique vulgarisé lors de l’épidémie du Covid est un test d’analyse génétique.
Si la découverte des gènes est évidemment une bonne chose, il est légitime de s’interroger sur les résultats troubles de la thérapie génique, les réactions indésirables et les décès.
La thérapie génique : une boîte de Pandore
Le concept de la thérapie génique est très séduisant : du matériel génétique est introduit dans les cellules pour corriger les gènes défectueux et guérir la maladie. Cependant, la structure des gènes n’est pas aussi simple que celle des protéines. Il s’agit d’une substance primordiale dans le noyau. Ce type de traitement cible le gène qui doit être corrigé, mais il peut induire des mutations sur d’autres sites que le site cible prévu.
Les mutations hors cible ont entraîné plusieurs cas de décès et constituent un avertissement.
Le génome humain (ensemble des gènes) est extrêmement important et ne peut pas être modifié à la légère. Les gènes contrôlent tous les organismes individuels et tous les processus physiologiques importants de la vie, tels que la synthèse des protéines, la division cellulaire, la reproduction, etc. Les gènes se reproduisent à l’identique de manière très précise, ce qui garantit la stabilité des caractéristiques de la vie. Aujourd’hui les pays traitent l’information génétique humaine de leurs citoyens aussi sérieusement qu’ils traitent une ressource biologique ou une base de données riche en informations et mettent en place des systèmes spéciaux pour la protéger.
Certains éléments du corps humain sont comme un sanctuaire et ne peuvent être modifier.
Le prix Nobel de chimie 2020 a été attribué à deux scientifiques, pour leur contribution à la découverte d’une méthode d’édition génomique appelée CRISPR/Cas9. Il s’agit d’une technique qui permet de modifier avec précision des fragments de nucléotides. Elle a été décrite comme le « couteau suisse génétique ». Toutefois, ce « couteau suisse » ne peut être utilisé avec désinvolture.
Le scientifique chinois He Jiankui a tenté d’utiliser la technologie d’édition génomique pour ouvrir la boîte de Pandore, provoquant un tollé dans la communauté scientifique du monde entier. À l’époque, He Jiankui a modifié de manière irréfléchie les gènes des bébés sous couvert « d’enlever aux embryons le gène responsable de la susceptibilité au HIV ». Ses actes contraires à toute déontologie l’ont conduit en prison, et lui ont coûté sa carrière.
Alors que la biotechnologie progresse à pas de géant, il faut faire preuve de rationalité et de prudence. Nous souhaitons tous une vie meilleure, certes, mais il faut faire attention face au développement de certaines technologies qui touchent à l’infiniment petit dans le corps humain.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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