Les aéroports parisiens risquent-ils de manquer de kérosène ? La situation est « critique », à en croire le gouvernement qui se dit prêt à réquisitionner des grévistes pour faire reprendre les expéditions de carburants de la raffinerie de Normandie, la plus grande de France.
L’approvisionnement en kérosène de l’Île-de-France et de ses aéroports par la Normandie « devient critique », a indiqué jeudi à l’AFP le ministère de la Transition énergétique qui a « pris un arrêté de réquisition » à l’égard des grévistes, lequel n’a pas été notifié « à ce stade » aux salariés de la raffinerie, arrêtée le week-end dernier.
La Direction générale de l’Aviation civile prévient depuis plusieurs jours les compagnies aériennes que les réserves de kérosène dans les aéroports de Paris-Charles-de-Gaulle et Paris-Orly sont « sous tension », les incitant à prendre leurs précautions.
15% des stations-service françaises affectées
Ces tensions s’ajoutent à la pénurie croissante d’essence et de gazole dans les stations-service du pays : selon l’AFP, 15% des stations françaises manquaient de l’un ou l’autre de ces carburants jeudi, un taux qui monte à plus de 40% en Loire-Atlantique et dans plusieurs départements de Bretagne.
« Quand tout le monde cherche à remplir son réservoir à 100%, le système n’est pas capable de répondre », a expliqué le PDG d’Esso France, Charles Amyot, jeudi au cours d’une conférence de presse de présentation des résultats financiers. Selon lui, le problème est d’abord logistique, du côté de l’approvisionnement des raffineries en pétrole brut, certains ports étant bloqués, et du côté des livraisons d’essence aux stations. Idem pour le kérosène, a-t-il dit, pour lequel ce n’est « pas un problème de stock ».
« Le gouvernement suit la situation heure par heure et département par département avec les professionnels et les préfets. Nous intervenons de manière ciblée pour débloquer les dépôts qui sont entravés par des manifestants. Dès lors que les réquisitions ne pourront être évitées, nous prendrons nos responsabilités », a déclaré la ministre Agnès Pannier-Runacher.
Réquisition de salariés
Le gouvernement a réquisitionné pour la première fois trois salariés de la raffinerie Esso de Fos-sur-Mer mardi, et il a renouvelé pour 48 heures ces réquisitions, pour soulager les stations du sud du pays. Pour le site de TotalEnergies à Gonfreville-L’Orcher, la préfecture n’a pas envoyé de policiers chez les salariés pour remettre les courriers de réquisition mais elle a dépêché un huissier mercredi soir, selon Alexis Antonioli, secrétaire général CGT de la raffinerie.
Jeudi matin, une vingtaine de salariés étaient encore rassemblés avec des syndicalistes, refusant d’entrer dans la raffinerie. « Le mouvement social repose sur des secteurs clés qui sont capables d’avoir un impact bloquant très fort dont celui des raffineries au premier chef, donc c’était très important de se déplacer jusqu’ici pour les soutenir car ça repose aussi sur leurs épaules », a déclaré à l’AFP Alma Dufour, députée LFI présente sur le piquet de grève.
La raffinerie TotalEnergies de Normandie est sur les mêmes oléoducs que la CIM (Compagnie industrielle maritime) au Havre et la raffinerie Esso-ExxonMobil voisine de Port-Jérôme-Gravenchon, qui alimentent les aéroports parisiens. Les expéditions de carburants de la raffinerie Esso sont également bloquées, selon la CGT. « La direction se borne à nous faire les mêmes propositions faites pendant la nuit, en nous disant qu’ils acceptaient éventuellement de négocier avec le préfet la suspension des réquisitions, mais la contrepartie c’est de faire les expéditions de kérosène, ce qui est totalement absurde, car cela revient à nous faire expédier ce pour quoi ils nous réquisitionnent », a déclaré M. Antonioli.
Pour le syndicaliste, au-delà des quantités de kérosène, relativement modestes, l’État souhaite s’attaquer à un « symbole », celui de la première raffinerie à avoir cessé sa production, et ainsi « casser le mouvement de grève ».
TotalEnergies n’a qu’une raffinerie sur quatre qui fonctionne encore, à Feyzin près de Lyon – d’où les grévistes continuent d’empêcher toute expédition. Deux autres (Donges, en Loire-Atlantique, et La Mède, dans les Bouches-du-Rhône) sont arrêtées pour des raisons autres que la grève. La seule raffinerie française de la société Petroineos à Lavéra (Bouches-du-Rhône) s’est également arrêtée à cause de la grève.
Les deux raffineries d’Esso-ExxonMobil, à Port-Jérôme-Gravenchon et Fos-sur-Mer tournent encore, mais les expéditions de carburants restent bloquées, selon la CGT.
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