EDF a été sommé mardi par le gendarme du nucléaire de « réviser sa stratégie » pour résoudre les problèmes qui perturbent lourdement ses centrales depuis fin 2021, après la découverte d’une nouvelle fissure sur un circuit de secours d’un réacteur à l’arrêt, Penly 1, en Seine-Maritime.
Passée inaperçue jusqu’à sa médiatisation mardi par le site Contexte, une note d’EDF publiée le 24 février indique avoir décelé à Penly 1 un « défaut significatif de corrosion sous contrainte » sur une conduite de secours servant à refroidir le réacteur en cas d’urgence. Dans la foulée, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), gendarme du nucléaire en France, a demandé à EDF de « réviser sa stratégie » sur le traitement de la corrosion sous contrainte dans certains de ces réacteurs.
« Cet événement n’a pas eu de conséquence sur le personnel ni sur l’environnement. Toutefois, il affecte la fonction de sûreté liée au refroidissement du réacteur », souligne l’ASN dans une note d’information publiée mardi en fin de journée. Alors qu’EDF estimait être en sortie de crise sur le traitement de ce phénomène, cette annonce jette de nouvelles incertitudes sur les perspectives de l’électricien pour 2023, après une année noire plombée par les déboires de son parc nucléaire, qui ont contribué à creuser ses pertes et sa dette.
Mise à l’arrêt de nombreux réacteurs en 2021
Le parc nucléaire d’EDF (56 réacteurs) a en effet subi une crise inédite depuis la découverte en octobre 2021 d’un phénomène de corrosion sous contrainte sur les réacteurs les plus récents. Ce problème avait forcé EDF à arrêter de nombreux réacteurs pour des opérations de contrôle et de réparations de grande ampleur, contribuant aux pertes colossales enregistrées par l’électricien en 2022.
La France a ainsi connu en 2022 son plus bas niveau de production d’électricité depuis 1992 et a dû importer de l’électricité depuis ses voisins européens. Dans le réacteur de Seine-Maritime, le nouveau défaut a été détecté lors d’ « expertises métallurgiques » sur « une soudure déposée en janvier », selon la note publiée sur le site internet du groupe.
Des fissures de quelques millimètres
Jusqu’ici, il n’était question que de micro-fissures, de l’ordre de quelques millimètres. Mais la nouvelle fissure se trouve à proximité d’une soudure d’une conduite de secours servant à refroidir le réacteur en cas d’urgence. Elle « s’étend sur 155 mm, soit environ le quart de la circonférence de la tuyauterie, et sa profondeur maximale est de 23 mm, pour une épaisseur de tuyauterie de 27 mm », selon l’ASN.
La tuyauterie aurait pu être fragilisée par une opération de réparation visant à « réaligner » des circuits, au moment même de la construction du réacteur. « Cette ligne était considérée par EDF comme non-sensible à la fissuration par corrosion sous contrainte en raison notamment de sa géométrie. Toutefois, cette soudure a fait l’objet d’une double réparation lors de la construction du réacteur, ce qui est de nature à modifier ses propriétés mécaniques et les contraintes internes du métal au niveau de cette zone », explique l’ASN.
« Ce qui est nouveau, c’est la profondeur de la fissure, soit 85% de l’épaisseur du tuyau, et le facteur explicatif lié à cette notion de double réparation lors d’une opération de réalignement de circuits », indique à l’AFP Yves Marignac, expert en énergie et membre des groupes permanents d’experts de l’ASN. Pour l’expert, « le fait que des fissures plus importantes soient possibles pose la question du maintien en fonctionnement des 6 réacteurs de même type P’4 » en attendant leur réparation préventive, annoncée en décembre par EDF pour courant 2023.
« En raison de ses conséquences potentielles et de l’augmentation de probabilité d’une rupture, l’ASN le classe au niveau 2 de l’échelle INES (qui compte 8 niveaux) en ce qui concerne le réacteur 1 de la centrale nucléaire de Penly et au niveau 1 pour les autres réacteurs concernés », notamment Civaux et Chooz B, ajoute l’ASN. La centrale de Penly, composée de deux réacteurs, a été mise en service entre 1990 et 1992. Elle fait partie de la série des réacteurs les plus puissants, dit « P’4 », d’une puissance de 1300 MW.
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