Guadeloupe : en raison de la pollution au chlordécone, les bovins doivent être décontaminés

Par Epoch Times avec AFP
17 février 2025 09:44 Mis à jour: 17 février 2025 09:44

Le taureau est réticent à entrer dans l’étroit box qui permettra de le peser. « Allez Soprano ! », encourage l’éleveur en tirant et poussant le bovin, qui doit subir une prise de sang pour mesurer son taux de chlordécone avant l’abattage.

« Ici, à Goyave », une commune du sud de la Basse-Terre en Guadeloupe, « on est sur un sol plus ou moins contaminé à la chlordécone », affirme Stevin Bordelais en montrant des champs remplis d’ananas, ou laissés aux herbes sauvages que Soprano rumine consciencieusement.

« C’est indispensable pour nous de décontaminer l’animal avant l’abattage, sinon il est saisi et c’est un manque à gagner qui peut monter jusqu’à 3000 euros pour un taureau », raconte l’exploitant agricole de 37 ans en flattant l’encolure du bovin.

Un pesticide contre le charançon

La chlordécone, pesticide répandu dans les bananeraies pour lutter contre le charançon, est restée autorisée aux Antilles jusqu’en 1993, quinze ans après les premières alertes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur sa dangerosité.

Les animaux élevés sur des parcelles sur lesquelles le pesticide a été utilisé ne peuvent pas être mis sur les étals de boucherie au-delà d’ue certaine dose de chlordécone dans l’organisme établi par un arrêté ministériel de 2019. Le seuil est fixé à 0,027 mg par kilo dans la graisse.

(HELENE VALENZUELA/AFP via Getty Images)

Sur l’exploitation de Stevin Bordelais, c’est la troisième fois qu’il est fait appel au dispositif proposé par Sanigwa, association pour la protection sanitaire des élevages de Gwadloup.

Elle accompagne les agriculteurs et teste leurs parcelles pour déterminer le niveau potentiel d’exposition de leurs bêtes. Ces dernières sont pesées, subissent un prélèvement sanguin et sont installées dans un espace sans chlordécone.

« Soprano a été placé dans un box, il a accès à de l’eau qui ne contient pas de chlordécone, sa nourriture saine (foin et compléments) est également fournie », explique Manuel Pezeron, ingénieur sanitaire en élevage pour Sanigwa. D’autres animaux pourront être installés dans des parcelles saines ou en pension.

Un temps réduit de décontamination

C’est le résultat de la prise de sang qui détermine le temps de décontamination de l’animal, en fonction du taux de chlordécone, du poids de l’animal, de son âge, etc. « On a un outil qui permet de calculer cette durée », précise Stéphanie Jock, directrice de Sanigwa. Avant cette méthode, l’animal pouvait être en décontamination jusqu’à six à huit mois, alors que « sur nos deux autres bovins, ça a été trois et deux mois », souligne l’éleveur.

Une autre prise de sang sera réalisée à la fin du temps préconisé pour vérifier la décontamination de l’animal jusqu’à des taux « conformes ». Une prime allant jusqu’à 200 euros par animal intégré au processus est également versée à l’exploitation.

L’ensemble est pris en charge par l’État, conformément aux mesures du plan Chlordécone IV. La préfecture vient de renouveler une convention, initiée en 2021 avec Sanigwa, à hauteur de 214.000 euros pour 2025, contre 193.000 euros l’an passé, selon le sous-préfet Théo Gal.

« L’objectif est d’aider les agriculteurs à maintenir leur activité malgré la pollution à la chlordécone, d’accéder à de la viande locale de bonne qualité et d’améliorer la souveraineté alimentaire de la Guadeloupe », résume-t-il.

Une production bovine en déclin

En 2024, 64 animaux du « croissant bananier » du sud Basse-Terre, la zone la plus exposée à la pollution, ont été concernés. Cette année, les autorités en visent au moins 100 et misent pour y arriver sur un patient travail d’approche, par le bouche à oreille, alors que la filière bovine guadeloupéenne est en difficulté.

Elle « poursuit son déclin » avec une production en tonnes en repli de 11% en 2023 par rapport à l’année précédente, soit le niveau le plus bas jamais observé depuis dix ans selon l’Insee.

En cause, « les attaques de chiens errants, les maladies, les tiques, le manque de suivi sanitaire dans les cheptels (dont bon nombre restent informels, NDLR) et aussi le manque de renouvellement des générations d’éleveurs », détaille Manuel Pezeron, de Sanigwa.

Dans ce contexte morose, la bataille contre la pollution à la chlordécone montre des résultats encourageants. Sur quelque 4000 bovins abattus chaque année en Guadeloupe, seuls 2 ou 3 par an sont « non conformes », contre une dizaine il y a encore quelques années, selon la direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt.

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