Arrivé au pouvoir il y a trois ans dans un pays déliquescent, le Premier ministre irakien Haider al-Abadi a surpris les sceptiques en regonflant le moral des troupes, reprenant aux jihadistes de larges pans du pays et aux Kurdes des régions disputées.
Aujourd’hui, en tenue militaire ou en costume croisé, il annonce régulièrement des victoires et est même célébré comme l’homme providentiel sur les réseaux sociaux, longtemps ironiques à son encontre.
Ce fils de fonctionnaire, ancien ministre et parlementaire, semblait pourtant avoir hérité en 2014 d’une « mission impossible » quand il devint Premier ministre. « Le métier le plus dur du monde », selon Sajad Jiyad, qui dirige le centre de réflexion irakien al-Bayan.
Le groupe terroriste État islamique (EI) venait de s’emparer de près d’un tiers du territoire, l’armée était en débandade et les finances publiques grevées par la corruption et la chute des cours du pétrole.
À l’approche des élections législatives prévues au printemps 2018, ce musulman chiite né en 1952 dans un quartier cossu, mixte mais majoritairement chrétien de Bagdad, a relevé le défi.
L’air bonhomme et avenant, cet homme chauve et râblé a remobilisé des dizaines de milliers d’hommes avec l’aide de formateurs étrangers venus pour reconstituer une force irakienne à même d’en finir avec l’EI.
Sous son commandement, les forces irakiennes ont chassé les jihadistes de plus de 90% des territoires qu’ils avaient conquis et même repris le contrôle de zones dont les pershmergas s’étaient emparés hors des frontières de leur région autonome du Kurdistan (nord de l’Irak)Une opération que ce diplômé d’ingénierie de l’université anglaise de Manchester a récemment expliqué dans une longue tribune au quotidien New York Times.
Aujourd’hui, sur les réseaux sociaux et dans la rue où il était jugé à son arrivée « indécis, faible et trop conciliant pour la scène politique irakienne », selon Fanar Haddad, chercheur au Middle East Institute, certains voient en lui le nouveau leader que l’Irak attendait.
« Vous voulez que je vous reprenne le Koweït? », s’amuse même un photomontage largement partagé au lendemain de l’avancée irakienne face aux Kurdes, en référence à l’invasion du pays voisin menée par l’ex-dictateur Saddam Hussein en 1990.
L’homme, également connu sous son surnom « Abou Youssour », ne s’est pas seulement illustré sur le plan militaire.
Face à des Irakiens remontés contre des années de gabegie de l’État, il peut égrener la liste des responsables épinglés pour des détournements se comptant en millions de dollars.
La politique des petits pas, menée sans coup d’éclat par ce cadre du parti Daawa –le plus ancien mouvement d’opposition à Saddam Hussein–, a porté ses fruits, si l’on en croit les commentaires des 2,5 millions d’abonnés de sa page Facebook.
« C’est le meilleur Premier ministre de l’Histoire de l’Irak, il parle peu, mais agit beaucoup », affirme l’un d’eux. C’est un « héros », assurent de nombreux autres.
« Son calme, ses manières conciliantes et son ouverture au dialogue avec un large spectre d’acteurs marquent un fort contraste avec son prédécesseur » Nouri al-Maliki, accusé par ses détracteurs d’autoritarisme et de sectarisme confessionnel, explique M. Haddad à l’AFP.
Au cours de ses longues années d’exil à lutter contre le dictateur déchu en 2003, M. Abadi a noué des liens avec d’autres leaders, notamment kurdes. Ses deux frères ont été exécutés pour leur opposition à Saddam.
Très ancré dans Daawa et le militantisme chiite, il a toutefois, fait rare en Irak où les tensions confessionnelles restent latentes, réussi à être apprécié d’une partie de la minorité sunnite, note M. Jiyad. Selon lui, de récents sondages indiquent que « plus de 75% des Irakiens » approuvent sa politique.
Il a aussi fini par séduire à l’étranger, des diplomates à Bagdad le décrivant comme un interlocuteur ayant su s’imposer auprès de tous.
M. Abadi est parvenu à « positionner l’Irak sur la scène internationale », affirme M. Jiyad, en ménageant des alliés parfois ennemis.
Il a ainsi réussi la périlleuse mission de reprendre langue avec Ryad, sans froisser Téhéran. Un pas « impensable sous son prédécesseur », souligne M. Haddad.
Mais, « il y a des limites à ce qu’il peut faire », affirme le spécialiste, citant entre autres les plus de trois millions d’Irakiens déplacés, la question kurde, les réformes économiques et des services de sécurité. « Ces défis titanesques dépassent le contrôle d’un seul acteur », affirme l’expert.
« Une sorte de culte monte autour de M. Abadi », et le danger serait « qu’il prenne la grosse tête. En 2008-2009, M. Maliki était dans la même position ».
Quelques années plus tard, lâché par ses alliés américains, iraniens et des membres de son propre parti, mais aussi rendu responsable de la percée de l’EI et des tensions avec les sunnites, M. Maliki, abdiquait au profit de Haider al-Abadi.
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