Adelheid Wette ne se doutait probablement pas que le petit conte de fées qu’elle révisait pour ses enfants se transformerait en un opéra qui deviendrait une tradition mondiale des fêtes de fin d’année. Le conte allemand Hansel et Gretel, publié à l’origine en 1812 par les frères Grimm, était une histoire sombre et violente de deux enfants abandonnés intentionnellement par leur mère et leur père dans une forêt profonde, où vivait une terrible sorcière dévoreuse d’enfants. Adelheid a considérablement adouci l’intrigue.
Dans la version d’Adelheid Wette, la mère, pauvre et épuisée, envoie ses enfants dans la forêt pour cueillir des fraises pour le repas. Adelheid a ajouté un gentil marchand de sable, 14 anges et une fée de la rosée pour transformer cette pièce sombre et effrayante en une pièce où le bien triomphe du mal.
Le conte sinistre de Grimm
Le conte de fées Hansel et Gretel (ou Grethel) est l’un des nombreux contes populaires régionaux rassemblés par les frères Grimm dans le cadre de leurs efforts pour dépeindre et promouvoir une identité allemande dans les années qui ont précédé l’unification de l’Allemagne. Tous les contes qu’ils ont rassemblés, notamment Raiponce, Blanche-Neige, La Belle au bois dormant, Le Petit Chaperon rouge, Tracassin et Cendrillon, sont des histoires sombres, vraiment sinistres, qu’il vaudrait mieux, de nos jours, que les adultes lisent une fois que les enfants sont endormis.
L’intrigue originale de Hansel et Gretel met en scène une famille de quatre personnes affamées et une mère cruelle dont la solution désespérée est de se débarrasser des deux enfants. Elle dit à son mari qu’ils donneront aux enfants des morceaux de pain, les conduiront dans la forêt et feront un grand feu de joie. Les enfants devront ensuite attendre près du feu que leurs parents reviennent de la coupe du bois.
L’intention est de les abandonner, mais l’astucieux Hansel, qui a entendu le plan, ramasse des morceaux de silex brillants qu’il laisse tomber sur leur chemin dans les bois, afin que les enfants puissent revenir sur leurs pas. Cela fonctionne la première fois, mais il doit utiliser des morceaux de pain lors de la répétition du même tour, car la mère a fermé la porte à clé et il ne peut donc pas se faufiler dehors pour ramasser du silex. Hélas, les oiseaux ne tardent pas à s’emparer des miettes éparpillées et les enfants se perdent. Ils s’enfoncent dans les bois et trouvent la maison de la sorcière « construite en pain et couverte de gâteaux ». Elle les attire à l’intérieur avec de la nourriture, puis enferme Hansel dans une cage dans l’intention de l’engraisser avant de le faire cuire. Elle fait de Gretel sa servante.
Les enfants finissent par s’échapper et retrouvent le chemin de la maison après s’être chargés des « perles et pierres précieuses » de la sorcière. Pour une raison inexpliquée, la mère est morte, mais les enfants retrouvent avec joie leur père, qui n’a jamais vraiment aimé le plan de leur mère.
Une pièce familiale sur la scène internationale
Outre les modifications apportées par Adelheid Wette à l’histoire originale, le compositeur Engelbert Humperdinck, le frère d’Adelheid, a complété la transformation par la charmante musique inspirée des chansons folkloriques qu’il a écrites pour accompagner les paroles de sa sœur. Celle-ci lui avait demandé de composer des chansons pour sa version de Hansel et Gretel, afin que ses cinq enfants puissent l’interpréter à l’occasion de l’anniversaire de son mari.
Engelbert avait déjà écrit des chansons pour l’adaptation par sa sœur de Blanche-Neige, un autre conte de Grimm.
« La famille a tellement apprécié la pièce originale Hansel et Gretel [que] Engelbert et Adelheid l’ont adaptée, d’abord en un singspiel [pièce avec des chansons] complet, destiné à être joué par des enfants, puis en un opéra pour un grand orchestre et des voix d’adultes », explique le site web de l’opéra de Seattle.
Les rôles de Hansel et Gretel sont chantés respectivement par une mezzo-soprano et une soprano. Il s’agit du premier opéra complet d’Engelbert Humperdinck. « Tout le monde musical allemand s’est enthousiasmé pour la création d’Engelbert Humperdinck », peut-on lire sur la page web de l’Opéra de Seattle.
À l’automne 1893, Siegfried Wagner, le fils du mentor d’Engelbert, Richard Wagner, a dirigé des extraits de l’œuvre à Leipzig. Un mois plus tard, le compositeur d’opéra Richard Strauss dirige la première mondiale de Hänsel und Gretel à Weimar. Richard Strauss a fait les éloges de l’œuvre pour son « humour rafraîchissant, sa naïveté mélodique exquise, sa finesse orchestrale. […] Dans l’ensemble, elle est originale, nouvelle et authentiquement allemande. » C’était le 23 décembre 1893.
L’opéra remporte un énorme succès. L’Allemagne nouvellement unifiée accueille avec enthousiasme cette œuvre basée sur un conte de fées allemand agrémenté d’airs folkloriques allemands. En l’espace d’un an, l’opéra a été joué dans 50 maisons d’opéra et a été traduit en 20 langues au cours des 20 années suivantes.
Des années plus tard, le 25 décembre 1931, NBC a diffusé une représentation en matinée depuis le Metropolitan Opera House de New York à l’intention des auditeurs de toute l’Amérique. C’était la première fois qu’un opéra était retransmis en direct à la radio.
De plus, il a bénéficié d’un bon timing. « La fascination pour l’imagination des enfants et les contes de fées était dans l’air », a souligné le musicien allemand David Garrett. En France, la Cendrillon de Massenet devait sortir en 1899, peut-être sous l’influence de Hansel et Gretel. En Angleterre, Peter Pan de J.M. Barrie date de 1904. À Vienne, Sigmund Freud étudiait le développement de la conscience enfantine et les liens entre les mythes, les contes et l’inconscient.
Chansons d’espoir et d’amour
Parmi les chansons mémorables de l’opéra, Engelbert Humperdinck utilise une chanson populaire allemande dans Frère, viens danser avec moi (Brüderchen, komm tanz mit mir) et la charmante Prière du soir des enfants (Abends Will Ich Schlafen Gehn). Avant de s’endormir dans la forêt, le frère et sa sœur s’agenouillent et chantent :
Quand je m’endors la nuit, quatorze anges veillent,
Quatorze anges veillent,
Deux gardent ma tête,
Deux guident mes pieds ;
Deux sur ma main droite,
Deux sur ma main gauche.
Deux qui me couvrent chaleureusement
Deux qui m’entourent,
Deux à qui il est donné
De guider mes pas vers le Ciel.
Il semble qu’Adelheid a déversé tout son amour pour ses propres enfants dans ce magnifique duo, comme s’il s’agissait d’un antidote à l’horrible mère de l’histoire originale. La mélodie lyrique et envoûtante d’Engelbert est un point d’ancrage important de l’ouverture, créant l’ambiance de la pièce théâtrale magique qui suit.
Le compositeur a bien appris de son mentor Richard Wagner, tout en conservant sa propre voix musicale. « Dans cette œuvre, Engelbert Humperdinck a fait preuve d’une compréhension de l’esprit de l’enfant et d’un sens de la poésie, notamment dans l’atmosphère de la scène de la forêt au crépuscule. Les harmonies wagnériennes, les airs simples et l’orchestration ingénieuse maintiennent l’intérêt musical à un niveau élevé », peut-on lire sur le site Internet Brittanica.
Noël n’est jamais mentionné dans Hänsel und Gretel, mais l’opéra est devenu, au fil du temps, une tradition des fêtes de fin d’année au même titre que Casse-Noisette de Tchaikovsky, Un chant de Noël de Dickens et Le Messie de Händel. Il nous rappelle peut-être Noël parce qu’il y a de la musique céleste, des pains et des gâteaux à volonté dans la maison de la sorcière et que les enfants retrouvent le chemin de la maison après toutes leurs luttes.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.