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Hervé Luxardo : « On veut faire oublier que la flèche de Notre-Dame a été détruite en 1793 par l’extrême gauche révolutionnaire »

février 1, 2025 15:49, Last Updated: février 1, 2025 15:49
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ENTRETIEN – Officiellement, la première flèche de la cathédrale de Notre-Dame de Paris aurait été démontée entre 1786 et 1792, une information largement relayée par la presse et les institutions culturelles. Mais cette version des faits est-elle exacte ? Hervé Luxardo, historien, la remet en question. L’auteur de l’ouvrage La Révolution française et la violence : une logique infernale (éditions Clefs pour l’histoire de France) révèle que la destruction de la flèche a en réalité eu lieu en novembre 1793, en pleine vague de déchristianisation révolutionnaire, et s’interroge sur la manipulation de la « mémoire historique ».

Epoch Times : Édifiée vers 1250, la flèche de la cathédrale de Notre-Dame de Paris a été détruite à la fin du XVIIIe siècle, avant d’être reconstruite notamment par l’architecte Eugène Viollet-le-Duc lors du siècle suivant. Sur le site internet de Notre-Dame de Paris, il est inscrit qu’elle a été « démontée entre 1786 et 1792 ». Une information largement relayée par la presse. Vous affirmez que ce n’est pas la vraie date de sa destruction. Quand a-t-elle été détruite et pourquoi ?

Il est très surprenant que les spécialistes de Notre-Dame de Paris ne soient pas capables de nous fournir une date crédible sur la disparition de la première flèche de la cathédrale. La nouvelle flèche, érigée par Viollet-le-Duc, n’est qu’en partie la réplique de celle du XIIIe siècle.

Autant, sur les tours, les cloches, le portail de Sainte-Anne, la galerie des rois, les historiens de l’art sont prolixes, autant l’histoire de la flèche reste un sujet de controverse peu documenté.

Dans nombre d’hebdomadaires et de revues à vocation historique, on a lu, depuis l’incendie de 2019 (toujours non élucidé) de Notre-Dame, des informations fantaisistes sur la flèche. Des journaux ont alors écrit que la flèche médiévale avait été déposée en 1792, reprenant une information parue en 2017 dans un numéro spécial du Parisien sur « Paris au Moyen Âge », date manifestement reprise sans vérification dans un ouvrage d’art et d’histoire paru en 1966.

Vous citez la date de 1786, dont nous ne voyons pas à quoi elle correspond. Peut-être s’agit-il d’une confusion avec l’année 1783, lorsque les autorités ecclésiastiques de la cathédrale avaient fait dresser un inventaire du trésor du monument ? En réalité, la première flèche a été démontée en novembre 1793, alors que l’extrême-gauche sans-culotte lançait le très organisé mouvement de déchristianisation de la France.

Déjà, le 21 août 1792, le conseil général des Commissaires des 48 sections parisiennes avait ordonné d’enlever, dans toutes les paroisses de Paris, les objets d’argenterie, chandeliers et croix. Le même jour, le Comité de la section de la Cité investissait Notre-Dame à une heure du matin pour se faire livrer l’inventaire des trésors de la cathédrale. Un an plus tard, la Commune de Paris était dirigée par Jean-Nicolas Pache, proche d’Hébert, alors substitut du procureur Chaumette, violemment antichrétien.

C’est donc en novembre 1793 que la Commune de Paris donna l’ordre à un entrepreneur de bâtiment de démolir « administrativement » les sculptures de la cathédrale, puis à un autre entrepreneur patenté du département de descendre la croix de la flèche et, par la même occasion, d’enlever la flèche.

Dans Histoire, description et annales de la basilique de Notre-Dame de Paris, ouvrage consacré à l’histoire de Notre-Dame publié en 1854 par Ambroise Bray libraire-éditeur, on apprend que la Commune de Paris avait voté la destruction de la cathédrale et que, le 12 novembre 1793, la section de Bonne-Nouvelle, une des sections révolutionnaires qui la composait, « fait abattre son clocher, et propose d’abattre tous ceux de la capitale, comme contraires au système d’égalité. Motions pour faire mettre tous les prêtres en état d’arrestation ». Ces éléments recoupent-ils vos propres recherches ?

Oui, cela correspond totalement à ce que nous connaissons de cette période de la Révolution, toute tournée vers les destructions systématiques des édifices catholiques.

Comme la section de Bonne-Nouvelle l’indique, on détruit d’abord par fanatisme révolutionnaire, car « l’œil républicain » ne peut être que « blessé » par une architecture qui s’élève ! On détruit surtout pour récupérer le plomb recouvrant la flèche.

Le ministère de la Culture écrit sur son site Internet que « l’autorité municipale ordonne la destruction de la flèche en 1793, à cause du risque de chute dû à son inclinaison ». S’appuyant sur l’ouvrage précédemment cité, Wikipédia indique pour sa part que « le démontage de la flèche est décidé par le gouvernement révolutionnaire en 1793 pour récupérer les plaques de plomb ». Or, si ces deux aspects sont bien évoqués dans le texte, il est pourtant souligné que la Commune de Paris avait arbitrairement détourné les fonds destinés à la restauration de la flèche et que sa destruction avait été justifiée au nom de « l’égalité ». Que cela vous inspire-t-il ?

Je ne sais pas sur quelles pièces d’archives s’appuie le ministère de la Culture pour affirmer que la destruction avait été prévue au motif qu’il y avait, je cite, un « risque de chute dû à son inclinaison »… C’est la première fois que j’entends parler de la fragilité de la flèche médiévale.

Il existe une peinture de Notre-Dame, publiée en 1789, où la flèche est bien droite. Ce serait formidable de pouvoir lire cette archive, puisque les registres de délibération municipale ont disparu en 1871 dans l’incendie allumé par les Communards !

D’autre part, dans cette époque si troublée, après le 10 août 1792, des vols ont été commis. À l’automne 1793, la cathédrale était désaffectée. Le 9 novembre, sur proposition de la Commune de Paris, la Convention transforme Notre-Dame en Temple de la Raison. Les sections parisiennes, dominées par l’extrême-gauche sans-culotte, déclarent abandonner la religion catholique.

À votre avis, pourquoi la date précise de la destruction de la flèche de Notre-Dame au XVIIIe siècle reste-t-elle encore officiellement indéterminée à ce jour ?

C’est une énigme qui interroge et un silence qui étonne. La mémoire historique semble avoir oublié les aspects les plus radicaux de la Révolution, notamment le mouvement de déchristianisation qui a vu tant de destructions d’édifices religieux…

En 2019, Emmanuel Macron avait appelé de ses vœux « un geste architectural contemporain » pour la reconstruction de la flèche de Notre-Dame. Aujourd’hui, il se montre résolu à remplacer certains vitraux anciens de la cathédrale par des créations contemporaines, en dépit de l’avis défavorable émis par la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, regroupant quarante experts. Quel regard portez-vous sur ces polémiques ?

J’avoue ne pas comprendre la logique des hauts responsables de l’État. Les projets architecturaux, parfois de très mauvais goût, d’édification d’une nouvelle flèche ont été heureusement rejetés. Vouloir imposer de nouveaux vitraux à la place des anciens, totalement conservés, reste incompréhensible puisque ce geste serait en totale contradiction avec la charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments anciens.

Cette charte, dite de Venise, est très claire : il s’agit de préserver les bâtiments anciens en respectant l’œuvre historique et artistique du passé.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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