Une étude sans précédent de 650 pages, publiée par l’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire du ministère des Armées, dévoile le réseau tentaculaire d’influences du Parti communiste chinois (PCC) à travers le monde. Parmi le large éventail d’opérations de propagande, de manipulation, d’intimidation et de désinformation, le régime chinois cherche à imposer sa domination sur les infrastructures numériques et les technologies de l’information.
L’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire (Irsem) a rendu public le 20 septembre un rapport intitulé « Les opérations d’influence chinoises : un moment machiavélien », publié au terme de deux années de recherches par le directeur de l’Irsem, Jean-Baptiste Jeangène-Vilmer et son directeur du domaine « Renseignement, anticipation et menaces hybrides », Paul Charon.
Le rapport détaille comment le PCC cherche à imposer son modèle à la planète, notamment en prenant la main sur le réseau des données mondiales via les infrastructures, les smartphones, les applications et médias sociaux chinois.
Comme l’explique Samantha Hoffman, auteure d’un rapport de l’ASPI (Australian Strategic Policy Institute) sur la collecte de données par des entreprises d’État chinoises, « pour accéder aux données mondiales, le Parti fait appel à des entreprises publiques, chinoises et étrangères, ainsi qu’à des partenaires tels que des chercheurs universitaires. [Le PCC] utilise le capitalisme comme un moyen d’accéder aux données qui peuvent l’aider à perturber les processus démocratiques et à créer un environnement mondial plus favorable à son pouvoir ».
Les infrastructures chinoises pour contrôler les communications mondiales
Pour dominer le réseau des données mondiales, Pékin utilise deux approches combinées : 1. la « collecte de masse » et 2. le ciblage spécifique, combinées à la cooptation d’États. Le PCC s’appuie ainsi sur les entreprises publiques et privées pour construire des infrastructures et promouvoir ses nouvelles technologies à travers le monde. Contrairement à l’Occident, le PCC « contraint toutes les entreprises chinoises, publiques comme privées, et également ses citoyens, à ‘soutenir, aider et coopérer aux efforts nationaux de renseignement’ « , à l’intérieur comme à l’extérieur de la Chine.
L’Irsem prend l’exemple de l’Afrique pour exposer l’influence de la Chine via les entreprises d’infrastructures numériques. Dans le Financial Times, on apprend que le siège de l’Union africaine en Éthiopie a été construit par la China State Construction Engineering Corporation, que le bâtiment a été truffé de micros et de systèmes informatiques équipés de portes dérobées et que des hackers chinois peuvent très facilement aspirer « l’intégralité des échanges et des productions internes de l’organisation ».
Selon l’Irsem, depuis 1966, des compagnies chinoises ont construit ou rénové en Afrique au moins 186 bâtiments gouvernementaux, dont « au moins 24 palais présidentiels, résidences ou bureaux du Premier ministre, au moins 26 bâtiments parlementaires, au moins 32 installations militaires ou de la police, et au moins 19 bâtiments de ministères des Affaires étrangères». En outre, des compagnies comme Huawei et ZTE ont créé au moins 14 réseaux de télécommunications gouvernementaux sensibles, dont des systèmes pour la police et les forces armées. Ils ont aussi équipé d’ordinateurs les bureaux d’au moins 35 gouvernements africains. Au moins 40 des 54 pays africains sont concernés par cette ingérence à différents niveaux.
Dans sa course à la domination numérique mondiale, le PCC s’intéresse aussi aux câbles sous-marins qui assurent près de 95 % des télécommunications à travers la planète. Plusieurs entreprises, dont Huawei – toujours lui, ont investi massivement dans ce secteur. La Chine détient ainsi 11,4 % des câbles sous-marins existants et 24 % des câbles en construction, et son appétit ne cesse de grandir.
Les nouvelles technologies pour imposer le « techno-autoritarisme » chinois
Selon le rapport de l’Irsem, les entreprises de nouvelles technologies chinoises comme WeChat, Weibo, TikTok, Beidou ou Huawei offrent un aperçu du « techno-autoritarisme », ou de l’« autoritarisme numérique » chinois. Les smartphones et leurs applications servent ainsi à la surveillance et l’espionnage, et les fabricants chinois de smartphones, en particulier Huawei et Xiaomi, sont régulièrement mis en cause.
À propos de Huawei, RSF écrit notamment que « la firme, qui est un partenaire clé de la censure de l’internet chinois et de la répression dans la province du Xinjiang, a aussi été accusée d’intégrer dans certains de ses produits une ‘porte dérobée’, lui permettant d’accéder secrètement aux données des utilisateurs, et de fournir ses technologies de surveillance au régime iranien ». L’entreprise de technologie, qui fournit « des systèmes de surveillance de villes entières », a « un partenariat avec les forces de police », y compris au Xinjiang. Huawei a « signé un ‘accord de coopération stratégique’ avec le ministère de la Sécurité publique du Xinjiang » selon le chercheur allemand Adrian Zenz, docteur en anthropologie sociale et l’un des premiers à avoir dévoilé l’ampleur de la répression des Ouïghours.
Ce dernier affirme que « cette région est un laboratoire pour l’État policier du XXIe siècle auquel Huawei collabore étroitement » et estime probable « que la technologie de Huawei ait été directement mise au service de l’identification des personnes ouïghoures et contribua ensuite à leur internement ». Il conclut que « Huawei est une arme stratégique de l’État chinois pour réprimer les Ouïghours, et probablement un cheval de Troie majeur menaçant la sécurité des télécommunications ailleurs dans le monde ».
Selon l’Irsem, Huawei, dont la première entreprise en Occident a été installée en France, pose de véritables problèmes de sécurité pour les pays qui installent tout ou partie de leurs infrastructures 5G. Un rapport produit par Capgemini estime que Huawei est en capacité d’écouter les conversations « des numéros mobiles […] de manière illimitée, incontrôlée et non autorisée », y compris un accès à la base de données de tous les numéros de téléphone des utilisateurs d’une technologie de Huawei. Le magazine Forbes a confirmé de son côté que Huawei travaille avec Bo Yu Guangzhou Information Technology Co, une société considérée comme l’un des groupes de hackers travaillant pour le gouvernement chinois.
Les médias sociaux WeChat et Tik Tok
Les médias sociaux comme WeChat, Beidu ou Tik Tok posent également un problème de surveillance et de censure.
Sur l’application We Chat, les messages échangés, qui ne sont pas cryptés, passent par un serveur géré par l’entreprise de télécommunication chinoise Tencent qui filtre et signale tous les contenus jugés inacceptables par le PCC. L’objectif est d’une part d’empêcher tout discours négatif sur le PCC, notamment concernant les « cinq poisons » (Ouïghours, Tibétains, Falun Gong, « militants pro-démocratie » et « indépendantistes taïwanais ») et d’autre part, de produire un discours positif sur la « prospérité, la puissance et l’émergence pacifique » du régime chinois, à l’intérieur comme à l’extérieur de la Chine.
Selon une étude de Citizen Lab de l’Université de Toronto, la surveillance sur WeChat concerne tous les utilisateurs, y compris ceux de l’étranger. Non seulement « les documents et images partagés entre des comptes non enregistrés en Chine sont soumis à une surveillance du contenu [mais ils sont aussi] utilisés pour constituer la base de données que WeChat utilise pour censurer les comptes enregistrés en Chine ». En d’autres termes, les utilisateurs de WeChat en France, aux États-Unis, en Australie, au Canada, contribuent indirectement au perfectionnement de la surveillance de la population en Chine.
Concernant la très populaire application TikTok, la plateforme est également étroitement surveillée et censurée par le PCC. Elle compte environ 1 milliard d’utilisateurs dans le monde. La censure porte non seulement sur les sujets habituels (les vidéos mentionnant Tian’anmen, l’indépendance tibétaine ou le Falun Gong) mais aussi sur des sujets plus politiques comme le Covid-19.
Selon Samantha Hoffman, auteure du rapport de l’ASPI sur la collecte de données par des entreprises d’État chinoises, « TikTok est un bon exemple d’une application apparemment bénigne qui peut donner au PCC beaucoup de données utiles [pouvant] être utilisées pour comprendre comment les gens sont influencés et comment ils pensent ».
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Les auteurs du rapport, Paul Charon et Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, soulignent que les stratégies et les opérations d’influence décrites dans le rapport sont celles du régime chinois, et non de la Chine ou du peuple chinois : « Le problème n’est pas « la Chine », elle n’est pas un « ennemi » (c’est au contraire le Parti qui divise le monde en « amis » – ceux qui défendent ses intérêts – et « ennemis » – ceux qui osent le critiquer), […] le problème n’est pas un différend philosophique entre deux options également valables, une Chine prétendument « confucianiste » et l’ordre international « libéral ». Le problème, comme le résume l’historien Frank Dikötter, est que « le PCC reste, structurellement, un parti unique léniniste [qui] cherche à saper toute opposition tant au pays qu’à l’étranger » ».
Selon les auteurs, cette stratégie chinoise tentaculaire est souvent inefficace, voire contreproductive : « Le choix de la Chine ces dernières années est celui de l’agressivité, être craint plutôt que séduire. La conséquence en est une dégradation durable de son image à l’étranger. Mais son objectif prioritaire est ailleurs : maîtriser la situation à l’intérieur du pays. »
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