Depuis hier, le Parlement européen examine un projet de résolution ambitieux pointant la responsabilité du développement du palmier à huile dans la déforestation tropicale, responsable d’une part importante des émissions de gaz à effet de serre dans les grands pays producteurs – près de 50 % en Indonésie (où la libération de carbone est imputable à la destruction des tourbières et aux feux de forêt).
Dans son état actuel, le texte prend des positions fortes. Il rappelle notamment que les schémas de certification existants ne sont pas en mesure de garantir à l’acheteur qu’une huile n’est pas liée à la déforestation, au travail forcé ou à l’éviction de populations forestières de leurs terres coutumières (manque d’exigence de certains critères, marché des produits certifiés trop peu rémunérateur pour stimuler l’adhésion des producteurs, conflits d’intérêts avérés dans la conduite d’audits pourtant qualifiés d’« indépendants »).
Le texte insiste également sur le fait que, même renforcées, ces initiatives volontaires seraient insuffisantes pour transformer le secteur vers plus de durabilité, et que les cadres de politiques publiques doivent être renforcés.
Une majorité de plantations industrielles
Pour tirer pleinement les conséquences de cette résolution, il faut bien distinguer les deux modes de production qui dominent en Indonésie et en Malaisie, où se concentre 85 % de la production mondiale d’huile de palme.
Environ 60 % de la production y est assurée par les plantations industrielles contre 40 % par des petits producteurs, sur des surfaces inférieures à 25 hectares.
Compte tenu de l’impact différencié de ces deux modes de production, favoriser la durabilité de la production d’huile de palme consiste simultanément à mieux encadrer les pratiques en plantations industrielles, renforcer les capacités des petits producteurs et, enfin, mettre en place des garde-fous pour garantir que ces derniers n’étendront pas leurs cultures sur les forêts.
Le fléau de la déforestation
Si les petits producteurs ont participé et participent encore à la déforestation, ils n’en sont responsables que pour une faible part (inférieure à 10 % dans le cas de Sumatra entre 1990 et 2010).
Comme par ailleurs les capacités d’investissement et les compétences techniques de ces planteurs sont souvent faibles, leurs rendements sont 30 à 50 % inférieurs à ceux des plantations industrielles.
Il serait donc possible de répondre à une part importante de l’accroissement de la demande mondiale sur les 20 prochaines années sans générer de déforestation, ceci en augmentant les rendements de ces petits producteurs d’une part, en cadrant mieux la grande plantation industrielle d’autre part – ce qui supposerait cependant de réduire la demande mondiale en agrocarburants, en particulier en Europe, où 45 % de l’huile de palme importée est utilisée à cette fin.
Comment encadrer la production industrielle…
Mieux cadrer la production industrielle peut passer par plusieurs canaux.
Il pourrait d’abord s’agir de favoriser l’adoption par l’ensemble des standards de certification d’une définition de la forêt exigeante, prenant en compte tant les enjeux de biodiversité que de maintien des stocks de carbone, comme la méthodologie High Carbon Stocks.
Encourager ensuite, sur la base de ces définitions claires, le développement du marché des produits certifiés. Enfin, favoriser, voire exiger, la traçabilité dans les chaînes d’approvisionnement des entreprises européennes pour pouvoir identifier d’où vient l’huile de palme utilisée et, en particulier, si elle est issue ou non de la déforestation.
… et celle des petits producteurs
Pour agir sur les petits producteurs, il faut améliorer leur accès à des semences de qualité, leur niveau de formation, leur accès au crédit.
Compte tenu de leur faible capacité de négociation avec leurs acheteurs, il faut aussi accompagner la structuration d’organisations collectives pour rééquilibrer les échanges et permettre aux producteurs de capter une part plus importante de la valeur ajoutée de la filière. De telles actions supposent de développer le conseil agricole, l’accès au crédit bancaire et l’encadrement technique et organisationnel des producteurs en milieu rural.
C’est donc un renforcement ou une réorientation des politiques de développement agricole et rural qu’il s’agit d’encourager, si l’Union européenne veut réellement diminuer les impacts de la filière huile de palme. Ceci pourrait notamment passer par une augmentation des engagements des bailleurs européens (de l’UE comme de ses États membres) dans des projets de soutien à l’organisation des petits producteurs de la filière.
Néanmoins, ces efforts en direction des petits producteurs n’auront d’effet que si, par ailleurs, il est possible de garantir qu’ils n’étendront pas leurs cultures sur les zones forestières jugées importantes pour la conservation.
Là encore, les politiques de coopération peuvent jouer un rôle clé, en particulier en accompagnant les pays producteurs dans la mise en œuvre de leur engagements climatiques et en appuyant le déploiement des politiques foncières.
Pierre-Marie Aubert, Chercheur en politiques agricoles et alimentaires, Iddri
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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