Images d’espoir: le Bon Berger

Par Elizabeth Lev
13 janvier 2023 00:39 Mis à jour: 13 janvier 2023 00:39

Au troisième siècle de notre ère, l’Empire romain s’était transformé en un amalgame de peuples blasés, vivant dans une guerre constante et sous une instabilité politique sans fin.

Ils engourdissaient leur anxiété existentielle par des plaisirs et l’opulence, ils exploraient une myriade de religions pour tenter de combler le vide spirituel de leur époque. L’identité romaine n’avait plus de sens pour ses nombreux citoyens disséminés sur toute l’étendue du territoire et, à leur insu, la chute de l’empire se profilait à l’horizon.

La communauté chrétienne, exacerbée par des persécutions sporadiques et atroces, s’est développée en ces temps incertains tout en proclamant un message d’espoir et de lumière dans les ténèbres. Pour incarner cette espérance sous une forme visuelle, ils ont créé une icône novatrice : celle du Bon Berger, une image tirée des enseignements bibliques de Jésus.

Porter nos péchés

Fusionnant les Écritures avec des motifs familiers pour un public très sophistiqué de l’Empire romain, le Bon Berger a été la première icône à succès du christianisme, avec des copies trouvées en Grande-Bretagne, en Espagne et en Syrie. La version la plus célèbre a toutefois été produite à Rome et est conservée aujourd’hui dans les musées du Vatican.

La version la plus célèbre du « Bon Berger », vers 300-350 apr. J.-C., par un artiste inconnu, dans les catacombes de Domitilla, Musées du Vatican. (Carole Raddato/CC BY-SA 2.0)

Dans cette œuvre, les chrétiens ont transformé un « alphabet » visuel gréco-romain, pour ainsi dire, en un nouveau lexique joyeux. Le bon berger, personnage vêtu d’un exomide (une seule pièce de tissu drapée autour du torse, passant autour de l’épaule gauche et laissant nue l’épaule droite) et portant un mouton sur ses épaules, était très familier au monde hellénisé de la Méditerranée.

Les Grecs connaissaient ce personnage sous le nom d’Hermès, le messager bien-aimé des dieux, protecteur des bergers et guide des âmes dans l’au-delà, souvent représenté portant un mouton. Pour les Romains, l’homme portant un mouton représentait l’idée de philanthropie : la volonté de prendre sur ses propres épaules le fardeau, économique ou civique, d’une autre personne.

Les chrétiens se sont appuyés sur ce message de bonté en faisant valoir leur berger qui prendrait sur lui le fardeau du péché pour conduire les âmes au paradis. Pour souligner la puissance divine de leur berger miséricordieux, ils ont utilisé les traits du dieu Apollon pour son jeune visage.

En tant que dieu du soleil, Apollon est devenu une figure utile pour que le peuple romain voie le Christ en tant que Lumière du monde. L’image est également devenue un point d’entrée dans les Écritures, car elle fait allusion à des passages décrivant à la fois son incarnation, sa crucifixion et sa résurrection.

Les moutons et les chèvres

L’une des premières images visuelles, peinte en 250-275 apr. J.-C. dans les catacombes de Priscilla à Rome, ajoute une touche chrétienne à l’iconographie, puisque le berger ne porte pas un doux mouton docile sur ses épaules, mais une chèvre.

Les satyres, personnifications grecques de la luxure effrénée et de l’intempérance, étaient représentés mi-humains et mi-chèvres. Jésus a parlé du jugement comme séparant les brebis des chèvres. Malodorantes et désagréables, ces créatures mal aimées trouvaient un protecteur dans le bon berger, qui venait chercher ceux que leur faiblesse avait égarés. Il a offert l’espoir aux gens égarés comme aux fidèles.

L’une des plus anciennes représentations visuelles du « Bon Berger » avec le Christ portant une chèvre sur ses épaules, vers 250-275 apr. J.-C., par un artiste inconnu, dans les catacombes de Priscilla à Rome. (Domaine public)

Le bon, le vrai et le beau

Le Bon Berger n’a jamais été conçu comme une image de récrimination ou de culpabilité, ni comme une dénonciation des croyances et des pratiques païennes ; il se voulait un présage de paix. Il évoque la poésie pastorale, chère aux Romains, qui louangeait la vie rustique et simple de la campagne.

Virgile, le poète romain le plus célèbre, avait capté l’imagination d’un empire avec des expériences idylliques et mystiques racontées par des bergers au milieu de leurs troupeaux dans son recueil les Bucoliques, très populaire. Le genre s’est épanoui et s’est répandu dans les arts visuels, comme en témoignent les frises de la maison de Livie, épouse de l’empereur Auguste, à Rome au premier siècle.

Le Bon Berger a disparu à mesure que l’Empire byzantin gagnait en influence sur les anciens territoires romains, mais son souvenir perdure encore aujourd’hui dans la tradition catholique. Chaque année, le 29 juin, jour de la fête des saints Pierre et Paul à Rome, les nouveaux archevêques reçoivent une étole de laine blanche qu’ils portent sur leurs épaules. Cette étole symbolise leur tâche d’aider le pape à mener les âmes des fidèles vers le salut.

Il y avait beaucoup de laideur à la fin de l’Empire romain – avec des guerres, des maladies, la pauvreté et la cruauté endémiques – mais les chrétiens ont choisi de s’élever au-dessus de la saleté et du crime omniprésents. Ils ont appelé leur berger kalos, un mot grec qui signifie non seulement « bon », mais aussi « vrai » et « beau ». Cet appel à la beauté pourrait être décrit comme le mandat des siècles d’art chrétien qui ont suivi. Quelle que soit la brutalité des circonstances, le bon berger invitait ses disciples à se montrer sous leur meilleur jour et à s’efforcer d’offrir l’espoir et la paix à une époque turbulente, une époque qui n’est pas très différente de la nôtre.

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