« On est chez les dingues » : malgré quatre heures de suspension et une réunion d’urgence à Matignon, les tractations n’ont pas abouti au terme d’une nuit houleuse sur le projet de loi immigration à l’Assemblée, et sont reportées au lendemain sous les protestations de la gauche et du RN.
« On est en réunion depuis 17h00 et on n’a pas examiné une ligne », grinçait déjà le sénateur socialiste Patrick Kanner à l’heure du dîner, devant la cohue des journalistes, salle des 4 colonnes. Car la réunion cruciale entre députés et sénateurs, la fameuse commission mixte paritaire (CMP), organisée à huis clos au Palais Bourbon a connu un long faux départ.
Malgré leur confiance en arrivant, majorité et LR comprennent vite qu’un désaccord persistant bloque les discussions. La droite veut conditionner à cinq ans de présence sur le territoire le versement des aides personnalisées au logement (APL) aux étrangers (30 mois pour ceux qui travaillent). Une ligne rouge pour la majorité.
Branle-bas de combat dans les états-majors. Éric Ciotti, le président de LR, téléphone dans le couloir. Les LR se réunissent dans une autre salle pour négocier. Pendant ce temps, gauche et RN hurlent aux discussions « parallèles », en « catimini », un « mépris du Parlement ». La droite demande finalement la fameuse suspension jusqu’à 21h.
Des cadres de la majorité filent à Matignon autour d’Élisabeth Borne. « Tout est sur la table bien sûr, repousser (la commission mixte paritaire, ndlr) est possible. C’est déjà arrivé plein de fois », commente une source au sein du parti Renaissance. « Ça va reprendre », assure un membre de la commission après le rendez-vous.
« On est chez les dingues »
Jusqu’à la fin de la nuit ? « Ça peut aller jusqu’à ce qu’ils (les membres de la commission) soient tous décédés », ironise le MoDem Erwan Balanant. « Ah si on m’écoutait parfois » : le centriste avait plaidé il y a quelques jours de ne « pas précipiter » cette commission mixte paritaire et de se laisser quelques semaines.
Le député Horizons et co-rapporteur du texte, Philippe Pradal, reste « confiant » sur l’aboutissement de la commission. « Ça va être long oui », mais « je considère tout à fait normal qu’un parlementaire ait une fin d’année chargée ».
Les socialistes reviennent, après un dîner « pizzas ». « Ils ont peut être mieux mangé à Matignon », glisse la sénatrice PS Marie-Pierre de la Gontrie. Que s’est-il passé avant la reprise ? « On est au courant de rien, on est chez les dingues », lance la socialiste, dont le groupe comme le reste de la gauche, cette fois réunie, réclame « d’acter le désaccord en CMP et de retirer le texte ». Après un tour de table à la reprise, l’examen des articles au fond ne démarre qu’à 21h45. Et « le RN a décidé de lire le détail de ses propositions de rédaction. On n’est pas sorti », redoute un élu.
« La majorité semble se fracturer, plusieurs clans s’opposent »
Pendant ce temps, une séance a démarré dans… l’hémicycle de l’Assemblée. L’examen d’une motion de censure LFI, déposée après le 22e recours d’Élisabeth Borne à l’arme constitutionnelle du 49.3, pour faire adopter sans vote le budget 2024 en nouvelle lecture. L’immigration s’invite dans les prises de paroles. L’Insoumis François Piquemal accuse le camp présidentiel « d’épouser les idées de l’extrême droite ».
L’écologiste Christine Arrighi s’étonne que la Première ministre quitte l’hémicycle pendant les débats. Pour s’occuper de la loi immigration ? « Elle passait des coups de fil dans les salons » jouxtant l’hémicycle, affirme l’Insoumis Paul Vannier.
Les concessions à la droite sénatoriale s’enchaînent en commission. Un député de l’aile gauche de la majorité passe, le visage sombre. « Je ne sais pas encore si je m’abstiens, ça dépend du texte ». « Sacha (Houlié, le président Renaissance de la commission des Lois), il n’est pas bien, je l’ai rarement vu comme ça », assure cet élu. « La majorité semble se fracturer, plusieurs clans s’opposent », savoure le RN Yoann Gillet.
Vers minuit, nouvelle suspension et nouvelle incertitude pour la suite. Le couperet tombe une demi-heure plus tard. Les débats ne reprendront que le lendemain à 10h30, toujours en raison du désaccord persistant sur les APL.
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