Le gouvernement et la droite étaient en passe de trouver un compromis sur le projet de loi immigration. La commission mixte paritaire (CMP) députés-sénateurs, commencée depuis 17h00 sera décisive pour le texte.
Après des jours de négociations, « l’accord est pratiquement acquis », a expliqué à l’AFP un cadre macroniste. Un « optimisme » partagé au Sénat par le patron du groupe centriste Hervé Marseille qui a estimé qu’il n’y avait « pas de problème politique majeur », mais des enjeux « d’écriture » sur l’ultime version de ce texte hautement sensible. « Ce sont des questions rédactionnelles maintenant » mais « tant que la rédaction n’est pas calée on ne peut rien dire », a abondé la députée Les Républicains Annie Genevard, qui siègera à la CMP.
L’exécutif engagé par écrit à réformer l’AME
En attendant, selon l’entourage du président du Sénat Gérard Larcher, l’exécutif a répondu à un ultimatum fixé par la droite en s’engageant par écrit à réformer l’Aide médicale d’État, ce dispositif qui permet aux étrangers sans papiers de bénéficier de soins médicaux.
Le président du parti LR Eric Ciotti attend aussi « un engagement » pour augmenter le nombre d’expulsions. Le ministre de l’Intérieur lui a adressé lundi un courrier annonçant l’accélération des délais de réalisation de nouvelles places en centre de rétention (CRA).
Le texte est soumis depuis 17h00 au vote de sept députés et sept sénateurs lors de cette CMP à huis clos à l’Assemblée nationale, avec de possibles ajustements à la marge. Avant de revenir mardi dans l’hémicycle des deux chambres pour une adoption à l’identique.
Pour Emmanuel Macron, qui disait vendredi espérer « un compromis intelligent » sur ce texte et a reçu lundi Élisabeth Borne à déjeuner, c’est une étape cruciale de son deuxième quinquennat, ce moment politique sur l’immigration marquant un très net virage à droite au risque de désunir le camp présidentiel. Après l’adoption surprise d’une motion de rejet le 11 décembre, qui a mis fin aux débats dans l’hémicycle de l’Assemblée, le gouvernement a décidé de confier à une CMP le soin de tenter de parvenir à un texte qui contente à la fois la droite et la majorité.
Les discussions ont avancé sur de nombreux points, comme les aides sociales, qui seraient désormais conditionnées à cinq ans de résidence pour les étrangers, délai réduit à deux ans et demi « pour ceux qui travaillent », a indiqué Annie Genevard. Mais le périmètre des allocations concernées a donné lieu à d’ultimes arbitrages. Selon la députée Renaissance Violette Spillebout, l’Aide personnalisée au logement (APL) et l’allocation pour les personnes handicapées ne seront pas soumises à ces restrictions.
Autant de mesures destinées à rendre le modèle social français moins attractif qui pourraient braquer l’aile gauche de la majorité et font dire au leader communiste Fabien Roussel que les macronistes « perdent leur âme » et « leurs convictions » en faisant « le choix de défendre la préférence nationale ». Certains macronistes avouent néanmoins compter sur le Conseil constitutionnel pour censurer plusieurs mesures très droitières, comme le resserrement du regroupement familial ou l’instauration de quotas migratoires annuels.
Gain de cause dans les régularisation dans les métiers en tension
La droite semble également avoir obtenu gain de cause sur les régularisations de travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension, qui resteraient à la discrétion des préfets, sur la déchéance de nationalité pour les binationaux auteurs de crimes contre les forces de l’ordre ou encore sur la caution déposée par les étudiants étrangers, un point sensible pour le MoDem, même si le principe d’une dérogation à la main de l’État aurait été avancé.
En cas d’accord en CMP, un dernier obstacle se dressera devant ce texte. Si le vote du Sénat est acquis, celui de l’Assemblée nationale est beaucoup plus incertain. « J’ai senti qu’il y avait encore beaucoup de divisions », a expliqué lundi une source au groupe Renaissance. Une députée du groupe macroniste a elle estimé les défections à une vingtaine au sein de Renaissance, entre vote contre et abstention, un chiffre en baisse.
Élisabeth Borne est d’ailleurs attendue mardi matin face aux députés Renaissance pour tenter de s’assurer d’un soutien suffisant. « Malgré les couleuvres avalées, on garde des mesures qu’on avait portées », positive un autre député macroniste, insistant sur « l’intérêt de montrer qu’on est encore capables de légiférer ».
Soyons lucides : sans une réforme de la Constitution rétablissant notre souveraineté sur les questions d’immigration, toutes ces lois sont des coups d’épée dans l’eau. pic.twitter.com/8uZ8u2ZbVi
— Aurélien Pradié (@AurelienPradie) December 17, 2023
Les élus du groupe centriste Liot, jusqu’ici en soutien du gouvernement, risquent eux aussi de se diviser. Et même les LR, car certains tels qu’Aurélien Pradié considèrent la loi inutile si l’on ne réforme pas notre Constitution pour rétablir notre souveraineté, une vision partagée par Nicolas Dupont-Aignan.
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