Les électeurs suisses sont appelés dimanche à voter sur un volet de la réforme de la fiscalité internationale impulsée par l’OCDE, qui prévoit d’instaurer un impôt minimum mondial de 15% sur les bénéfices des multinationales.
De la genèse de la réforme à ses bénéfices attendus, voici quelques éléments pour faire le point sur ce chantier censé mettre fin à l’optimisation fiscale des géants de l’économie mondiale. En 2017, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a été mandatée par le G20 pour lutter contre « l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices ». En clair, les stratégies d’optimisation qui permettent aux grandes entreprises d’échapper en grande partie à l’impôt.
Après plusieurs années de négociations, un accord a été trouvé en octobre 2021, sous l’égide de l’OCDE, pour taxer de manière plus équitable les multinationales et instaurer un taux d’impôt minimal mondial de 15%. L’objectif affiché à l’époque était 2023. Mais l’accord, auquel se sont ralliés 139 États et territoires, doit être transposé dans le droit national des pays concernés, et les procédures sont toujours en cours.
« Pilier 1 » : répartition plus équitable des recettes fiscales
L’accord passé en octobre 2021 comporte deux « piliers ». Le « pilier 1 » vise à répartir plus équitablement entre les États les recettes fiscales issues de la taxation des multinationales. Comme le ministre français de l’Économie Bruno Le Maire le soulignait en février, les négociations entre États sont « bloquées » sur ce sujet. Le « pilier 2 » consiste lui à instaurer un impôt mondial minimal afin de s’assurer que quel que soit le lieu de son implantation, une multinationale ne paye pas moins d’impôts qu’ailleurs. C’est sur ce second pilier que les États ont le plus avancé jusqu’ici.
Trente-six pays appliquent déjà ou « sont en train de mettre en œuvre » l’impôt à 15% sur les multinationales, a indiqué cette semaine une source proche du dossier à l’AFP. Dans cette liste figurent les 27 pays membres de l’Union européenne (UE), l’Australie, le Canada, le Japon, la Corée, le Liechtenstein, la Malaisie, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et la Suisse.
La transposition de l’accord dans le droit européen s’est apparentée à une véritable course d’obstacles, la Pologne puis la Hongrie menaçant tour à tour de s’opposer à ce projet nécessitant l’unanimité des membres de l’UE. Les 27 ont finalement approuvé l’impôt à 15% en décembre 2022, pour une entrée en vigueur prévue au 31 décembre 2023. En France, la mesure doit être intégrée au projet de budget pour 2024, a récemment indiqué le ministère de l’Économie.
« Pilier 2 » : taux d’imposition des multinationales
Outre les 36 pays cités plus haut, quinze États « ont annoncé publiquement qu’ils réfléchissaient à mettre en œuvre le pilier 2 » en 2024, en 2025 ou plus tard, précise-t-on de source proche du dossier. Après avoir été initialement fixé à « au moins 15% », le taux effectif d’imposition des multinationales a été ramené à 15% dans l’accord trouvé en octobre 2021. Certains économistes dont les Français Gabriel Zucman et Thomas Piketty ont dénoncé la faiblesse de ce chiffre, inférieur selon eux au taux moyen d’impôt sur les sociétés dans le monde.
Selon des données portant sur 160 pays et publiées en novembre 2022 par l’OCDE, le taux moyen d’impôt sur les sociétés s’établissait à 20% l’année dernière, comme en 2021, mais en chute de huit points par rapport à l’année 2000. Le nouvel impôt doit s’appliquer aux entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros, soit moins de 10.000 firmes dans le monde.
L’OCDE a récemment revu à la hausse les recettes fiscales supplémentaires attendues de la réforme et les chiffre désormais à 220 milliards de dollars annuels (contre 150 milliards anticipés au départ). « L’analyse montre que les pays à revenu faible et intermédiaire sont ceux qui devraient avoir le plus à gagner, en pourcentage des recettes existantes de l’impôt sur les bénéfices des sociétés », a fait valoir l’organisation basée à Paris. En cas d’adoption du « pilier 1 » de la réforme, l’OCDE attend un supplément de recettes fiscales compris entre 13 et 36 milliards d’euros.
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