« Frapper vite et fort ! » : dans le Sud-Est de la France, historiquement touché par d’importants incendies, les pompiers ont obtenu des résultats spectaculaires depuis 1990 en attaquant massivement les départs de feu.
Sur les images en noir et blanc, un panorama dévasté, des hectares de massif calcinés et, entre les troncs encore debout, une carcasse de voiture. « C’est dans cette voiture que l’on a retrouvé les corps de Mme Gray et de ses quatre enfants qui ont péri carbonisés en voulant fuir les flammes », décrit le journaliste de la télévision publique française le 4 octobre 1970.
L’écrivain Martin Gray, rescapé des camps de concentration, reviendra dans son premier livre Au nom de tous les miens sur cet incendie dans lequel il a perdu toute sa famille, pour la deuxième fois après la Seconde Guerre mondiale.
Sur le massif du Tanneron, entre Var et Alpes-Maritimes, le sinistre d’octobre 1970 fait 11 morts. Quinze ans plus tard, au même endroit, un nouvel incendie coûte la vie à cinq pompiers volontaires.
Mieux appréhender les départs de feux
En Provence et sur la Côte d’Azur, rares sont aujourd’hui les feux de forêt aux conséquences aussi dramatiques, même si des pompiers ou des civils périssent encore dans des sinistres.
Beaucoup d’observateurs y voient les effets de la stratégie adoptée au début des années 1990 dans l’arc méditerranéen allant de la frontière espagnole à la frontière italienne, une vaste région aux étés chauds et secs et aux nombreux massifs forestiers.
Après des années marquées par des feux très importants dans cette zone – 56.000 hectares brûlés en 1989, 54.000 en 1990, « c’est un peu la naissance de toute la doctrine française de lutte contre les incendies », résume Julien Ruffault, chercheur à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae).
« Elle est centrée sur le ‘‘moins de 10 minutes’’ : l’idée, c’est de dire que plus on attaque un feu tôt, plus c’est facile », détaille-t-il. « Frapper vite et fort ! », synthétise le directeur du Service d’incendie et de secours (Sdis) du Var Éric Grohin.
Une nécessaire surveillance des massifs
Pour y parvenir, les massifs sont ultra-surveillés pendant les périodes à risque : guetteurs dans des tours de vigie, caméras haute définition, drones…
« On a un rôle de surveillance, d’information du public, et s’il y a un départ de feu, on a 600 litres d’eau dans le pickup », explique Paul Chanavas, 74 ans, tee-shirt orange vif du Comité communal feux de forêt sur le dos, dans les collines du Lubéron. « Ca nous permet de tenir huit ou neuf minutes », détaille le médecin à la retraite.
Ils sont un millier de bénévoles comme lui à s’être engagés en Vaucluse dans ces comités communaux. Comme les agents de l’Office national des forêts (ONF), de la Garde forestière, des Services départementaux d’incendies, ils parcourent les massifs durant l’été dans des véhicules blancs, kaki, oranges, rouges ou jaunes…
La prévention passe aussi par des obligations légales de débroussaillement autour des maisons.
Des formations de prévention
En parallèle, sur le terrain, les jours les plus dangereux, des avions bombardiers d’eau volent préventivement et des brigades sont prépositionnées dans les points chauds pour intervenir au plus vite – jusqu’à 1000 pompiers, soit 20% des effectifs, dans le Var par exemple.
« Dans le Sud de la France, on spécialise tous nos pompiers aux feux d’espaces naturels », souligne le capitaine Gilles Agopian, sur le centre de formation de Velaux, près d’Aix-en-Provence.
Derrière lui, sur une aire de 5000 m2, des jeunes sapeurs luttent contre les énormes flammes qui attaquent des arbres… métalliques, dans une ambiance rappelant Mad Max.
Cette structure, unique au monde, est gérée d’une tour de contrôle, d’où les formateurs peuvent « enflammer » tel ou tel arbre ou des plaques au sol, simulant des feux de broussailles, pour imiter la propagation d’un vrai incendie.
Le but ? Apprendre à porter correctement son équipement, à utiliser les asperseurs d’eau qui protègent les cabines des camions, à gérer les lances d’incendie et l’exposition aux flammes.
Et depuis le tournant des années 1989-1990, les résultats sont flagrants. Selon les données officielles, sur le pourtour méditerranéen français, on est ainsi passé de près de 32.500 hectares brûlés chaque année entre 1973 et 1982 en moyenne, à 12.700 sur la période 1993-2002, puis à 8.780 entre 2013 et 2022. « Globalement, dans le Sud-Est français, 97% des feux de forêt sont éteints avant d’avoir atteint cinq hectares », se félicite Éric Grohin, patron des pompiers du Var.
Aux États-Unis, de plus en plus touchés par des « méga-feux » ou « feux extrêmes », les milieux naturels ne sont pas comparables et les pompiers n’y suivent pas forcément la même logique consistant à « frapper vite et fort ».
La majorité des feux dus à l’homme
Mais malgré l’efficacité éprouvée de la stratégie française, appuyée aussi sur des campagnes de prévention, la majorité des départs de feu étant dus à l’homme, de grands incendies frappent encore parfois le Sud-Est.
En août 2021, un sinistre a ainsi dévasté 7000 hectares dans l’arrière-pays de Saint-Tropez, faisant deux morts et entraînant l’évacuation de 10.000 personnes.
« Sur ce feu-là, toute la doctrine a été appliquée », se rappelle pourtant M. Grohin : « On avait à 4 km du feu un hélicoptère lourd bombardier d’eau. On avait deux hélicoptères légers, un avion Dash qui était en l’air et qui est arrivé en sept minutes. On avait deux Canadair pas très loin, une colonne de 60 pompiers à proximité ».
« Mais malgré tous ces moyens, le feu a pris de l’ampleur », attisé notamment par un vent fort, déplore-t-il. « La lutte, c’est extrêmement important pour limiter les feux, pour les éteindre rapidement, mais quand un feu a les caractéristiques d’un feu exceptionnel, il faut de la prévention et il faut rendre les territoires résilients ».
L’année 2022, marquée par une forte sécheresse, « a fait prendre conscience de beaucoup de choses », poursuit-il.
Des incendies ont dévasté 30.000 hectares de végétation en Gironde et touché des régions habituellement plus épargnées, comme la Bretagne. Et depuis, les autorités françaises ont annoncé une augmentation des moyens aériens pour étendre la stratégie méditerranéenne à tout le pays.
Éric Grohin érige en priorité la « défendabilité » des habitations, de plus en plus nombreuses en lisière ou même au milieu de la végétation, et rappelle les critères essentiels : point d’eau, accessibilité, débroussaillement.
? Retour en images sur le lancement de la saison FDF 2023 dans le Var ??
➡️ Retour sur l’importance de la #prévention en complément de la stratégie de #lutte et sur la notion de ⚠️ #défendabilite ? des #habitations.
✅️ Ensemble, soyons tous acteurs de notre sécurité ? pic.twitter.com/dbnr93iENX— Sapeurs-Pompiers VAR (@SDIS83) June 23, 2023
Et pour les arbustes et plantes d’ornementation, mieux vaut par exemple privilégier le pittospore du Japon, peu inflammable, au bambou, très combustible, souligne, dans des guides pratiques consultables sur le site de l’Inrae, la chercheuse Anne Ganteaume.
« Il faut faire en sorte que chaque citoyen soit acteur de sa sécurité », conclut Jean-Luc Beccari.
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