Parmi les innovations récentes dans le traitement des déchets en France, la méthanisation semble être l’une des plus prometteuses. Les types de déchets méthanisables sont en effet nombreux et leur volume potentiellement important.
Les projets à l’échelle locale se sont ainsi multipliés ces dernières années pour gérer et recycler au mieux les déchets à l’aide de cette méthode. D’ailleurs, le volontarisme de l’État français et les dispositifs d’aide existants devraient permettre de développer plus largement cette approche en France.
La méthanisation en France et en Europe
D’après l’Ademe, on comptait en janvier 2016 près de 450 unités de méthanisation en France. Environ la moitié de ces installations sont situées à la ferme contre ; pour l’autre moitié, plusieurs parties prenantes sont impliquées (unités agricoles centralisées, industrielles, de collectivités, etc). On constate un rythme de construction de 50 à 70 unités depuis quelques années, ce qui se situe en dessous des objectifs annoncés par le gouvernement (qui visait l’installation de 100 nouvelles unités par an d’ici à 2020).
Géographiquement, le Grand Ouest (Normandie, Bretagne, Pays de la Loire), la région des Hauts-de-France et de l’Est (Alsace et Lorraine) semblent être les zones les plus dynamiques en matière de méthanisation ; mais sa diffusion s’est répandue de manière assez uniforme sur le territoire métropolitain (sauf en Corse).
À l’échelle de l’Europe, la France est plutôt en retard. L’Allemagne fabrique, par exemple, à elle seule la moitié de la production de biogaz sur le continent (environ 5 000 ktep contre 350 ktep en France en 2013) ; mais son modèle est de plus en plus décrié (utilisation intensive de cultures énergétiques pour atteindre les rendements escomptés et perte de terres agricoles non dédiées au biogaz). D’autres pays, comme la Grande-Bretagne ou l’Italie, sont également plus en avance que la France avec respectivement une production de 1800 et 1 100 ktep. Même les Pays-Bas, pays pourtant quatre fois moins peuplé que le nôtre et doté d’une superficie douze fois moins importante, a une production de biogaz similaire à celle de l’Hexagone !
La France serait cependant le pays le plus prometteur en matière de biogaz en Europe (avec la Grande-Bretagne), notamment par son importante superficie agricole, source de gisements de déchets méthanisables.
Du gaz des marais à la fermentation en cuve
La méthanisation est connue de longue date, les scientifiques s’y étant intéressés dès le XVIIIe siècle, suite à la découverte du gaz des marais. C’est au début du XXe siècle que la première unité de méthanisation voit le jour, à Exeter dans le sud de l’Angleterre où la valorisation de déchets permettra d’éclairer les rues de la ville.
En France, il a fallu attendre les années 1970 pour voir fleurir les premières installations ; mais c’est véritablement depuis le début des années 2010 que la diffusion de la méthanisation s’opère plus largement, notamment avec la loi sur la transition énergétique.
Il s’agit d’un procédé biologique de dégradation de la matière organique par absence d’oxygène. Ce phénomène se produit spontanément par la fermentation naturelle de matières organiques, comme c’est le cas dans les décharges publiques. Pour que la dégradation s’opère, il faut une température élevée afin que les bactéries puissent faire leur travail de façon optimale (entre 37 et 55° de manière générale pour la méthanisation en cuve).
L’innovation réside dans la construction d’unités de méthanisation ; ces dernières permettent d’accélérer la transformation de déchets organiques en énergie utilisable – le biogaz – par l’action de multiples bactéries (au sein d’une cuve appelée « digesteur »). Cette fermentation sans oxygène de déchets dégage un biogaz constitué de méthane (CH4) et de dioxyde de carbone (CO2) ainsi que du digestat (qui est un compost utilisé comme fertilisant). Plus tard, le biogaz est stocké dans une cuve en attendant d’être valorisé en énergie.
Du fumier, des boues, des déchets verts…
Quels sont les déchets au potentiel méthanogène ? Il y en existe beaucoup et l’on peut y distinguer trois grandes familles. Il y a d’abord les déchets agricoles, comme les effluents d’élevage (fumiers, lisiers et fientes) et les résidus de culture (maïs, céréales et colza). Puis les déchets d’industries agro-alimentaires (graisse d’abattoir, mélasse, carcasse d’animaux, etc). Enfin, les déchets ménagers (pelouse, biodéchets des ménages, boues de station d’épuration, etc).
Le pouvoir méthanogène varie très fortement. Le lisier de bovin est ainsi dix fois moins performant en termes de quantité de méthane formé que les graisses de station d’épuration. On sait toutefois qu’environ 100 millions de tonnes de déchets agricoles sont potentiellement méthanisables en France annuellement contre environ 30 millions de tonnes de déchets municipaux et agro-alimentaires, équilibrant les objectifs de rendement.
D’après l’Ademe, le biogaz issu de la méthanisation pourrait fournir 3 % de la production énergétique d’ici à 2030 pour la France, ce qui permettrait de contribuer à réduire notre dépendance vis-à-vis des énergies fossiles.
Pour s’éclairer, se chauffer, se déplacer
Comment utiliser ce biogaz ? Deux grands groupes de valorisation existent : l’électricité et le gaz.
La valorisation en électricité (par cogénération ou par combustion) reste la plus répandue. Elle est largement encouragée par l’État français qui a fixé un tarif d’achat d’électricité attractif pour plusieurs années. Par ailleurs, avec le système de refroidissement des machines, la chaleur peut être récupérée pour ainsi l’injecter dans un réseau de chaleur pouvant chauffer des équipements publics (piscine, collège, etc.) ou des logements.
La valorisation en gaz (après purification par GRDF) permet de le réinjecter dans le réseau de distribution du gaz naturel depuis 2011. Ce biométhane permet de chauffer et sert aussi de carburant écologique pour les véhicules roulant au gaz. Comme pour l’électricité, l’État a fixé un tarif d’achat attractif du gaz.
N’oublions pas le digestat, ce résidu de la méthanisation qui sert généralement d’épandage pour l’agriculteur afin de fertiliser ses sols. Ce digestat peut être valorisé sous forme d’engrais ou de granulés combustibles.
Le carburant de la transition énergétique ?
Le Grenelle de l’environnement et surtout la loi sur la transition énergétique ont encouragé le développement de la méthanisation sur le sol français. Par ses nombreux bénéfices environnementaux, cette technique se positionne comme une innovation prometteuse dans le traitement des déchets. Elle ambitionne d’ailleurs de fournir 10 % de gaz vert dans la consommation de gaz en France à l’horizon 2030.
Mais ce développement territorial se fait parfois dans la douleur. En effet, l’hostilité de certains riverains et habitants aux projets de méthanisation fragilise leur déploiement sur le territoire français. La frilosité des banques à financer la méthanisation est aussi pointée du doigt par certains porteurs de projet.
Pour que cette méthode devienne une réponse viable et durable aux enjeux environnementaux actuels, il faudra répondre de la meilleure manière possible aux freins contestataires.
François Raulin, Ingénieur de recherche à l’Institut du développement territorial (IDéT), Laboratoire Métis EM Normandie, École de Management de Normandie
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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