Plus d’un an après le début de la guerre la plus coûteuse de l’histoire d’Israël, ses dirigeants évaluent son bilan économique, tout en constatant avec prudence quelques bonnes nouvelles.
La guerre a tout bouleversé, de l’agriculture au tourisme en passant par les investissements étrangers et le secteur de la haute technologie dont le pays se targue.
Alors qu’Israël a émergé d’une guerre sur sept fronts comme la force dominante du Moyen-Orient, son économie fait elle aussi preuve de résilience.
Selon la Banque d’Israël, l’économie israélienne a progressé à un taux annuel de 3,8 % au cours du troisième trimestre, bien plus élevé que le taux anémique de 0,3 % du trimestre précédent.
Un indice clé de la bourse de Tel Aviv, le TA-125, a montré le 30 décembre que le marché boursier israélien avait augmenté de plus de 28 % sur l’année et avait atteint un niveau record.
Les achats de logements, qui sont le signe d’une reprise économique, sont en hausse.
Les effets de la guerre sur la haute technologie, qui représente une part croissante de l’économie, une source de fierté pour ce que l’on appelle la « Start-Up Nation » et une clé pour répondre à ses besoins critiques en matière de sécurité, ont suscité de vives inquiétudes.
Un exode des professionnels ?
La haute technologie représente 16 % de l’emploi en Israël, 20 % de sa production économique, plus de la moitié de ses exportations et un tiers de ses impôts sur le revenu.
Les investissements dans le secteur de la haute technologie ont chuté de 30 % au cours de la première année de la guerre, selon un rapport publié par Israel Advanced Technology Industries et l’Institut israélien de recherche et de politique RISE.
Certains professionnels de la technologie, comme d’autres Israéliens qui avaient des options à l’étranger, ont fui le pays après l’attaque dévastatrice du Hamas le 7 octobre 2023. Les entreprises étrangères auraient hésité à investir dans le pays, préférant héberger leurs opérations critiques à l’étranger, là où les aéroports et les bureaux n’étaient pas attaqués par des roquettes.
Mais les rapports financiers de fin d’année ont montré un rebond. Les investissements étrangers en Israël au premier semestre 2024, soit 11,8 milliards de dollars (11,52 milliards d’euros), se sont avérés nettement plus importants que ceux du premier semestre 2023, qui s’élevaient à 7,3 milliards de dollars (7,13 milliards d’euros), sans compter un investissement unique de 15 milliards de dollars (14,65 milliards d’euros) d’Intel dans une nouvelle usine de puces électroniques.
L’exode précoce des professionnels s’est atténué un mois après le 7 octobre 2023. Des signes indiquent que cet exode aurait commencé avant même l’attentat, poussé par les manifestations paralysantes de l’année précédente contre le projet du Premier ministre Benjamin Netanyahu de réformer la Cour suprême en lui retirant la possibilité de déclarer déraisonnables les décisions prises par la Knesset, le parlement israélien.
Les Israéliens de gauche, qui considèrent la Cour comme un frein aux conservateurs du pays, ont porté l’agitation sociale à un niveau sans précédent. Des réservistes, dont des généraux, ont menacé de ne pas se présenter pour accomplir leur devoir militaire. Les sentiments étaient particulièrement forts à Tel Aviv, ville laïque et tournée vers l’ouest, qui constitue le cœur de l’économie technologique israélienne.
Leon Hadar, membre du groupe de réflexion Foreign Policy Research Institute, basé à Philadelphie, estime que les informations alarmantes faisant état d’un exode sont exagérées.
« Lorsque l’économie est en crise, il y a toujours beaucoup d’émigration », a souligné à Epoch Times M. Hadar, qui écrit également pour le journal israélien Ha’aretz, le Business Times of Singapore, le National Interest et d’autres revues. Même parmi les Juifs qui ont émigré en Palestine au début du XXe siècle, avant l’existence de l’État juif, une majorité d’entre eux sont rentrés chez eux.
Certains de ces départs étaient le fait de personnes fortunées qui possédaient également un domicile à l’étranger, faisant la navette entre ce domicile et Israël et qui ont choisi d’y vivre pendant la guerre, a-t-il ajouté.
« Partir n’est pas facile pour la classe moyenne : déplacer une famille, quitter son pays », a-t-il poursuivi. Il a toutefois reconnu que les jeunes célibataires, qui représentent un grand nombre de techniciens, étaient plus mobiles.
Selon le Bureau central des statistiques d’Israël, l’émigration a augmenté de 285 % au cours du mois qui a suivi l’attaque d’octobre 2023, par rapport à la même période en 2022. Montrant l’effet des manifestations, 51 % de plus sont partis de juin à septembre 2023 par rapport à la même période de l’année précédente.
Les départs ont été suffisamment nombreux pour affecter le marché de l’immobilier à Chypre, une destination très prisée. L’arrivée d’Israéliens et de Russes fuyant également la guerre a fait grimper les prix de l’immobilier dans des villes comme Limassol, une destination populaire pour les Israéliens, ce qui a eu pour effet d’évincer certains Chypriotes du marché.
La tendance s’est toutefois rapidement atténuée. Trente mille Israéliens ont quitté définitivement le pays entre novembre 2023 et mars 2024, soit 14 % de moins qu’au cours de la même période de l’année précédente.
Mais l’émigration a augmenté, sans aucun doute. Les démographes israéliens ne considèrent les départs comme définitifs qu’après près d’un an d’absence. De 2021 à 2023, le nombre de départs définitifs a régulièrement dépassé le nombre de départs et retours. Les statistiques montrent qu’un plus grand nombre de ce dernier groupe sont mariés et instruits.
« Israël doit s’assurer que les jeunes élites instruites restent en Israël », a souligné M. Hadar. « Ils apportent à Israël une valeur ajoutée. »
Une partie de ce vide a toutefois été comblée par l’immigration, qui s’est poursuivie, malgré la guerre, dans une nation historiquement bâtie sur la migration.
Trente et un mille personnes ont immigré en Israël depuis le monde entier au cours de l’année qui a suivi le 7 octobre 2023. Ces personnes y ont été poussées par de nombreuses raisons : certains Juifs ont fui les troubles de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, d’autres ont fui les manifestations de rue et l’antisémitisme qu’ils percevaient comme croissant en Europe occidentale, d’autres encore ont voulu manifester leur soutien à leurs coreligionnaires en guerre et certains Israéliens qui vivaient à l’étranger depuis des années sont revenus.
Défis pour l’économie
« Les répercussions économiques ont été très importantes », a confirmé à Epoch Times Eli Sperling, chargé de cours à l’Institut israélien de l’Université de Géorgie.
Selon lui, la mobilisation de plus de 350.000 réservistes – dont la plupart portent encore l’uniforme – qui les a éloignés des emplois et des entreprises, en est une importante. On estime que 60.000 entreprises israéliennes ont fermé en 2024, soit environ 50 % de plus que d’habitude.
« Tant de personnes n’ont pas pu travailler au cours de l’année et demie écoulée », a poursuivi M. Sperling. « L’effet sur l’économie a été considérable. »
Des dizaines de milliers de travailleurs agricoles étrangers ont quitté le pays. Les récoltes ont pourri dans les champs. Des milliers d’autres Palestiniens, qui avaient fait la navette entre Gaza et la Cisjordanie pour travailler en Israël, se sont vus refuser l’entrée sur le territoire.
Les investisseurs étrangers sont devenus méfiants, car les attaques à la roquette lancées par le Hamas ont compromis les voyages aériens à destination et en provenance d’Israël et ont créé des risques pour les employés et les lieux de travail.
Certains investisseurs ont eu peur lorsque l’invasion de Gaza par Israël, à la poursuite du Hamas, a commencé à prendre de l’ampleur et que les manifestations sont devenues quotidiennes sur les campus universitaires américains et dans les villes européennes.
Le tourisme a chuté, ce qui a coûté à Israël environ 5 milliards de dollars (4,9 milliards d’euros) au cours de la première année de la guerre. M. Sperling a dit pouvoir en parler personnellement. Deux voyages d’étudiants de l’UGA en Israël, qu’il devait accompagner, ont été annulés. D’innombrables autres écoles, églises et synagogues ont fait de même.
La fréquentation des hôtels a fortement chuté.
Une partie du ralentissement de l’industrie touristique a toutefois été compensée par le gouvernement, qui a payé des hôtels pour héberger les Israéliens déplacés par les attaques du Hamas dans le sud ou les tirs de roquettes du Hezbollah dans le nord, a ajouté M. Sperling.
En mai 2024, le gouverneur de la Banque d’Israël, Amir Yaron, a estimé que le coût de la guerre entre 2023 et 2025 s’élèverait à 67 milliards de dollars.
Le gouvernement reste confronté à un formidable éventail de problèmes financiers. L’inflation se poursuit, mais moins qu’auparavant. Alors qu’elle était de 5,4 % en janvier 2023, près d’un an avant la guerre, elle n’était plus que de 3,4 % en novembre 2024, selon la Banque d’Israël.
Ce chiffre reste supérieur à l’objectif de 1 à 3 % fixé par le gouvernement et suffisamment élevé pour empêcher une baisse des taux d’intérêt destinée à relancer l’économie.
La croissance s’est ralentie après le début de la guerre, avec une estimation de 1,9 % pour 2024, contre 3,4 % l’année précédente.
La note de crédit d’Israël a été dégradée à deux reprises par Moody’s Investor’s Service – la deuxième fois, de deux crans. Ce déclassement est intervenu en septembre 2024, lorsqu’Israël a intensifié sa guerre contre le Hezbollah. Moody’s prévoit une reprise plus lente qu’après les conflits précédents et « l’escalade significative des risques géopolitiques ».
En février 2024, la note d’Israël s’est effondrée pour la première fois en dessous de A1.
Avec la nouvelle année, les résidents israéliens ont vu la taxe sur la valeur ajoutée, prélevée sur toutes les transactions, passer de 17 à 18 %.
Des éléments intangibles ont peut-être aidé l’économie : la bourse de Tel-Aviv a bondi à la fin du mois de septembre 2024 après la série d’attaques israéliennes stupéfiantes qui a éliminé non seulement les chefs et les dirigeants militaires des groupes terroristes du Hezbollah et du Hamas, mais aussi des milliers d’agents du Hezbollah de niveau supérieur et intermédiaire, blessés ou tués par l’explosion de leurs téléavertisseurs ou de leurs radios portatives.
Bien que ce type de victoires ait un impact négatif sur l’opinion publique dans certains secteurs, M. Sperling a constaté qu’elles « donnent confiance aux grandes entreprises et aux gouvernements du monde entier qui sont depuis longtemps partenaires d’Israël ».
La nouvelle année s’accompagne également de réformes dont le gouvernement espère qu’elles aideront l’économie, telles que la réduction des exigences bureaucratiques qui ralentissent les importations et l’assouplissement de certains monopoles d’importation faisant grimper les coûts des biens de consommation.
Tout en soutenant l’augmentation des dépenses de guerre, le gouvernement doit soutenir d’autres secteurs de l’économie, notamment la haute technologie.
Israël a reculé dans son classement mondial en matière d’IA, passant de la 5e place en 2021 à la 9e place en 2024.
Ses dirigeants du secteur de la haute technologie souhaitent que le gouvernement consacre davantage d’argent à l’enseignement technique afin de permettre au pays de disposer de 23.000 diplômés du secondaire et de 9000 diplômés de l’enseignement supérieur par an d’ici à 2028, contre 13.000 et 7500, respectivement, en 2023.
La guerre a été bénéfique pour les industries liées à la défense et à la sécurité, a poursuivi M. Sperling. « Elles bénéficient d’un coup de pouce financier en temps de guerre. Les nouvelles technologies mises en avant suscitent l’intérêt des investisseurs et des acteurs internationaux. »
L’agriculture pourrait commencer à rebondir, et si c’est le cas, les prix des denrées alimentaires devraient baisser.
En juin, la Thaïlande a annoncé que les travailleurs thaïlandais commenceraient à retourner dans les fermes israéliennes. Près de 30.000 étrangers y travaillaient avant la guerre, dont 10.000 Thaïlandais, dont certains ont été tués ou pris en otage par le Hamas lors de son attaque du 7 octobre 2023.
La Thaïlande a déclaré qu’elle espérait que plus de 10.000p ersonnes puissent retourner en Israël d’ici la fin de l’année. Entre-temps, des travailleurs du Sri Lanka ont commencé à aller travailler en Israël.
Selon M. Sperling, si l’agriculture rebondit, l’économie s’en trouvera stimulée, puisque les importations de denrées alimentaires diminueront.
Le gouvernement espérait que le cessez-le-feu avec le Hezbollah encouragerait la reprise du travail dans les fermes du nord. Il est toutefois trop tôt pour dire si cet espoir se concrétisera, a estimé M. Sperling.
Les habitants du Nord ne savent pas encore si le cessez-le-feu avec le Hezbollah, d’une durée de 60 jours et qui prendra fin le 27 janvier, tiendra suffisamment pour sécuriser les maisons et les entreprises du Nord. Peu de gens font confiance à l’armée libanaise et aux forces de maintien de la paix de l’ONU pour faire face à la présence militaire continue du Hezbollah près de la frontière, qu’ils sont censés contrôler.
Il incombe au gouvernement de montrer des progrès économiques, a insisté M. Sperling. « Le coût élevé de la vie, les bas salaires, le prix élevé des carburants, des voitures, tout se répercute sur l’opinion publique, qui soutient ou non le gouvernement, et sur le vote des électeurs aux prochaines élections. »
Avec Associated Press (AP) et Reuters
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