« Je suis sincèrement navré ». Accusé d’avoir lancé hors de tout cadre réglementaire une grenade qui a éborgné un syndicaliste en 2016, un CRS qui s’en défend a demandé « pardon » le 12 décembre, à l’ouverture de son procès devant les assises de Paris.
Six ans après les faits qui lui valent d’être jugé devant un jury populaire pour le crime de violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, Alexandre M., brigadier-chef âgé de 54 ans, tient à faire une déclaration liminaire.
À la barre, le policier, qui comparaît libre sous contrôle judiciaire, se dit « profondément, sincèrement navré de la blessure gravissime » infligée à Laurent Theron, qui a perdu son œil droit après avoir été atteint par une grenade alors qu’il manifestait contre la loi travail en septembre 2016 à Paris.
« Je lui demande pardon »
Se tournant vers le militant syndical assis à sa gauche sur le banc de la partie civile, l’accusé, costume gris, crâne rasé et fin collier de barbe, ajoute, l’air contrit : « je lui demande pardon ».
Le policier, qui venait de rejoindre sa compagnie de CRS après « vingt ans de police de nuit », dont dix comme chef de brigade, a toujours soutenu un lancer de grenade légitime, soulignant aussi son manque de formation.
Les juges d’instruction qui l’avaient renvoyé devant une cour d’assises, et non devant un tribunal correctionnel comme l’avait demandé le parquet, avaient relevé au contraire un lancer « injustifié », décidé de la « propre initiative » du CRS alors que ni lui ni sa compagnie n’étaient en situation de danger.
Frappé par la grenade, la victime s’écroule
Après une manifestation émaillée de heurts, le cortège d’opposants à la loi travail gagne ce 15 septembre 2016 vers 16h20 la place de la République.
Les manifestants, clairsemés, sont en cours de dispersion quand une demi-heure plus tard, selon des images projetées par la cour, Laurent Theron s’écroule à genoux, atteint par un galet d’une grenade à main de désencerclement (GMD).
Cette arme puissante et réglementée, qui projette 18 petits galets de caoutchouc de 10 g chacun à une vitesse moyenne de 450 km/h, a depuis disparu de l’arsenal du maintien de l’ordre, remplacée par un modèle réputé moins dangereux.
Alexandre M. s’était signalé auprès de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), qui recherchait un policier gaucher auteur d’un lancer de GMD le jour des faits.
Tir interdit par la doctrine d’emploi des GMD
Selon l’enquête, le brigadier-chef s’était emparé de cette grenade lors d’un réapprovisionnement, alors qu’il n’était pas habilité à leur utilisation, et l’avait tirée sans en recevoir l’ordre, ce qui est interdit par la doctrine d’emploi des GMD.
Le CRS a affirmé avoir agi en légitime défense après avoir reçu sur le bras un projectile d’un groupe de manifestants hostiles. Ni les témoins ni les vidéos exploitées n’ont confirmé les dires du brigadier-chef, soutient à la barre le major de l’IGPN chargé de l’enquête, entendu comme témoin dans l’après-midi.
Une enquête « à charge », dénonce la défense
« Nous avons cherché », ajoute-t-il, devant l’insistance de la défense qui lui reproche une enquête exclusivement « à charge ». L’accusé sera interrogé sur les faits ultérieurement.
Revenant sur son parcours jusqu’à ce qu’il qualifie de « triste affaire », Alexandre M. met en avant avec assurance sa « maîtrise de (soi) » et son souci de protection. « J’aime aider les gens », répète l’accusé, suscitant quelques réactions outrées dans le public, où se sont massés d’un côté de la salle des soutiens du syndicaliste, de l’autre ceux du policier.
Contrôleur de gestion dans une radio dans ses jeunes années, Alexandre M. avait intégré la police à l’âge de 28 ans, y gravissant les échelons jusqu’à devenir brigadier-chef. Il avait demandé sa mutation dans une compagnie de CRS pour « changer d’horizon » et par « attrait financier ».
Depuis sa mise en examen et son placement sous contrôle judiciaire avec interdiction de porter une arme et d’exercer sur la voie publique, Alexandre M. est affecté au service de maintenance de sa compagnie de CRS. Son procès est prévu jusqu’à mercredi.
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