Kostis Angelou zigzague entre ses chèvres brûlées par l’incendie, hébété au milieu des arbres calcinés. « Je suis perdu », soupire l’éleveur, « j’en peux plus ».
Les 372 têtes du troupeau de cet éleveur grec gisent sur les deux versants de la colline noircie.
La route cabossée conduit, à 1.300 mètres d’altitude, à ce qu’il reste d’une forêt dévastée par les feux de forêt qui ont ravagé pendant plus d’une semaine le nord de l’île d’Eubée, la deuxième plus grande de Grèce.
Dans un silence mortel, seules les feuilles séchées bruissent sous la brise.
Au pied des troncs sans vie reposent les corps éventrés de bêtes calcinées, figées, dans une nuée de mouches et une odeur écœurante.
Un cimetière à ciel ouvert
Entre les branches dénudées et les arbres noircis apparaît ici une corne, là une mâchoire. Un cimetière à ciel ouvert sur un tapis de cendres.
Là, au milieu de la forêt, Kostis Angelou, 44 ans, a survécu par miracle en passant des heures sous un tuyau d’eau, entouré par les flammes. « Un saint m’a sauvé », confesse-t-il.
Ce mercredi, ses yeux hagards, enfoncés dans son visage, fixent la désolation.
Il s’accroupit devant le spectacle funeste, prend sa tête dans ses mains : « Qu’ils les enterrent, je ne veux plus les voir ».
Cet éleveur a quitté l’école à l’âge de douze ans. Depuis, il s’occupait de ses bêtes, l’un des nombreux troupeaux qui peuplent le nord-est d’Eubée, dans l’est de la Grèce. « Plus de trente ans, 365 jours par an », précise cet homme mince.
« Tout recommencer du début »
« Il faut que mon cœur se calme, je dois tout recommencer du début », chuchote-t-il. Et tenter de préserver l’héritage familial car « ça fait 50 ans » que son père travaille pour avoir « un tel troupeau » : « s’il vient ici, il va s’évanouir ».
Ce dernier, Spyros Angelou, 73 ans, encaisse effectivement mal le choc.
« On est finis, qu’est-ce que tu veux qu’on fasse », demande le vieil homme, attablé dans la cour de sa maison.
Ses mots s’articulent douloureusement. « J’ai grandi avec ces bêtes, moi », dit-il à l’AFP.
« Les pins ont brûlé, les champs ont brûlé, les bêtes ont brûlé. On va avoir faim. Qu’est-ce qu’on va manger ? Comment on va vivre ? », se lamente-t-il.
« Je suis perdu de toute façon »
Niché dans les collines, le hameau de Kerasia est entouré de paysages brûlés. Les flammes se sont arrêtées aux portes de l’école primaire et les rues escarpées ont été sauvées par les habitants.
Le fils Angelou est lui aussi père, d’un garçon de 11 ans. Mais il espère un avenir différent pour lui.
« Mon fils avait l’habitude de m’accompagner partout dès qu’il avait le temps. Mieux vaut qu’il ne s’occupe jamais de l’élevage et qu’il trouve un autre métier », lâche-t-il.
La transmission de génération en génération pourrait s’arrêter là.
Une commission est venue constater les dégâts afin d’évaluer les dédommagements promis par les autorités grecques. L’éleveur devrait obtenir une aide pour chacune des bêtes ayant péri.
« Je suis perdu de toute façon », conclut le jeune éleveur dans un profond désespoir.
Dans le paysage vallonné, quelques petits travaux de réhabilitation ont commencé. « Les maisons se reconstruisent facilement, la nature c’est une autre histoire », soupire Kostis Angelou.
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