ENTRETIENS EPOCH TIMES

Jean-Baptiste Leon : « La protection sociale dans son ensemble fait l’objet d’un tabou »

janvier 23, 2025 13:09, Last Updated: janvier 23, 2025 15:08
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ENTRETIEN – Un an après le succès du documentaire Trois mille milliards : les secrets d’un État en faillite, vu par 3 millions de personnes sur YouTube, Contribuables Associés a sorti en décembre un nouveau film sur les dépenses consacrées à la protection sociale. Cette fois-ci, l’association entend alerter les Français sur ce qu’elle qualifie de « grande omerta ». Jean-Baptiste Leon, directeur des publications de Contribuables Associés revient pour Epoch Times sur ce deuxième documentaire.

Epoch Times : Quel était l’objectif de Contribuables Associés en faisant ce film ?

Jean-Baptiste Leon : Nous avons sorti en 2023 le documentaire : 3000 milliards, les secrets d’un État en faillite, qui a été un très grand succès. Ce dernier a été regardé par plus de 3 millions de personnes sur YouTube, ce qui est tout à fait remarquable pour une vidéo d’une heure et quarante minutes consacrée à la dépense publique.

Ce nouveau film sur la protection sociale est en réalité la suite du premier puisqu’en France, la moitié des dépenses publiques sont des dépenses sociales. Nous avons donc voulu y regarder de plus près.

Le documentaire pointe du doigt les années 1980 comme origine des dérives de la protection sociale. Sous François Mitterrand, les dépenses sociales ont-elles explosé ?

Oui. Les réformes sur l’âge de départ à la retraite, le temps de travail ont fait que les Français ont travaillé moins. Par conséquent, il y a eu de moins en moins d’argent pour nourrir un système qui devenait accro à la dépense sociale.

Quand on se penche sur les chiffres, on constate que nous dépensons plus que les autres pays de l’OCDE pour des services publics de moins en moins performants. Pendant longtemps, on nous a vanté la qualité de l’hôpital public français, ce qui était vrai jusqu’au début des années 2000. Mais depuis une vingtaine d’années, le système public français, dans son ensemble, est en pleine déliquescence, et notamment au niveau de la santé.

Les premiers jalons de ce déclin n’ont pas été visibles tout de suite, mais ont été posés dans les années 1980 : le temps de travail a été réduit, une première fois sous François Mitterrand (39 h au lieu de 40 h), ensuite sous Lionel Jospin (35 h), et l’âge légal de départ à la retraite a été abaissé en 1983 : 60 ans au lieu de 65 ans auparavant.

Ainsi, il y a eu moins d’argent dans les caisses pour financer un système de plus en plus coûteux. Ce qui est logique puisque l’espérance de vie a beaucoup progressé, et à la fin de notre vie, notre santé est fragile et donc les soins sont plus coûteux.

Le sujet des dépenses de santé est abordé dans le film. La santé est-elle, selon vous, la branche de la protection sociale faisant l’objet de plus de « tabous » ?

Je pense que c’est la protection sociale dans son ensemble qui fait l’objet d’un tabou. C’est la raison pour laquelle nous avons opté pour un titre choc : Protection sociale : la grande omerta. La fraude sociale en est un exemple.

Néanmoins, je me réjouis que la sphère politique parle de plus en plus des dérives du financement de la protection sociale de manière générale.

Le directeur de Contribuables Associés, Benoît Perrin, déclare dans le film au sujet des retraites que « le système par répartition est déjà mort », ajoutant que les cotisations sociales représentent seulement « 65 % du financement de la retraite, les impôts 15 % et les subventions de l’État, des Collectivités locales et des autres branches de la Sécurité sociale, 20 % ». Par quoi faudrait-il le remplacer ?

Nous ne sommes pas obligés de le remplacer, mais on peut le compléter comme l’ont fait beaucoup d’autres pays.

Nous allons sortir en février une note avec l’économiste Sébastien Laye sur la retraite par capitalisation. L’idée étant d’expliquer aux Français le fonctionnement de ce système, son efficacité à l’étranger et en quoi il pourrait représenter une solution pour nos futurs retraités.

Aujourd’hui, le système par répartition ne fonctionne plus parce qu’il y a de moins en moins de cotisants, et de plus en plus de retraités. Pour régler le problème, il n’y a pas des centaines de solutions : soit on s’endette encore plus ; soit on baisse le montant des pensions ; soit on cotise plus longtemps.

Par ailleurs, deux éléments sont rarement évoqués sur les retraites : la capitalisation qui pourrait être ajoutée au système par répartition. Puis, cette inégalité dans le traitement des pensions entre les salariés du secteur public et du secteur privé, qui ne partent pas à la retraite selon les mêmes conditions. Les modes de calcul sont moins bons pour le privé et l’État subventionne énormément les retraites des fonctionnaires. Notons que les caisses complémentaires du privé sont, elles, bien gérées, mieux que celle du public, à tel point que l’État veut mettre la main dessus.

Les actes de fraude sociale se sont multipliés ces dernières années et les organismes en charge de cette traque sont peu motivés, rapporte Contribuables Associés dans la vidéo. Il est donc difficile de chiffrer cette fraude aujourd’hui ?

Nous commençons à avoir des chiffres depuis deux ans. Des rapports sur le sujet ont également été publiés. D’ailleurs, en 2023, lorsqu’il était ministre délégué en charge des Comptes publics, Gabriel Attal avait lancé un plan de lutte contre la fraude sociale.

Mais les chiffres officiels sont sans doute minorés. Et dans notre documentaire, la sénatrice de l’Orne Nathalie Goulet en explique la raison : ceux qui détectent la fraude sont les mêmes que ceux qui versent les prestations sociales.

On ne peut pas demander à des organismes de type CAF, CPAM, etc. de verser de l’argent aux Français, et de les contrôler, voire de les sanctionner en même temps. Ce n’est pas dans leur culture.

C’est pourquoi, à Contribuables Associés, nous prônons la création d’un office national anti-fraude indépendant des autres organismes et disposé à lutter efficacement contre ce fléau. Il est temps d’agir. Il y a un gisement d’économies considérables en la matière.

« On a aujourd’hui massivement dans la société, l’idée qu’il y a une grande cagnotte et quand le politique veut, il a juste à brancher la pompe et arroser », analyse le sondeur Jérôme Fourquet dans le long-métrage. La protection sociale a engendré une forme de déresponsabilisation ?

Effectivement ! Et comme le dit Jérôme Fourquet, cette tendance s’est accélérée avec la crise sanitaire. Il est très difficile de changer cet état d’esprit. Bruno Le Maire affirmait en 2017 que la France était droguée à l’argent public. Il n’avait pas tort mais il n’a en rien désintoxiqué le pays. Huit ans après, la situation a empiré…

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