ENTRETIEN – L’avocat, essayiste et président de l’Institut de Recherches Économiques et Fiscales (IREF) Jean-Philippe Delsol décrypte l’actualité internationale pour Epoch Times.
Epoch Times : Jean-Philippe Delsol, le 28 février, Donald Trump et J.D. Vance ont eu une discussion très tendue avec Volodymyr Zelensky. Qu’en avez-vous pensé ?
Jean-Philippe Delsol : Certains ont apparemment confondu la politique et le spectacle ! Ce qui est inquiétant, puisque la politique est une affaire sérieuse : il s’agit de l’avenir des nations.
Il est tout à fait normal qu’il y ait des différents entre les chefs d’État, plus particulièrement en temps de guerre. Cependant, ce qui s’est passé dans le Bureau ovale entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky est tout simplement inacceptable.
Donald Trump n’a-t-il pas cherché à rendre des comptes à son électorat ? Lors de la campagne présidentielle, il avait promis de régler le conflit russo-ukrainien rapidement.
Le candidat Trump avait promis tout et n’importe quoi. Il avait notamment garanti qu’il mettrait un terme au conflit en une journée ! Malheureusement, il devait assumer cette fausse promesse. D’où l’échange houleux entre lui et son homologue ukrainien, la semaine dernière.
Maintenant, je comprends que le président américain soit un partisan de la paix et qu’il veuille essayer de l’obtenir malgré les difficultés.
Mais cela ne doit pas se faire au détriment de ses alliés ! Un chef d’État se doit de respecter ses alliés. Et il trompe les Américains quand il parle du montant de l’aide financière octroyée à l’Ukraine. Il évoque 300 milliards de dollars, mais la somme réelle est bien moins élevée.
Par ailleurs, en procédant de cette manière, le président Trump fait croire à son peuple que cette dépense a été vaine. En réalité, il renie les engagements de l’Amérique, ce qui est très grave. Il a d’autant plus tort de se comporter de la sorte qu’au départ, il avait soutenu l’Ukraine.
Puis, quand il affirme aujourd’hui que l’argent envoyé à l’Ukraine n’a pas été utile, cela n’engage que lui puisque la situation sur le terrain n’est pas aussi claire qu’il le prétend : les Russes peinent à gagner du terrain et l’Ukraine démontre qu’elle sait s’organiser et se battre.
Ainsi, l’Amérique, par les propos de Donald Trump, perd en crédibilité.
Mardi soir, à l’occasion de son premier discours devant le Congrès en tant que 47e président américain, Donald Trump a réaffirmé sa volonté de prendre le contrôle du Groenland, déclarant que ce dernier allait rejoindre les États-Unis « d’une manière ou d’une autre ». Pensez-vous que ce genre de propos le desserve ?
Je pense que ça le desservira. Il y a aujourd’hui outre-Atlantique une espèce de « folie MAGA » qui est d’ailleurs probablement née en réponse à la folie du wokisme. Mais je crains que cette réaction ne se révèle aussi stupide que l’idéologie d’extrême gauche qu’elle veut, à juste titre, combattre.
Vous avez publié sur le site de l’IREF le 23 février un article en réaction au discours de J.D. Vance à Munich intitulé : « Les excès du Trumpisme le desserviront : le discours contre-productif de J.D. Vance à Munich ». « Mais s’il veut [Donald Trump], comme son égo l’y pousse et comme l’ont fait Thatcher et Reagan, convaincre le monde de le suivre et y mettre son empreinte, il faudra qu’il sache respecter ses amis naturels malgré leurs erreurs », avez-vous écrit. Pour vous, y a-t-il un risque que l’Amérique se retrouve isolée ?
À mon sens, l’Amérique payera très cher les excès de Donald Trump. Je le regrette puisque tout n’est pas à jeter dans le trumpisme. Il y a par exemple des politiques intéressantes mises en œuvre en matière de réduction du poids de l’État fédéral et, d’une manière générale, de réduction des dépenses publiques, comme en matière de lutte contre le wokisme.
Mais incontestablement, sur la scène internationale, le président américain va jeter un doute durable sur la parole et l’action des États-Unis.
Il n’est donc pas l’héritier du conservatisme reaganien ?
Il n’a rien à voir avec l’héritage du conservatisme reaganien sur le plan international.
En son temps, Ronald Reagan, contrairement à ce qu’il avait promis, avait endetté l’Amérique et engagé des dépenses publiques relativement significatives. Mais c’était parce que la Guerre froide battait son plein et qu’il a alors considéré, à juste titre, que pour vaincre le totalitarisme soviétique, il fallait être plus fort que lui.
C’est la raison pour laquelle il a lancé une « course » aux dépenses militaires avec les Soviétiques, tout en sachant que ces derniers ne pouvaient pas suivre. In fine, Ronald Reagan a mis à genoux l’URSS.
Contrairement au président Trump, l’ex-gouverneur républicain avait une politique étrangère claire. Cela étant, je note des rapprochements idéologiques entre Donald Trump et Ronald Reagan sur leur vision de l’État fédéral.
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