Théâtrale ou mutine, sa voix jonglant des tonalités les plus graves aux plus caressantes, étrange presque dans sa robe noire, Juliette Gréco, très grande dame de la chanson française morte mercredi, nourrissait avec son public une relation fusionnelle, quasi-charnelle.
« Un public, c’est comme un amant. Il faut y aller tout doux, tout doux… C’est des milliers de caresses, d’approches, de larmes, de doutes, d’incertitudes », confiait-elle. « Mon public je ne sais pas qui c’est (…) Je sais simplement que je donnerais tout au monde et je donne tout pour qu’il ou qu’elle m’aime ».
Mais « cet acte d’amour, dans tous les sens du terme », était « un acte de terreur » à l’heure d’entrer en scène.
DISPARITION. La chanteuse et actrice Juliette Gréco est morte à l’âge de 93 ans. On la retrouve en 1966, inoubliable interprète de « Jolie môme » chanson écrite par Léo Ferré. Depuis la mort de Charles Aznavour, elle était la doyenne de la chanson française. pic.twitter.com/KSowo8OXYC
— Ina.fr (@Inafr_officiel) September 23, 2020
En 2015 sa tournée d’adieux à la scène
« C’est un truc magique, en même temps qu’un métier d’une cruauté, d’une exigence fantastiques. C’est complètement fou. Pour monter sur scène, il faut être inconscient ».
Pour Gréco, qui avait lancé en 2015 sa tournée d’adieux à la scène afin de « partir debout », chaque récital était précédé de gestes rituels comme l’installation dans sa loge d’ours en peluche et d’une petite carte qui parlait du Temps des Cerises et dont elle ne se séparait jamais.
« Je suis très superstitieuse », affirmait-elle.
Sous le ciel de Paris s’envole Juliette Greco ?pic.twitter.com/cFeGvREW7A
— Claire Underwood (@ParisPasRose) September 23, 2020
Elle chantait comme on dit un poème
Le visage fardé, les yeux soulignés d’un trait de khôl, coiffée de manière immuable, Juliette Gréco se vêtait pour la scène d’une éternelle robe noire. Ainsi, estimait-elle, « on verra juste le plus important que j’ai à offrir, c’est-à-dire d’abord mes chansons et mes textes et mes mots et mes mains et ma tête ».
De fait, sur scène, Gréco ne se déplaçait pas. Ses mains, seules, voletaient autour de son visage, revenaient se poser sur le micro, puis reprenaient leur envol, presque à la manière d’un mime. Elle chantait comme on dit un poème.
La palette de son jeu était large depuis des chansons légères, sensuelles, mutines comme « Déshabillez-moi », un incontournable, jusqu’à d’autres comme « J’arrive », dialogue avec la mort où la violence, théâtrale, éclatait dans toute sa puissance.
Chanteuse et actrice, muse des poètes et de Saint-Germain-des-Près de l’après-guerre, Juliette Gréco vient de s’éteindre à l’âge de 93 ans.#CulturePrime pic.twitter.com/BFOB2dbVSF
— france•tv arts (@francetvarts) September 23, 2020
Incarnait la culture française
Pour elle, l’interprétation n’était « pas inscrite dans le marbre ». « C’est inscrit dans l’émotion, dans la vie, dans le sang ». « Parce que moi je pose ma main sur le corps de l’autre quand je chante », racontait-elle.
Les mots étaient essentiels pour cette femme insensible aux modes. « Je dois aimer les mots pour les chanter. La musique vient après », disait la chanteuse qui se voulait avant tout interprète, citant avant chaque morceau le nom de l’auteur et du compositeur.
Elle fit, dans l’après-guerre, connaître les mots que de jeunes poètes alors inconnus avaient écrit pour elle: Raymond Queneau, Jacques Prévert, Boris Vian, Robert Desnos, parmi d’autres.
A l’étranger, la voix sensuelle de « la muse de Saint-Germain-des-Prés » incarnait la culture française.
Triste nouvelle #JulietteGreco vient de nous quitter !
Parlez-moi d’amour
Redites-moi des choses tendres
Votre beau discours…Parlez-moi d’amour 1967https://t.co/nSMn95RfsV pic.twitter.com/7bwZ3fyXdo
— La femme merveilleuse invisible (@larwoolf) September 23, 2020
« Nous avions une passion et une folie commune. »
Au début des années 2000 de jeunes compositeurs, comme Miossec, Benjamin Biolay ou le rappeur Abd Al Malik, lui ont offert à leur tour des mots, et des chansons cousues main. Grâce à eux, la chanteuse est remontée sur scène, intacte.
« On manque de monstres! », déplorait-elle alors. « Nous étions singuliers, Barbara, Catherine Sauvage… Nous étions toutes différentes. Nous avions une passion et une folie commune. On voulait que les gens entendent ce que l’on avait à dire. » Elle s’inquiétait: « Aujourd’hui, toutes les chanteuses se ressemblent », puis s’interrogeait: « Elles ont des jolies voix mais au service de quoi ? ».
Focus sur la Chine – une série d’explosions à Pékin
Le saviez-vous ?
Epoch Times est un média indépendant, différent des autres organisations médiatiques. Nous ne sommes influencés par aucun gouvernement, entreprise ou parti politique. Notre objectif est d’apporter à nos lecteurs des informations factuelles et précises, en étant responsables envers notre lectorat. Nous n’avons d’autre intention que celle d’informer nos lecteurs et de les laisser se faire leur propre opinion, en utilisant comme ligne directrice les principes de vérité et de tradition.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.