Le conservatisme de la Cour suprême des Etats-Unis, cimenté par Donald Trump, s’est clairement manifesté cette semaine, avec un recul sur le droit à l’avortement. Va-t-elle récidiver sur d’autres sujets ? Comment les démocrates vont-ils réagir?
La Cour suprême s’est abritée jeudi derrière des questions de procédure pour refuser de suspendre une loi du Texas, entrée en vigueur la veille, qui interdit la plupart des avortements dans cet Etat.
Cette décision, prise à une courte majorité de cinq juges sur neuf, « représente un virage à droite net » pour la haute Cour, estime Steven Schwinn, professeur de droit à l’université de l’Illinois.
Solidifier la majorité conservatrice de la Cour
Même si « elle ne s’est pas prononcée sur le fond », elle a « court-circuité » son arrêt emblématique Roe v. Wade de 1973 qui a reconnu le droit des femmes à avorter, souligne-t-il.
Pour lui, une telle issue aurait été impossible il y a encore un an, quand la championne féministe Ruth Bader Ginsburg siégeait au sein du temple du droit américain. Son décès, en septembre 2020, a permis à Donald Trump de solidifier la majorité conservatrice de la Cour en nommant, pour la troisième fois de son mandat, un juge partageant ses valeurs.
Cette nouvelle majorité a d’abord donné des gages de son indépendance, refusant de suivre le républicain dans sa croisade contre le résultat de l’élection.
La Cour suprême des Etats-Unis reviendra-t-elle sur le droit à l’avortement ? 46 ans après l’arrêt emblématique « Roe v. Wade », la Cour est au centre d’une offensive tous azimuts menée par les Etats conservateurs contre les IVG https://t.co/Pa2scJiY8O @Cplantive #AFP pic.twitter.com/wDSsHTfpgE
— Agence France-Presse (@afpfr) May 18, 2019
Elle a ensuite lentement entamé un tournant avec une série de décisions protectrices des libertés religieuses par exemple, mais en présentant « des arguments légaux sophistiqués qui semblaient apolitiques » et ont « servi de couverture », remarque Tracy Thomas, directrice du centre de droit constitutionnel à l’université d’Akron.
« Le rideau est tombé » avec le dossier texan, dit-elle à l’AFP. Les Américains ont clairement vu que le processus de décision des juges « est influencé par leur opinion politique, leur environnement, leur système de croyance ».
Diluer l’influence des conservateurs
La Cour examinera prochainement une loi du Mississippi qui interdit d’avorter après 15 semaines de grossesse, soit six à huit semaines plus tôt que ce qui est autorisé aujourd’hui. Elle rendra cette fois une décision argumentée et en profitera pour « restreindre drastiquement les droits posés dans Roe v. Wade, voire pour complètement l’annuler », prédit Steven Schwinn.
Élève brillante, élevée dans une communauté chrétienne charismatique, mère de sept enfants, anti-IVG…
➡ Qui est Amy Coney Barrett, la juge élue à vie à la Cour suprême des Etats-Unis ? > https://t.co/ctoj8qHQjn pic.twitter.com/ndn09eYWTL— Le Parisien (@le_Parisien) October 27, 2020
Elle s’est également saisie d’une loi new-yorkaise contestée par le lobby des armes à feu et pourrait invalider les régulations qui limitent le port d’armes dans certaines villes ou Etats.
Au-delà de ces sujets sensibles, « la Cour est aussi active dans le domaine du droit administratif (…) et pourrait changer tout notre système de régulation » avec des implications très larges pour les entreprises, l’environnement, etc…, remarque Tracy Thomas.
Pour elle, cette Cour « veut laisser sa marque sur le droit » et « est la plus interventionniste depuis des décennies ».
Plusieurs voix à gauche réclament depuis des mois une réforme de la Cour et plaident pour augmenter le nombre de juges, afin de diluer l’influence des conservateurs.
chaosDescription du chaos du monde:Cour suprême des Etats-Unis : chant du cygne ou de triomphe pour Donald Trump ?Publié parlettreelectronique 3 novembre 2020 Laisser un commentairesur :Cour suprême des Etats-Unis : cha.. https://t.co/e83nNTIqSr
— Baumann joel nachshon (paumond joel) (@JoelNachshon) November 3, 2020
Initialement « pas fan » de l’idée, le président Joe Biden a finalement mis sur pied une commission d’experts chargée d’étudier les différentes options. Elle doit rendre ses préconisations avant la fin de l’année.
Augmenter le nombre de sièges
Plusieurs scénarios sont possibles juridiquement, « la question est de savoir s’ils sont sages sur le plan politique », relève Tracy Thomas. Le risque, en augmentant le nombre de sièges, « c’est que le prochain parti au pouvoir fasse de même ensuite » et que la Cour devienne pléthorique.
L’idée d’imposer une limite aux mandats des juges, qui servent aujourd’hui à vie, semblent rencontrer plus d’écho. « Ce n’était pas une option considérée comme viable il y a quelques années », mais le dossier texan « a servi de goutte d’eau » et renforcé le désir de changement, ajoute l’universitaire.
Le président démocrate, jusqu’ici prudent dans ses commentaires au sujet de la haute Cour, s’est d’ailleurs fendu d’un communiqué assassin, l’accusant d’avoir provoqué « un chaos inconstitutionnel » et « insulté l’état de droit ».
La minorité de blocage dont disposent les sénateurs républicains limite toutefois ses marges de manœuvre et Steven Schwinn juge peu probable d’avoir « prochainement une réforme d’envergure ».
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.