Star planétaire de la haute couture, Karl Lagerfeld, mort mardi à l’âge de 85 ans, a su réinventer avec brio la maison Chanel depuis plus de 30 ans tout en se forgeant son propre personnage, célèbre pour son allure mais aussi pour ses formules percutantes et controversées.
Cheveux blancs tenus par un catogan, lunettes noires, hauts cols de chemise amidonnés, doigts couverts de bagues et débit de mitraillette: parfois surnommé le « Kaiser », le couturier allemand à l’allure de marquis rock n’roll était reconnaissable entre tous. À la fois narcissique et champion de l’autodérision, loquace et mystérieux, cet habile communicant ne craignant jamais la controverse aimait jouer avec ce qu’il appelait lui-même son image de « marionnette ».
Quand il avait perdu 42 kg en 2000, il affirmait que c’était pour être « un bon cintre » et entrer dans la garde-robe du styliste Hedi Slimane, alors chez Dior. Derrière ce personnage à la dent souvent dure se cachait un homme intuitif, sachant mieux que personne capter l’air du temps. Comme en 2004 quand il avait dessiné une collection pour le géant suédois du prêt-à-porter H&M, une démarche ensuite imitée par de nombreux créateurs.
« C’était le dernier grand génie qui s’éteint de la période d’Yves Saint Laurent. Il pouvait être méchant, il cultivait ça et il pouvait aussi être très généreux », rappelait mardi Nathalie Rykiel, fille et héritière de Sonia Rykiel, sur RTL. Né à Hambourg, Karl Lagerfeld aimait entretenir le mystère sur sa date de naissance. Pour plusieurs titres de la presse allemande, s’appuyant sur des documents officiels, il avait vu le jour le 10 septembre 1933. Il affirmait quant à lui être né en 1935, indiquant que sa « mère avait changé la date », dans une interview à Paris-Match en 2013.
Il vit une enfance aisée mais ennuyeuse au fin fond de la campagne dans l’Allemagne nazie, entre un père industriel globe trotter, et une mère à forte personnalité, grande lectrice et peu maternelle, qui lui donne le goût de la mode. Il dessine des robes en rêvant de Paris, où il débarque à l’adolescence.
En 1954, il gagne le concours organisé par le Secrétariat de la Laine, ex-aequo avec Yves Saint Laurent, avec qui il se lie d’amitié puis se brouille irrémédiablement. Le couturier Pierre Balmain l’engage: Lagerfeld restera trois ans dans cette maison avant de devenir directeur artistique de Jean Patou.
Au début des années 1960, il entame une carrière de styliste indépendant, travaillant pour plusieurs maisons à la fois. « Je suis le premier qui s’est fait un nom avec un nom qui n’était pas le sien. Je dois avoir une mentalité de mercenaire », disait-il. De 1963 à 1984, il est aux manettes de la griffe parisienne Chloé. Depuis 1965, il était aussi le directeur artistique de la maison romaine Fendi, passée entre temps dans le giron du groupe de luxe LVMH.
Pour le grand public, le nom de Lagerfeld reste indissociable de Chanel. Quand il entre en 1983 rue Cambon, la maison de couture est vieillissante. Avec lui, elle redevient jeune et désirable. Pendant plus de 30 ans, il réinvente la griffe à chaque saison, jouant avec ses codes, à commencer par le fameux tailleur. Homme de son temps, il signe des défilés aux mises en scène surprenantes et spectaculaires, reconstituant un supermarché, une galerie d’art, une rue… qui font un tabac sur les réseaux sociaux.
Il a « contribué à faire de Paris la capitale mondiale de la mode », a estimé mardi Bernard Arnault, PDG du géant du luxe LVMH. Sa propre griffe, lancée en 1984, connaît des fortunes diverses. Redevenue florissante depuis quelques années, elle commercialise gadgets et accessoires à son effigie: il est devenu un logo. Le couturier s’illustre aussi par ses collaborations avec différentes marques (Wolford, Diesel, Volkswagen, Coca-Cola…).
Boulimique de travail « je n’ai jamais pensé à la retraite », disait-il en février, enchaînant les collections, Karl Lagerfeld avait aussi la passion de la photographie. C’est lui qui signait les campagnes Chanel. Les livres occupaient également une place prépondérante dans sa vie: il possédait entre 250.000 et 350.000 ouvrages, selon des estimations parues dans la presse, répartis dans ses différentes demeures. Lui que sa mère forçait à apprendre chaque jour une page de dictionnaire était un amoureux de la littérature du XVIIIe notamment et du début du XXe.
Ces deux passions se retrouvent en 1999 lorsqu’il fonde sa propre maison d’édition et librairie « 7L » qui édite des ouvrages sur l’architecture, la photo ou des auteurs qu’il aime. Amateur d’art, il avait vendu aux enchères en 2000 et 2003 deux de ses collections du XVIIIe siècle (3,54 millions d’euros) et d’art décoratif (1,1 million d’euros).
Le couturier, qui a eu aussi maille à partir avec le fisc, laisse à l’en croire une riche héritière derrière lui, sa chatte adorée Choupette, qui a plus de 48.000 abonnés sur Twitter: « Elle a sa propre petite fortune. L’argent des pubs qu’elle a faites est mis de côté. Choupette est une fille riche ».
D.C avec AFP
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