La Chine cherche à influencer les élections européennes, avertit un rapport tchèque

Près de 400 millions d'électeurs européens se rendent aux urnes cette semaine pour choisir les législateurs qui les représenteront au Parlement européen

Par Dorothy Li
7 juin 2024 19:54 Mis à jour: 16 juin 2024 19:39

L’État-parti chinois est devenu « de plus en plus sophistiqué et actif » dans ses efforts d’influencer les élections et l’élaboration des politiques européennes, met en garde une étude tchèque.

« La Chine, bien que plus récente que la Russie en matière d’ingérence électorale en Europe, est de plus en plus sophistiquée et active dans ses tentatives d’influencer par divers moyens les élections et les prises de décision européennes, notamment dans les domaines de l’influence politique, de la manipulation de l’information, de la corruption et de l’espionnage », souligne le récent rapport de l’Association for International Affairs, un groupe de réflexion basé à Prague.

Ce rapport est paru quelques jours avant les élections au Parlement européen. Près de 400 millions d’électeurs européens se rendent aux urnes du 6 au 9 juin pour choisir les législateurs qui les représenteront au Parlement européen au cours des cinq prochaines années.

Les résultats des élections pourraient « remodeler le paysage politique, entraînant potentiellement un changement d’attitude envers la Chine et une réticence à affronter les défis posés par l’ingérence étrangère dans les processus démocratiques », indique le rapport rédigé par Kara Nemeckova et Ivana Karaskova. Mme Karaskova a été conseillère spéciale de Vera Jourova, vice-présidente de la Commission européenne chargée des Valeurs et de la Transparence.

L’attitude de Bruxelles est devenue cruciale pour le régime chinois dans un contexte de tensions croissantes dans ses relations avec Washington. La Chine communiste « a besoin d’accéder au marché européen pour stimuler sa croissance économique », note le rapport. « Le maintien de l’accès au marché n’est pas seulement crucial pour la vente de marchandises, mais aussi pour l’accès aux technologies européennes qui sont vitales pour le progrès technologique de la Chine. »

La direction du Parti communiste chinois (PCC) pense également que l’Union européenne (UE) pourrait s’aligner plus étroitement sur ses intérêts géopolitiques si ce bloc de 27 pays se distançait des États-Unis, indique le rapport.

L’éventail « toujours plus large » de techniques d’intervention électorale

Au cours de la dernière décennie, Pékin a recouru à des interventions cybernétiques dans « pas moins de dix élections dans sept pays distincts », principalement dans la région Asie-Pacifique, selon une étude réalisée en 2020 par l’Australian Strategic Policy Institute. Le PCC a cherché à pirater les bases de données des électeurs, à s’introduire dans les serveurs des parlements ou à mener des attaques par spearphishing contre les candidats et le personnel des campagnes électorales afin de recueillir des informations, ont constaté les analystes tchèques.

D’après leur rapport, le régime chinois « dispose d’une expertise de plus en plus sophistiquée et d’un sens opérationnel de plus en plus aigu, ce qui donne à penser qu’il cherche activement à influencer les élections et la prise de décision en Europe ».

La politique de Pékin se base sur un éventail « complexe et toujours plus large » de techniques, allant de l’exercice d’une influence politique par le biais de dialogues entre partis à la « manipulation d’informations, en passant par des actes de corruption et d’espionnage ».

Dans un cas très médiatisé, le régime chinois a averti que Milos Vystrcil, président du Sénat de la République tchèque, paierait un « lourd tribut » pour avoir visité le Taïwan démocratique en août 2020.

Milos Vystrcil, président du Sénat tchèque, prononce un discours devant le parlement taïwanais à Taipei, capitale de Taïwan, le 1er septembre 2020. (Sam Yeh/AFP via Getty Images)

Groupe de pirates informatiques chinois APT31

Parmi les récentes révélations, on peut citer les cyberattaques de grande ampleur menées par un groupe soutenu par le Parti communiste chinois et identifié comme APT31. Selon les procureurs américains, pendant plus d’une décennie, ces pirates ont ciblé un large éventail de fonctionnaires, de législateurs et d’entreprises à travers le monde du fait qu’ils étaient jugés critiques à l’égard de l’État-parti chinois.

Les responsables américains affirment que le cyberespionnage chinois vise tous les membres de l’Union européenne de l’alliance interparlementaire sur la Chine – une alliance de parlementaires de l’ensemble des pays démocratiques ayant comme objectif de créer une réponse coordonnée face à la Chine en matière de commerce mondial, de sécurité et de droits de l’homme.

En plus de faire pression sur les législateurs, le régime chinois a cherché à façonner l’opinion publique européenne par le biais de campagnes de propagande sophistiquées dans les médias traditionnels et sur les plateformes de médias sociaux, indique le rapport. Il cite une étude réalisée en 2022 par Sarah Cook, experte indépendante spécialisée sur la Chine, qui souligne que le PCC s’est engagé dans des campagnes de plus en plus vastes pour promouvoir la rhétorique alignée sur ses intérêts.

Ceux qui œuvrent dans les intérêts du PCC s’efforcent de « présenter le régime autoritaire chinois comme bénin », de « promouvoir la Chine comme un modèle de gouvernance et de gestion de l’information dans les pays en développement » et « d’encourager l’ouverture aux financements et aux investissements chinois », a écrit Mme Cook dans l’étude publiée dans le Journal of Democracy.

Ces gens utilisent également les plateformes médiatiques pour supprimer les critiques des politiques intérieures du régime ainsi que des activités des entités liées à la Chine à l’étranger et « pour obtenir le soutien des décideurs politiques étrangers à la position du régime » sur des questions telles que Hong Kong, Taïwan, le Xinjiang et le Falun Gong, a-t-elle écrit.

L’UE « particulièrement vulnérable »

Le rapport tchèque cite une prévision publiée en janvier par le Conseil européen des relations étrangères, qui suggère que les groupes d’extrême droite pourraient être les grands gagnants des élections européennes de 2024. Le groupe parlementaire Identité et Démocratie (ID) devrait augmenter sa représentation de 59 à 98 sièges et devenir le troisième plus grand groupe politique au Parlement européen.

Selon le rapport tchèque, le PCC s’est efforcé de s’associer à des forces de droite européenne, auparavant marginalisées, dans le but d’accroître son influence sur l’élaboration des politiques de l’UE.

Le parti allemand Alternative pour l’Allemagne (AfD), qui faisait auparavant partie du groupe ID au Parlement européen, a envoyé une délégation de haut rang en Chine en juin 2023 en réponse à une invitation officielle. La codirigeante de l’AfD, Alice Weidel, qui parle couramment le mandarin, a passé près d’une semaine à Pékin et à Shanghai, accompagnée de Peter Felser, porte-parole de l’AfD en matière de politique étrangère, et de Petr Bystron, candidat aux élections européennes.

Le parti allemand a fait les gros titres ces dernières semaines lorsqu’un assistant de son membre du Parlement européen a été arrêté à la suite d’accusations d’espionnage en faveur de la Chine.

Les procureurs allemands ont accusé l’assistant de longue date de l’eurodéputé Maximilian Krah d’avoir transmis les discussions et les décisions de l’assemblée à une agence de renseignement du régime chinois. Ce collaborateur travaillerait également pour les services secrets du régime et espionnerait les dissidents chinois en Allemagne, ont indiqué les autorités dans un communiqué daté du 22 avril.

À la suite des accusations d’espionnage pour la Chine et aux commentaires controversés de M. Krah sur l’organisation SS (Schutzstaffel) du régime national-socialiste d’Hitler, M. Krah a annoncé le 22 mai qu’il cessait sa campagne pour les élections européennes et qu’il se retirait de la direction de l’AfD.

Le 23 mai, l’AfD a été éjecté de l’ID. Par la suite, l’AfD a demandé de devenir un membre « non inscrit », ce qui signifie qu’il n’appartiendra plus à l’un des groupes politiques reconnus au sein du Parlement européen.

Maximilian Krah, membre du Parlement européen pour le parti allemand AfD, s’adresse à ses partisans à Dresde, en Allemagne, le 1er mai 2024. (Maja Hitij/Getty Images)

Le rapport révèle que les politiciens de droite ne sont pas les seuls à être courtisés par le PCC, mais que les représentants des partis de gauche le sont également.

Un exemple donné dans le rapport parle de l’engagement régulier du PCC avec le leader du parti allemand Die Linke (La Gauche) qui suit une ligne politique antilibérale et prône un socialisme démocratique. Ce parti est membre du Groupe de la Gauche au Parlement européen et devrait gagner des sièges lors des élections de cette semaine.

En même temps que Liu Jianchao, chef du Département international du Comité central du PCC, s’est rendu en Allemagne en octobre 2023, Martin Schirdewan, président de Die Linke, a rencontré le haut diplomate chinois à Berlin.

Selon le rapport, le travail du Département international vise à « promouvoir les intérêts fondamentaux de la politique étrangère » de l’État-parti chinois, tels que « l’isolement international de Taïwan, la lutte contre les critiques internationales concernant le Tibet et le Xinjiang, et la promotion des revendications territoriales dans la mer de Chine méridionale », tout en légitimant le règne du Parti sur le plan national et l’accroissement de son contrôle sur le plan international.

D’après le site web du Département international, M. Schirdewan a également envoyé des félicitations au PCC qui a célébré son centenaire en juillet 2021.

« Le Parlement européen semble particulièrement exposé aux risques de sécurité », peut-on lire dans le rapport tchèque. Bien que ces questions fassent l’objet d’une attention croissante, « les résultats des élections de juin pourraient conduire à un cadre politique différent, qui pourrait ne pas être prêt à relever les défis découlant de l’ingérence étrangère dans les processus démocratiques ou à se montrer critique envers la Chine ».

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