La loi nationale sur la santé mentale – une loi qui aurait fait couler beaucoup d’encre en 2013 – était censée mettre fin à une pratique barbare en Chine : l’enfermement des opposants, des pétitionnaires et des importuns par la police dans des établissements psychiatriques mieux décrits comme des prisons de l’enfer.
Un nouveau rapport de l’organisation non gouvernementale Safeguard Defenders montre que le problème persiste et que les victimes ne sont pas protégées.
Le terme « Ankang », qui signifie « paix et bonne santé » en chinois, voilà le terme utilisé pour nommer le système dans lequel la police peut faire interner de force des personnes sans effectuer la moindre évaluation psychiatrique. L’Ankang a vu le jour dans les années 1980 sous la forme d’établissements de détention psychiatriques spéciaux gérés par la police et opérant en dehors du système traditionnel de santé mentale. Ces établissements continuent de fonctionner encore aujourd’hui, même s’ils ont changé de nom depuis.
Une fois interné dans un établissement, il est presque impossible d’en sortir. Certaines victimes croupissent à l’intérieur pendant des années sans avoir jamais eu de problèmes de santé mentale – elles y ont été amenées car les autorités ont trouvé qu’il était commode de les faire disparaître en tant que citoyens problématiques. À l’intérieur, les victimes ne bénéficient même pas des protections les plus élémentaires, contrairement aux centres de détention ou aux prisons.
Le nouveau rapport dresse la carte des 109 institutions de ce type dans 21 provinces chinoises. Il révèle que deux tiers des personnes enfermées par la police n’ont jamais reçu d’évaluation psychiatrique initiale. La plupart des victimes identifiées étaient soit des dissidents, soit des pétitionnaires – des épines de longue date dans le pied des autorités locales.
Les pétitionnaires, souvent originaires des villes aux alentours ou des campagnes, ont porté leurs doléances à Pékin ou dans les capitales provinciales face à une certaine injustice. Leur plainte est souvent liée au fait que les administrations locales ont volé leurs terres pour en tirer un profit rapide. Ils mettent les autorités dans l’embarras. Ces mêmes autorités locales emploient une légion d’agents chargés de surveiller les gares, de maintenir des bureaux à Pékin ou de gérer des « prisons noires ». [Les prisons noires sont des hôtels, des appartements, des caves ou des bureaux désaffectés transformés en prisons illégales par les pouvoirs locaux, ndlr.] Les pétitionnaires y sont détenus avant d’être ramenés de force dans leur ville natale. Pour ceux qui refusent de se désister, ces installations d’Ankang sont le dernier recours. Contrairement à l’arrestation et à l’emprisonnement, l’enfermement dans un établissement psychiatrique laisse peu de traces écrites, et la victime n’a aucun droit.
Une fois enfermée dans un établissement d’Ankang, la victime n’a que peu ou pas de chances d’en sortir, quel que soit son état de santé. Les médecins à l’intérieur sont soit forcés de coopérer, soit ils le font volontairement ; malgré cette subtile différence, le résultat est le même.
Le rapport montre à quel point les violations commises à l’intérieur de l’établissement peuvent être graves, allant de la médication forcée aux coups, en passant par le fait d’être attaché à des lits pendant des périodes prolongées ou la thérapie par électrochocs. La plupart des victimes sont privées de visites ou de contacts avec leur famille et leurs amis. Pour beaucoup, cela ne dure pas des semaines ou des mois, mais des années, et il n’est pas rare que des personnes passent plus de dix ans dans de tels établissements.
Dans des cas plus rares, tout de même 10% des cas recensés, des membres de la famille coopèrent en réalité avec la police pour faire interner les victimes contre leur gré, alors qu’elles ne représentent aucun danger pour elles-mêmes ni pour les autres.
Dong Yaoqiong a attiré l’attention du monde entier après avoir éclaboussé d’encre une affiche de propagande du dirigeant chinois Xi Jinping. Deng Fuquan est un ancien soldat qui a déposé une plainte contre le refus d’indemnisation pour le traitement des blessures subies lors de son service dans l’Armée populaire de libération. Song Zaimin a apporté publiquement son soutien à Guo Wengui, un critique du Parti communiste chinois (PCC). Li Tiantian, une jeune fille, a soutenu publiquement un professeur qui a été puni pour avoir appelé ses étudiants à remettre en question les récits historiques officiels établis par le PCC.
Chacun d’entre eux a fini à Ankang.
Il existe bien une loi sur la santé mentale stipulant clairement que personne ne peut être interné sans une évaluation psychiatrique initiale appropriée. Et pourtant la police peut de toute évidence placer des personnes en incarcération psychiatrique sans jamais avoir à s’en soucier. Les victimes, gardées au secret une fois enfermées, n’ont aucun moyen de faire appel ou de lutter contre une telle violation de la loi. Et on peut supposer, après les abus, que les victimes peuvent même perdre toute envie de se battre, même si elles le pouvaient.
Le seul moyen d’être libéré est d’obtenir des autorités le droit sortir. Mais pourquoi le feraient-elles à moins qu’on fasse tout ce qu’elles demandent (voire plus) ?
L’Ankang est une relique du passé trouble de la Chine et n’a pas sa place sur terre aujourd’hui. Il serait plus juste que ce système se nomme « enfer » et non « paix et bonne santé ».
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