La Chine en 2025 : un problème en « 3D »

La nouvelle série de droits de douane imposée par l'administration Trump n'est pas le principal problème économique que rencontrera la Chine en 2025. La démographie, la dette et la déflation sont en cause

Par Panos Mourdoukoutas
3 janvier 2025 16:59 Mis à jour: 3 janvier 2025 17:39

La nouvelle série de droits de douane américains sur les produits chinois imposée par la future administration Trump ne devrait pas être le problème économique le plus important de Pékin en 2025, car les entreprises chinoises pourraient les contourner en réaffectant leur production dans des pays asiatiques à faible coût de production. Il s’agit plutôt d’une liste de problèmes structurels comprenant trois D – la démographie, la dette et la déflation – qui menacent de pousser la Chine vers une stagnation prolongée, en comptant les décennies perdues, comme l’a fait le Japon en essayant de faire face à des problèmes similaires depuis le début des années 1990.

« Il ne fait aucun doute que les entreprises chinoises feront preuve d’une grande créativité pour tenter de contourner les droits de douane promis par le président Trump », a souligné dans un courriel adressé à Epoch Times Timothy D. Calkins, analyste financier agréé et codirecteur des investissements chez Nottingham Asset Management, basé à New York.

« Il faut s’y attendre et une coordination internationale – volontaire ou forcée – sera nécessaire pour lutter contre ces tentatives. »

Le docteur Ryan M. Yonk, économiste à l’Institut américain pour la recherche économique, pense qu’une guerre commerciale prolongée entre les États-Unis et la Chine exacerberait la faiblesse économique intrinsèque de la Chine, mais n’en serait pas à l’origine.

« La mise en œuvre des droits de douane sur les produits chinois au niveau suggéré par le président élu Donald Trump, quoique susceptible de nuire à l’industrie manufacturière chinoise et à la croissance économique globale, fait pâle figure face aux problèmes économiques structurels majeurs auxquels la Chine est confrontée depuis une décennie », a-t-il indiqué par courriel à Epoch Times.

Démographie

La démographie, notamment la chute des taux de mariage et de natalité, figure en tête de liste des problèmes structurels. Selon Statista.com, le nombre de mariages déclarés est tombé à un niveau record de 4,8 nouveaux mariages pour 1000 habitants en 2022, soit plus de 50 % de moins que 10 ans auparavant.

Comme prévu, la baisse du nombre de mariages a été suivie d’une baisse similaire du taux de natalité, qui a atteint un niveau historiquement bas en 2022. Cette diminution s’ajoute au faible taux de natalité enregistré depuis des décennies du fait de la politique de l’enfant unique en vigueur dans le pays.

La baisse prolongée du taux de natalité a entraîné un vieillissement rapide de la population, ce qui s’est traduit par une diminution de la population active du pays, qui est passée de 800 millions en 2015 à 768 millions en 2023.

Cette évolution a engendré différents problèmes pour l’économie chinoise.

« Les changements démographiques se traduisent par une diminution de la main-d’œuvre, une augmentation des pressions sur les services sociaux et des vents contraires pour la croissance à long terme », a expliqué dans un courrier électronique à Epoch Times Shawn DuBravac, PDG de l’Institut Avrio.

En outre, la diminution de la main-d’œuvre rend plus difficile pour l’économie chinoise de surmonter le tournant de Lewis. Dans cette situation, les économies de marché émergentes manquent de main-d’œuvre supplémentaire pour alimenter leurs industries gourmandes en personnel, limitant ainsi les chances pour l’Empire du Milieu de se hisser au rang de pays développé.

« La Chine sera le premier pays de l’histoire à vieillir avant de s’enrichir. Les marchés se contracteront à mesure que les coûts augmenteront – les personnes âgées ayant besoin de soins de santé et d’autres coûts associés pour lesquels les gouvernements provinciaux sont mal préparés », a souligné, dans un courriel adressé à Epoch Times, Usha Haley, titulaire de la chaire W. Frank Barton à l’International Business & Kansas Faculty of Distinction à l’Université d’État de Wichita.

« Des années de politique de l’enfant unique, et de préférence pour les garçons, ont faussé les caractéristiques de la population, notamment la répartition par sexe. »

Le Parti communiste chinois (PCC) l’a bien compris, en plaçant le problème démographique en tête de son programme politique. « La question démographique est apparue clairement aux observateurs extérieurs et au PCC depuis au moins une décennie, et le PCC a fait de nombreuses tentatives pour augmenter les taux de natalité afin de corriger les échecs des politiques passées », a ajouté M. Ryan.

Toutefois, ces politiques n’ont pas encore donné de résultats significatifs. « Malgré ces changements, la réalité démographique chinoise laisse une population nombreuse et vieillissante et moins de travailleurs actifs capables de soutenir l’économie et le système de protection sociale », a-t-il poursuivi.

Dette

L’endettement vient ensuite sur la liste des problèmes structurels chinois. Officiellement, la dette chinoise est faible, 83,6 % du PIB, bien en deçà des 255,20 % du Japon, 122,30 % des États-Unis et 87,40 % de la zone euro.

Officieusement, le montant de la dette chinoise reste incertain puisque le gouvernement – central, provincial et local – est largement propriétaire des banques, des entreprises de construction, de fabrication et d’exploitation minière, ainsi que des fonds de pension. Ce réseau de propriété étatique fait du gouvernement à la fois le prêteur et l’emprunteur, puisqu’une branche du gouvernement prête de l’argent à une autre branche.

Il existe néanmoins des estimations non officielles. Par exemple, Reuters évalue la dette chinoise à plus de 250 % du PIB, tandis que Statista.com la porte à 297 %. Ces estimations éclipsent celles des États-Unis et de la zone euro et sont proches de celles du Japon.

Par ailleurs, le double rôle du gouvernement en tant que prêteur et emprunteur concentre les risques de crédit au lieu de les disperser, augmentant ainsi le risque d’un effondrement systémique comme la crise grecque de la dernière décennie.

Déflation

Le troisième problème structurel est la déflation, qui prend deux formes. La première est la déflation des prix de gros, comme le montre la chute vertigineuse de l’indice des prix à la production (IPP), qui est passé de 114,30 en mai 2022 à 105,5 en octobre 2024.

La déflation des prix de gros indique une concurrence excessive due à l’imitation entre les entreprises et les secteurs, qui exerce une pression sur les prix et les bénéfices et limite les investissements privés et la croissance.

Ensuite, la déflation des actifs, comme le montre la baisse de la valeur des biens immobiliers et des actions. Les prix moyens des logements neufs dans 70 villes chinoises ont diminué pour atteindre un taux annuel de 5,9 % en octobre 2024, après un recul de 5,8 % en septembre. Il s’agit du 16e mois consécutif de baisse et du rythme le plus rapide depuis avril 2015.

Le fonds iShares China Large-Cap ETF (FXI) a, quant à lui, perdu près de 27 % au cours des 5 dernières années, pendant lesquelles le S&P 500 a progressé de 86 %.

Les trois problèmes structurels que connaît la Chine ne sont pas indépendants les uns des autres. Une dette importante a été utilisée pour financer les achats immobiliers, gonflant les prix des appartements et empêchant les jeunes d’acheter un logement et de fonder une famille. La dette est donc l’une des causes de la baisse du nombre de mariages et du taux de natalité, qui sont au cœur du problème démographique chinois.

Ces trois problèmes ont un impact négatif sur les dépenses à la consommation, et pourraient nuire aux efforts déployés par le pays pour passer d’une économie axée sur l’investissement à une économie de consommation, comme l’ont fait d’autres économies de marché émergentes lors de leur transition vers le statut de pays en voie de développement.

« Ces problèmes, combinés aux effets négatifs habituels des économies planifiées, des réglementations généralisées et de la gestion inadéquate des industries clés par les dirigeants du PCC, indiquent tous que la Chine a des fondamentaux économiques globalement faibles. L’augmentation des droits de douane américains aggravera les difficultés économiques, mais n’en sera pas la cause principale », a expliqué M. Yonk, économiste à l’Institut américain de recherche économique.

Le Japon a rencontré ces problèmes pendant les trois dernières décennies, malgré le règlement de ses différends commerciaux avec les États-Unis dans les années 1980, et n’a pas encore renoué avec une croissance durable.

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