La « dé-extinction » du mammouth et d’autres espèces est possible, selon une société de génie génétique, qui prévoit d’y parvenir d’ici trois ans

Certains experts recommandent toutefois la prudence et anticipent des conséquences inattendues

Par Allan Stein
23 décembre 2024 23:49 Mis à jour: 24 décembre 2024 15:11

Une société de génie génétique basée au Texas, qui s’est donné pour tâche de recréer artificiellement des espèces disparues, a annoncé avoir réalisé des percées technologiques notables et être sur le point d’atteindre son objectif. Certains experts recommandent toutefois la prudence.

La société, Colossal Biosciences, a annoncé qu’elle était sur le point de ressusciter le mammouth laineux, une espèce d’éléphant arctique qui a disparu il y a des millénaires, grâce à de l’ADN intact.

Si tout se passe comme prévu, le monde pourrait voir ses premiers éléphanteaux hybrides mammouth laineux-éléphant génétiquement modifiés d’ici 2028.

« La préservation moderne [de la Nature] fonctionne. C’est juste qu’elle ne fonctionne pas à la vitesse à laquelle nous détruisons la planète », a déclaré le PDG de Colossal, Ben Lamm, un entrepreneur en biotechnologie qui a fondé l’entreprise avec le pionnier de la génomique George Church en 2021.

En tant que responsable de la biologie synthétique à l’Institut Wyss de l’Université de Harvard, G. Church est connu comme le « père de la biologie synthétique ».

Il a mis au point une technologie permettant de synthétiser des gènes et des génomes entiers « de manière beaucoup plus rapide, plus précise et moins coûteuse que les méthodes actuelles », selon l’institut.

En 2013, l’organisation à but non lucratif Revive & Restore a organisé la première réunion publique sur l’utilisation de la biotechnologie pour recréer des espèces disparues.

G. Church a élaboré un plan appelé « Woolly Mammoth Project » (Projet mammouth laineux) visant à créer un mammouth génétiquement modifié à l’aide d’un éléphant d’Asie et à le réintroduire dans la nature.

Selon Ben Lamm, le mammouth laineux serait bénéfique pour l’écosystème de l’Arctique, où l’animal vivait avant que la surchasse n’entraîne son extinction, il y a environ 4000 ans.

L’ADN du mammouth laineux est resté intact dans les restes récupérés, même après avoir été congelé dans la toundra. Selon M. Lamm, grâce aux progrès du génie génétique, le retour de la créature est désormais possible.

« La plupart des technologies existent. Nous devons innover et l’améliorer considérablement », dit M. Lamm. « Le défi consiste à la faire fonctionner à l’échelle que nous souhaitons. »

Recréer génétiquement des espèces disparues, ce que M. Lamm appelle la « dé-extinction », évoque des images tout droit tirées de Jurassic Park.

Une réplique génétique du tigre de Tasmanie (Thylacine), un prédateur de premier ordre disparu il y a près d’un siècle, figure sur la liste des espèces en voie d’extinction de l’entreprise pour la prochaine décennie.

La méthode ne relève pas du clonage, mais consiste à reproduire un animal éteint à l’aide de matériel génétique réel et synthétique, précise l’entreprise.

The Tasmanian Tiger was at the top of Australia's natural food chain until the species went extinct due to overhunting in 1936. (Courtesy of Colossal Biosciences)
Le tigre de Tasmanie était au sommet de la chaîne alimentaire naturelle de l’Australie jusqu’à la disparition de l’espèce en 1936 dûe à la surchasse. (Crédit photo: Colossal Biosciences)

En utilisant l’ADN préservé de l’animal, Colossal affirme avoir reconstitué 99,9 % du génome du Thylacine, ne laissant que 45 lacunes dans la séquence des protéines.

L’objectif est de fabriquer un Thylacine presque identique qui pourrait être relâché dans le paysage de Tasmanie.

M. Lamm explique qu’il s’agira d’un projet étroitement surveillé, qui bénéficiera de l’apport de divers acteurs gouvernementaux et locaux.

En octobre, la société a annoncé de « nombreux succès » dans le cadre du projet.

« Nos équipes font des progrès scientifiques incroyables et sont en bonne voie pour la dé-extinction du Thylacine », a déclaré M. Lamm dans un communiqué.

Beth Shapiro, la directrice scientifique de la société, est également directrice du laboratoire de paléogénomique de l’UCSC. Elle rapporte que les échantillons de Thylacine utilisés pour le génome de référence de Colossal font partie des spécimens anciens les mieux conservés.

Dans un communiqué, elle déclare qu’il est « rare de disposer d’un échantillon qui permette de repousser à ce point les limites des méthodes d’analyse de l’ADN ancien ».

« Nous avons obtenu un génome ancien record qui accélérera notre projet de dé-extinction du Thylacine. »

M. Lamm précise que la société a choisi comme mère porteuse un petit marsupial connu sous le nom de dunnart à queue grasse.

L’entreprise, dont le chiffre d’affaires s’élève à 1,7 milliard de dollars, travaille également sur des utérus artificiels qui permettraient d’éviter de recourir à des mères porteuses pour porter à terme des espèces éteintes.

L’équipe de 17 personnes a récemment annoncé qu’elle était parvenue à prendre des embryons unicellulaires fécondés et à les cultiver jusqu’à la moitié de la grossesse dans un utérus artificiel.

Des implications difficiles à prévoir

Les sceptiques estiment que ces efforts de dé-extinction détournent les ressources allouées à la protection des espèces menacées et équivalent à manipuler la Nature au niveau génétique.

Même si la technologie fonctionne comme prévu, ses implications sont difficiles à prévoir, avertissent certains experts.

« En tant qu’experts, nous n’excluons pas que la dé-extinction soit un outil de conservation de la biodiversité [et] une occasion de réintroduire des espèces éteintes [faune et flore indigènes] « , a déclaré Megan Fabian, directrice du bureau national de l’Australian Wildlife Society (Société australienne de protection de la Nature).

« Toutefois, nous devrions prendre en considération de nombreux facteurs, tels que les implications juridiques et légales, les mutations spécifiques réduisant l’aptitude des espèces, les impacts liés aux agents pathogènes, la localité, les implications de la liste rouge et du statut des espèces, ainsi que les trajectoires d’évolution naturelle », a-t-elle déclaré à Epoch Times.

Elle rapporte qu’en 2016, l’Union internationale pour la conservation de la Nature (UICN) a noté que presque tous les programmes de neutralisation des espèces en voie d’extinction doivent encore répondre à d’autres critères pour être acceptés par l’UICN.

« Par conséquent, bien que la dé-extinction puisse être un outil bénéfique pour la conservation de la biodiversité, des recherches supplémentaires seraient nécessaires pour s’assurer que les résultats de ces programmes fonctionneront et auront effectivement un impact positif sur la biodiversité », ajoute-elle.

Facing extinction are well-known and iconic species such as elephants, hippos, all species of rhino, European bison, and Indian water buffalo. (Nieuwenhuisen/iStock)
Des espèces bien connues et emblématiques telles que les éléphants, les hippopotames, toutes les espèces de rhinocéros, les bisons d’Europe et les buffles d’Inde sont menacées d’extinction. (Nieuwenhuisen/iStock)

Julie Old, biologiste et immunologiste spécialiste des marsupiaux à l’université Western Sydney, en Nouvelle-Galles du Sud (Australie), a déclaré que la résurrection génétique d’espèces disparues comportait de nombreuses inconnues.
« Je ne suis pas une experte en translocation. Cependant, je pense que de nombreux défis associés au transfert de mammifère dans son aire de répartition d’origine posent des problèmes logistiques », confie-t-elle à Epoch Times.

« Il s’agit notamment du risque de maladie, de la garantie de la diversité génétique, du choix de l’habitat et du site appropriés, de la garantie d’un abri adéquat, de la nourriture, de la quantité nécessaire, des espèces qu’ils pourraient manger [et] de l’eau. »

« Plus précisément, qu’en est-il des autres animaux déjà présents dans la région ? Quel pourrait être l’impact de leur transfert sur ces animaux? Il s’agira vraisemblablement d’un changement du prédateur de premier ordre dans leur habitat. »

« Y a-t-il d’autres animaux susceptibles d’être menacés ? Le transfert de diables de Tasmanie sur les îles de Tasmanie a entraîné une réduction considérable du nombre de petits pingouins. »

Selon elle, les scientifiques en savent peu sur le comportement des animaux disparus et sur leurs besoins.

« Comment va-t-on leur apprendre à chasser ? La capture des proies a été un problème lors des transferts de grands félins », a-t-elle déclaré. « Nous ne savons pas grand-chose non plus de leur écologie : quelle est la taille du domaine vital dont ils ont besoin ?

« Le manque de connaissances sur leur domaine vital signifie que nous ne savons pas combien il faut en relâcher dans une zone spécifique, et il est évident que différents habitats peuvent abriter différents nombres d’individus, mais nous ne disposons pas de ces informations. »

Selon M. Lamm, les détracteurs de cette technologie ne voient peut-être pas l’intérêt de la dé-extinction, qui consiste à créer une « boîte à outils » génétique pour réparer les dommages causés par l’homme à la Nature.

« Nous essayons de nous concentrer sur les espèces pour lesquelles l’homme a joué un rôle dans leur disparition », a déclaré M. Lamm.

« Notre tâche n’est pas vraiment de persuader les détracteurs. C’est plutôt d’éduquer les gens. Nous avons ce modèle qui consiste à se rapprocher des critiques plutôt qu’à s’en éloigner. Ce modèle nous a bien servi. »

Il a ajouté qu’il irait même jusqu’à rendre les animaux disparus supérieurs aux originaux.

Selon Lamm, les herpèsvirus des éléphants (EEHV) tuent environ 20 % des éléphanteaux chaque année.

« Nous voulons concevoir nos mammouths de manière à ce qu’ils n’aient pas cette maladie ou qu’ils soient résistants au virus de l’herpès de l’éléphant », a-t-il indiqué.

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