« La destruction d’EDF, drame absolu, a été structurée, voulue et obtenue », estime Henri Proglio, ancien PDG d’EDF (2009-2014). Ces propos choc, le dirigeant d’entreprise français les a tenus lors du séminaire de la fondation Res Publica organisé le 29 mars sur le thème « L’avenir de la filière nucléaire française », dont l’exposé a été publié cet été sur son site Internet. Cet évènement faisait suite à son audition explosive, en décembre dernier, à la commission d’enquête de l’Assemblée nationale « visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France ». Retour sur les moments clés de ces interventions durant lesquelles il pointe du doigt les facteurs responsables, selon lui, du démantèlement de la filière nucléaire française.
De Jospin à Macron
Pour M. Proglio, deux causes majeures expliquent la déroute monumentale du fleuron national : l’Union européenne et la complicité du gouvernement français. Après avoir rappelé que l’objectif de l’État à partir de 1946 était d’aider la France à acquérir sa souveraineté énergétique — elle était, à cette époque, presque entièrement dépendante de ses importations en la matière pour subvenir à ses besoins — et qu’au début du XXIe siècle, l’électricité française produite et exportée était deux fois moins chère que la moyenne européenne, il a daté les débuts de la destruction du système à partir du gouvernement de Lionel Jospin (PS), dès 1997, avec l’abandon de la filière des réacteurs à neutrons rapides.
Elle s’est ensuite poursuivie, en 2003, avec le lancement de la contribution au service public de l’électricité (CSPE), une taxe énergétique ajoutée directement sur les factures des consommateurs d’électricité français. Initialement destinées à moderniser l’outil nucléaire, les milliards d’euros de recettes sont finalement utilisées à 80%-90% pour financer les énergies renouvelables. En plus d’augmenter la facture du contribuable, l’argent collecté par EDF et reversé à l’État, qui le transférait aux « heureux bénéficiaires », n’était donc pas remboursé par ce dernier, donnant ainsi lieu à un combat acharné entre les deux acteurs, loin des enjeux prioritaires du nucléaire.
Le coup le plus dur pour la filière française vient, en revanche, en 2010 avec la loi NOME (Nouvelle organisation du marché de l’électricité), promulguée par le gouvernement de Nicolas Sarkozy sous pression de Bruxelles. Signant sa mise sous concurrence, cette législation contraint EDF à vendre, sans contrepartie, 25% de sa production à ses concurrents, c’est-à-dire des « fournisseurs alternatifs » créés pour l’occasion. « J’ai assisté à ce spectacle, je me suis débattu, j’ai fait part de mon indignation au gouvernement. « La concurrence ! La concurrence ! », fut la seule réponse que j’obtins. De concurrence il n’y en a pas, il n’y a que nous qui produisons. Les autres vendent notre production à nos clients. « La concurrence va faire baisser les prix ! » Non, cela ne va pas faire baisser les prix », se souvient, amer, l’ancien PDG d’EDF.
« La réglementation européenne depuis 10 ans ne vise que la désintégration d’EDF »
Durant son audition à l’Assemblée, Henri Proglio, par ailleurs, précisait : « Pour couronner le tout, il fallait définir un prix de marché qui a été indexé sur le prix du gaz. Pourquoi, alors qu’on n’en utilise pas ? Parce que les Allemands utilisent le gaz et que toute la démarche est allemande et que la réglementation européenne est allemande ».
Rappelant que l’économie outre-Rhin s’articule principalement autour de son industrie, il souligne que leur transition écologique, financée à hauteur de 600 milliards d’euros dans le renouvelable sur les 1000 milliards d’euros investis par l’ensemble des pays européens, s’est avérée une « catastrophe absolue ». Aussi, il fait valoir : « Comment voulez-vous que ce pays qui a fondé sa richesse, son efficacité, sa crédibilité sur son industrie accepte que la France dispose d’un outil compétitif aussi puissant qu’EDF à sa porte ? L’obsession des Allemands depuis 30 ans, c’est la désintégration d’EDF. Ils ont réussi ! » Une manœuvre menée par le biais de l’Union européenne : « Toute la réglementation européenne depuis 10 ans ne vise que la désintégration de l’entreprise EDF. » Et d’ajouter, un peu plus tard : « Je ne vois pas pourquoi la France ne prend pas l’initiative, comme l’Espagne et le Portugal, de sortir du marché européen de l’énergie. »
Henri Proglio rappelle ensuite quelques dates qui ont suivi, notamment 2011 et « la formidable campagne de communication de Fukushima avec les 20.000 morts qui n’ont jamais existé puisqu’on a confondu le tsunami et l’accident ». Ou encore 2012 : la campagne présidentielle avec l’annonce de la fermeture de 28 réacteurs nucléaires, qui s’est transformée par l’engagement de fermeture de Fessenheim (et fermée sous Emmanuel Macron), mais aussi l’abaissement à 50 % de la part du nucléaire dans le mix électrique, un chiffre élaboré… « totalement au doigt mouillé », révèle-t-il. Une affaire qui a entraîné une baisse des efforts de recherche, des difficultés de recrutement, un affaiblissement global du système. De vrais problèmes car l’heure est à la prévoyance du nouveau nucléaire et, rappelle l’ancien PDG d’EDF, la France ne dispose plus des profils, du savoir-faire nécessaire sur l’ensemble de la filière « du fait que nous n’avons plus construit de centrales depuis vingt ans ».
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