La patronne du FMI, Kristalina Georgieva, paraissait affaiblie à son poste de directrice générale de l’institution vendredi, après des accusations révélées la veille sur des pressions exercées sur ses équipes, lorsqu’elle dirigeait la Banque mondiale, pour modifier un rapport en faveur de la Chine.
Les pays membres du FMI « devront dire s’ils estiment qu’elle doit rester à ce poste », a déclaré à l’AFP le prix Nobel d’économie Paul Romer.
Cet ancien chef économiste de la Banque mondiale reproche à Mme Georgieva d’avoir voulu dissimuler des désaccords sur la méthodologie d’un rapport, qui l’avaient poussé à démissionner de l’institution de développement en janvier 2018.
Le conseil d’administration du FMI, qui s’était déjà réuni jeudi à la demande de Kristalina Georgieva, avait à son agenda une réunion vendredi, mais l’ordre du jour était un examen de l’économie indienne.
Favoriser la Chine dans un classement
Une enquête rendue publique jeudi a en effet mis en cause la dirigeante du Fonds pour avoir, alors qu’elle était directrice générale de la Banque mondiale, en 2017, fait pression sur les équipes pour favoriser la Chine dans un classement, dans un contexte d’intimidations et de culture « toxique » au sein de l’équipe.
Et désormais des voix s’élèvent, craignant une perte de confiance envers les institutions internationales.
L’« implication » de Kristalina Georgieva « dans de la manipulation de données au bénéfice de la Chine est alarmante », a ainsi réagi Andy Barr, élu républicain au Congrès américain, qui estime qu’il est « essentiel d’assurer l’intégrité du FMI ».
Son collègue French Hill a aussi qualifié le rapport d’« alarmant » et déclaré que « la réputation des prêteurs multilatéraux est maintenant ternie ».
Une perte de confiance
Il estime que si les allégations sont vraies, « le conseil d’administration du FMI devrait rapidement évaluer l’action » de Kristalina Georgieva à la tête de l’institution.
L’élu a également dénoncé un nouvel exemple de « la façon dont le Parti communiste chinois travaille systématiquement pour instrumentaliser les institutions multilatérales« .
Les relations entre la Chine et les Etats-Unis sont particulièrement tendues, depuis que l’ancien président républicain Donald Trump a mené contre l’Empire du milieu une guerre commerciale. Son successeur démocrate Joe Biden ne semble pas en passe de signer un armistice.
La balle est à présent largement dans le camp des Etats-Unis, dont les voix au conseil d’administration du FMI – organe chargé notamment de choisir le directeur général – pèsent le plus lourd. Ils disposent également d’un droit de véto.
Les conclusions « préoccupantes » du rapport
Le Trésor américain a indiqué jeudi qu’il analysait le rapport, dont il a jugé les conclusions « préoccupantes », et souligné que sa « responsabilité première est de préserver l’intégrité des institutions financières internationales ».
Justin Sandefur, du Center for Global Development, qui a largement alerté sur les problèmes de méthodologie du rapport et du classement « Doing Business » de la Banque mondiale, est assez pessimiste quant à l’avenir de Kristalina Georgieva à la tête du FMI.
« Pour le chef du FMI, avoir été impliquée dans une manipulation de données est une allégation assez accablante », a-t-il déclaré, évoquant « un coup dur pour (la) crédibilité » de l’institution internationale.
Le rapport annuel « Doing Business » établit un classement des pays à l’environnement le plus favorable à l’activité économique et aux affaires, en fonction de plusieurs paramètres. En 2017, la Chine avait assez peu apprécié sa 78e place dans le rapport « Doing Business » de la Banque.
Changement de la méthodologie au bénéfice de Pékin
Pour lui éviter de dégringoler encore plus bas dans le classement de l’année suivante, et obtenir l’aval de la Chine dans des négociations sensibles, Kristalina Georgieva, ainsi que le président de la Banque mondiale à l’époque, Jim Yong Kim, auraient cherché comment modifier la méthodologie au bénéfice de Pékin.
Mme Georgieva s’est dite « en désaccord » avec les conclusions de cette investigation, dont les auteurs ont interrogé plusieurs dizaines d’employés, actuels et anciens, et passé au crible 80.000 documents.
La Banque mondiale a de son côté annoncé qu’elle cessait la publication de ce rapport.
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