Chef-d’œuvre du cinéma, La Grande Illusion a laissé une trace indélébile dans l’histoire du cinéma. Dans les dernières scènes du film, deux silhouettes sombres avancent péniblement dans une vallée enneigée, leur chemin étant bordé de montagnes imposantes, tandis que des soldats allemands les poursuivent.
Ces hommes ont voyagé loin pour atteindre une ligne invisible, la frontière entre l’Allemagne et la Suisse. Cette ligne ne sépare pas seulement les nations, mais aussi la liberté de l’emprisonnement et la vie de la mort. Parviendront-ils à la franchir ? La réponse à cette question, et le sens profond qui la sous-tend, sont liés aux thèmes du film et à son titre.
Les métaphores du film sont profondément ancrées dans les dualités et les lignes imaginaires que nous créons. Certaines séparent les gens et les classes, d’autres ne sont que des constructions imposées par la société.
Le film, qui se déroule pendant la Première Guerre mondiale, montre une époque où le pouvoir aristocratique est en déclin. Bien qu’il explore la futilité de la guerre et le système des classes, il aborde également des expériences humaines universelles : la générosité, la loyauté, le sacrifice et l’espoir.
Il s’agit d’un bel exemple de cinéma nuancé. Vous ne trouverez pas le staccato de mitrailleuses, d’explosions ou de hurlements de mort auxquels les films de guerre modernes ont souvent recours. Le titre est tiré du roman The Great Illusion de l’auteur anglais Norman Angell, lauréat du prix Nobel de la paix. L’auteur affirme que la guerre est futile dans un monde où les économies et les relations internationales sont si étroitement imbriquées.
Jean Gabin brille dans le rôle du lieutenant Maréchal, un soldat ordinaire issu d’un milieu populaire, tandis que Pierre Fresnay incarne le capitaine de Boeldieu, un aristocrate stoïque. Bien qu’ils soient tous deux pilotes dans l’armée de l’air française, leurs différences sont flagrantes. Maréchal se délecte des plaisirs simples de la vie, tandis que l’héritage aristocratique de Boeldieu le distingue, créant une subtile tension de classe entre les deux.
Boeldieu et Maréchal quittent la base de leur escadrille pour une mission de reconnaissance, mais ils sont abattus par le capitaine von Rauffenstein (Erich von Stroheim), un as de l’aviation allemande dont l’habileté est notoire. A son retour à la base, Rauffenstein demande à ses subordonnés d’aller chercher les deux Français pour qu’ils déjeunent ensemble.
Lorsque Boeldieu et Maréchal arrivent à la base allemande, ils sont accueillis avec une chaleur inattendue, compte tenu des circonstances. Rauffenstein, incarnant le décorum du vieux monde, les invite à dîner avec lui et ses hommes. Au cours du repas, un soldat allemand coupe gentiment la viande de Maréchal, reconnaissant ainsi le bras blessé du Français – un geste subtil mais poignant d’humanité en temps de guerre. Pendant ce temps, Rauffenstein et Boeldieu trouvent rapidement un terrain d’entente, se rapprochant de leurs origines aristocratiques communes et de leurs intérêts mutuels.
Boeldieu et Maréchal sont bientôt envoyés dans un camp de prisonniers pour officiers où ils rencontrent et se lient avec un groupe éclectique de compatriotes français. Parmi eux, un acteur de vaudeville excentrique, Cartier (Julien Carette), et Rosenthal (Marcel Dalio), issu d’une prospère famille de banquiers juifs français.
Boeldieu et Maréchal ne tardent pas à gagner la confiance de leurs codétenus et sont mis au courant d’un plan d’évasion audacieux déjà en cours. Le groupe a discrètement creusé un tunnel secret sous un plancher amovible, dans l’espoir de se libérer de leurs geôliers allemands. Leur plan risqué fonctionnera-t-il ?
Il s’agit d’un drame centré sur les personnages, qui capte votre attention et ne la relâche jamais. C’est le genre de film qui vous attache tellement à ses personnages que vous essayez d’anticiper leurs prochains mouvements ou vous vous inquiétez de leur sort. Il me fait penser à une pièce de théâtre : des personnages fascinants quittent la scène, les lumières s’éteignent, puis s’éclairent lentement à mesure que de nouveaux personnages apparaissent dans un nouveau décor.
Aucune violence n’est représentée. L’action est implicite, comme lorsque les scènes passent de Boeldieu et Maréchal quittant leur chambre d’escadron, et que nous les revoyons au moment où ils sont cordialement escortés pour dîner avec Rauffenstein.
Il y a des scènes sinistres que l’on a du mal à oublier, mais elles comportent généralement un élément de générosité ou de compassion. Maréchal est envoyé dans une cellule d’isolement pour s’être rebellé lors d’un spectacle de vaudeville créé par les prisonniers. Il devient extrêmement déprimé jusqu’à ce qu’un des gardiens de prison les plus généreux entre dans sa cellule, et Maréchal commence à crier parce qu’il est enfermé depuis si longtemps. Le gardien donne à Maréchal un harmonica, un instrument qu’il chérit. Le gardien, qui attend à l’extérieur de la cellule, entend Maréchal commencer à jouer de l’instrument, et tout souriant, finit par s’éloigner. Lorsqu’on lui demande pourquoi Maréchal crie, le gardien répond : « La guerre dure trop longtemps. »
Les personnages principaux et secondaires sont tous bien dessinés et présentent de multiples facettes. Rosenthal représente la classe bourgeoise émergente, mais il est loin du stéréotype du banquier nouveau riche. Il partage de gros colis de nourriture avec ses amis afin qu’ils puissent manger des repas de luxe au lieu de la nourriture habituelle de la prison. Marcel Dalio joue le rôle avec empathie et la générosité du personnage transparaît.
Dita Parlo joue le rôle d’Elsa, une veuve allemande qui aide le couple de personnages principaux vers la fin du film. La compassion d’Elsa est sincère, même si elle est considérée comme « l’ennemie » des Français.
Boeldieu, interprété par Pierre Fresnay, apparaît d’abord comme glacial et distant. Pourtant, au fur et à mesure que l’histoire progresse, il commence à réaliser que lui et Rauffenstein appartiennent tous deux à un monde en déclin. Si Boeldieu fait d’abord preuve d’indifférence, suggérant même qu’ils laissent un membre du groupe derrière eux, il se rachète par la suite par un extraordinaire acte d’abnégation.
La Grande Illusion est devenu un succès critique et commercial, et a même été nominé pour l’Oscar du meilleur film lors de la cérémonie des Oscars de 1939. Le film a également fait des vagues au Festival du film de Venise de 1937, où il aurait pu remporter le premier prix s’il n’y avait pas eu l’influence fasciste de la région. Son message unificateur et humaniste lui a valu d’être interdit par ces régimes, mais il a tout de même rencontré le succès dans d’autres pays européens, ainsi qu’aux États-Unis.
Ce classique intemporel résonne encore aujourd’hui, car il offre une réflexion pleine d’espoir sur les illusions qui façonnent notre monde et sur les liens durables qui unissent l’humanité au-delà des frontières, des classes et des conflits.
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