Selon un groupe d’experts juridiques, le recours à la Loi sur les mesures d’urgence invoqué par Justin Trudeau pourrait avoir de graves conséquences pour les Canadiens, non seulement aujourd’hui mais aussi pour les générations à venir.
« Si l’invocation de la loi sur les mesures d’urgence est validée, les gouvernements auront alors le pouvoir de déclarer des urgences [à tout‑va] et d’écraser toute manifestation pacifique, toute dissidence, représentant une menace pour leurs projets politiques et leur idéologie, et ce n’est pas le genre de pays dans lequel nous voulons vivre », a déclaré Bruce Pardy, professeur de droit et directeur exécutif de Rights Probe, lors d’une conférence de presse tenue le 17 février.
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— Bruce Pardy (@PardyBruce) February 18, 2022
Au 14 février, Justin Trudeau est devenu le seul premier ministre au Canada à invoquer la Loi sur les mesures d’urgence pour réprimer des manifestations contre les mesures anti‑Covid, sous couvert de vouloir mettre fin à tout prix au Convoi de la liberté qui cristallise l’exaspération des Canadiens face à la dictature sanitaire.
Si la loi est entrée en vigueur au moment où le gouvernement l’a présentée, la motion doit être approuvée par la Chambre des communes et le Sénat dans un délai de sept jours. Si la motion reçoit la majorité des voix, la loi restera en vigueur pendant 30 jours. Si la motion est rejetée, la loi sera immédiatement abrogée. Le vote sur la motion aura lieu le 21 février.
Au cours des débats menés à la Chambre des communes ce 17 février, alors que l’opposition demandait des explications pour justifier cette mesure de dernier recours, le gouvernement Trudeau s’est justifié en invoquant la nécessité de lever les barrages frontaliers. Or ceux‑ci avaient déjà pris fin.
« Les blocus et les occupations sont illégaux. Ils constituent une menace pour notre économie et nos échanges avec nos partenaires commerciaux », a déclaré M. Trudeau, tout en reconnaissant que les barrages frontaliers avaient déjà été levés.
« Il est grand temps que ces activités illégales et dangereuses cessent, notamment ici à Ottawa. »
Bruce Pardy a mis en doute la nécessité du recours à cette loi.
Lors d’une conférence de presse donnée le 17 février un journaliste a questionné le ministre de la Sécurité publique M. Mendicino. Depuis quelques jours, M. Mendicino n’a cessé d’insinuer qu’au milieu de toutes ces contestations, des armes remonteraient probablement jusqu’à Ottawa. Le journaliste a donc interrogé le ministre sur d’éventuelles informations fournies par les services de renseignements à ce sujet.
M. Mendicino a répondu : « Je ne dis pas qu’il existe des renseignements prouvant la présence d’armes à Ottawa (…) [Mais] il y a des rapports publics montrant des indices de positions idéologiques extrémistes et des liens entre les blocages. (…) Et il y a une similitude dans la rhétorique qui se dégage des médias sociaux et d’ailleurs. »
En définitive, si on se fie à la réponse du ministre de la Sécurité publique, les actions du gouvernement visent à anticiper une « rhétorique ».
« La rhétorique – ce n’est qu’un discours, l’expression d’une position idéologique. Maintenant, juste pour un moment, considérez les implications. Nous avons un gouvernement qui, de son propre aveu, invoque une loi d’urgence sur la base de ce que quelqu’un a peut‑être dit », a expliqué M. Pardy.
« Ils n’y a pas de réelle violence en cours. Il n’y a pas de renseignements sur d’éventuelles menaces de violence. Je suis sûr que vous pouvez comprendre les conséquences si cela doit être considéré comme une utilisation appropriée de la Loi sur les mesures d’urgence. »
Selon Bruce Pardy, la Loi sur les mesures d’urgence peut être invoquée si et seulement si certaines conditions sont remplies. Sinon, « rien n’est valable ».
« En d’autres termes, le gouvernement ne peut agir de la sorte que s’il dispose d’une autorisation légale », a‑t‑il déclaré.
Selon lui, la loi énumère quatre types d’urgences : le bien‑être public, l’ordre public, l’urgence internationale et la guerre. Parmi celles‑ci, le gouvernement Trudeau a invoqué une urgence d’ordre public en se basant sur la proclamation qu’il a émise le 15 février.
Une urgence d’ordre public est définie par la législation comme une urgence liée à des menaces pour la sécurité du Canada, et elle est si grave qu’elle devient une urgence nationale.
Une urgence nationale, quant à elle, est définie comme « une situation urgente et critique de nature temporaire qui a) met gravement en danger la vie, la santé ou la sécurité des Canadiens et dont les proportions ou la nature sont telles qu’elles dépassent la capacité ou le pouvoir d’une province d’y faire face, ou b) menace gravement la capacité du gouvernement du Canada de préserver la souveraineté, la sécurité et l’intégrité territoriale du Canada ».
La dernière partie de la définition est la suivante : « et qui ne peut être traitée efficacement par aucune autre loi du Canada », a précisé M. Pardy.
« Gardez ceci à l’esprit. Il n’y a pas eu de violence à Ottawa de la part du convoi », a‑t‑il dit.
Le professeur de droit a attiré l’attention sur l’évolution du monde politique au Canada, en particulier sur la façon dont la langue a été redéfinie par les partisans d’une idéologie pour répondre à leurs besoins politiques.
« La liberté signifie maintenant, apparemment, la sécurité. L’État de droit signifie que les gouvernements prennent le contrôle de tout pour obtenir des ‘résultats appropriés' », a‑t‑il expliqué.
« La violence peut maintenant désigner de [simples] mots. Klaxonner a été classé comme un acte de violence, et c’est littéralement comme ça qu’ils le considèrent. »
Selon M. Pardy, l’émergence des nouvelles définitions et la volonté de les protéger, voilà qui constitue réellement une « urgence ».
« Ils disent vouloir agir contre la violence, mais qu’est‑ce qu’ils ont ? Ils ont des mots, ils ont une rhétorique, ils ont l’expression d’une position politique. Et c’est de cette rhétorique, c’est de cette position politique qu’ils ont peur, et c’est cela qui constitue l’urgence ? »
« D’une certaine manière, c’est le cas. Cela constitue effectivement une urgence pour eux – pas au sens de la Loi sur les mesures d’urgence. Cela n’atteint pas ce seuil. Mais en termes politiques, vous pouvez en quelque sorte voir en quoi cela peut être considéré comme une urgence pour eux. »
Cecil Lyon, un expert juridique de l’Ontario en matière de règlement des différends, a déclaré que l’approche « massue » du gouvernement fédéral est un « exemple flagrant du fait que le gouvernement s’égare et ne cherche pas à savoir comment résoudre un différend ».
« Les Canadiens sont, dans l’ensemble, des citoyens respectueux des lois. Alors quand vous avez un gouvernement qui va tellement loin en présentant l’instrument législatif le plus extraordinaire de son arsenal, [ça veut dire qu’il] n’a pas d’autres armes dans son carquois, pas d’autres flèches. Voilà ce qui se passe », a déclaré M. Lyon lors de la conférence de presse.
Si M. Lyon reconnaît que les habitants d’Ottawa ont pu être incommodés par les klaxons des camions, c’est le prix à payer pour vivre dans une société telle qu’elle existe au Canada.
« Malheureusement, l’un des prix à payer pour vivre dans une société libre et démocratique est de supporter des choses avec lesquelles on n’est pas d’accord », a‑t‑il déclaré.
Cecil Lyon estime qu’il existe des solutions plus appropriées pour résoudre la situation, mais que le gouvernement a manqué à son obligation de dialoguer avec les camionneurs.
« Je félicite les camionneurs. Je ne suis pas d’accord avec tout ce qu’ils disent, mais je n’y suis pas obligé. Je peux certainement me tenir ici et défendre le droit de le dire et de protester, et lorsque mon gouvernement réagit de manière excessive, de déclarer : ‘[Messieurs du] gouvernement, vous avez tort et vous devez faire marche arrière !' »
David Anber, un avocat en droit criminel d’Ottawa, a signalé le manque global de contestations de la part des médias conventionnels quant à l’invocation par le premier ministre de cette Loi sur les mesures d’urgence.
« Beaucoup de personnes dans les médias ne disent absolument rien à ce sujet », a‑t‑il déclaré.
« Il fut un temps où le rôle des médias était de demander des comptes au gouvernement dans l’intérêt du peuple. Mais ce que nous avons vu ces derniers jours, c’est que de nombreux médias classiques essaient de demander des comptes à la population pour le bénéfice du gouvernement. »
« Ce n’est tout simplement pas acceptable. »
Noé Chartier a contribué à cet article.
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