Le président français Emmanuel Macron a affirmé dans son adresse à la Nation le 5 mars que « la menace russe est là et nous touche », ceci trois ans après le début de l’offensive russe en Ukraine en février 2022. Le président a dénoncé une « logique d’escalade inacceptable » de la Russie en Ukraine et martelé que la France continuerait d’aider Kiev aussi « intensément et longtemps » que nécessaire.
La Russie a dénoncé un discours « déconnecté de la réalité » arguant que le président Macron « fait tous les jours des déclarations […] qui contredisent ses déclarations précédentes », dans une déclaration du porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova.
Derrière la propagande cherchant à exploiter les faiblesses occidentales, le régime russe a presque su faire oublier sa nature dictatoriale, bâillonnant et assassinant les voix dissonantes, interdisant la liberté d’expression et s’alliant aux plus grands régimes totalitaires au monde.
Dans cette « guerre des mots », les valeurs démocratiques s’avancent comme le plus grand danger pour ces régimes autoritaires, si tant est qu’elles soient défendues. La liberté d’expression, l’autodétermination des peuples, la séparation des pouvoirs, le pluralisme politique, etc. peuvent être promus comme un antidote contre les totalitarismes et leur propagande, à condition de ne pas les priver de leur substance.
« La Russie a joué sur nos divisions et sur une faille importante de notre démocratie qui est le manque de pluralisme dans les médias mainstream », explique l’éditorialiste Patrick Edery à Epoch Times. « C’est-à-dire qu’il y a des questions interdites, qu’on n’a pas le droit d’aborder avec un avis contraire, comme l’immigration, le déclassement de la France, etc. », poursuit-il. De quoi alimenter un discours anti-gouvernemental exploité ensuite par les régimes autoritaires pour déstabiliser l’Occident.
Au-delà de la réalité de la menace russe aux frontières de la France, la première menace pourrait bien d’abord être intérieure, comme l’a affirmé le vice-président américain J.D. Vance à Munich en février, de celle qui remet en cause les valeurs fondamentales des pays libres.
Comment la Russie veut déstabiliser la France
Dans le rapport annuel de la délégation parlementaire au renseignement publié en novembre 2023, des sénateurs et des députés ont fait état d’une intensification des ingérences russes en France.
Concernant les méthodes employées, ils constatent que la Russie continue d’utiliser la diffusion de fausses informations comme outil de déstabilisation, des moyens de pression qui se sont intensifiés depuis février 2022, avec le début de la guerre en Ukraine.
« Le déclenchement de la guerre en Ukraine est sur le chemin de la stratégie globale de la Russie, un chemin sur lequel on peut trouver tous les outils de déstabilisation des démocraties, toute la panoplie possible technologique, humaine et financière », analyse le géopolitologue Gérard Vespierre pour Epoch Times. « Il s’agit vraiment d’un continuum méthodique de la stratégie du KGB mais à l’heure du XXIe siècle», ajoute-t-il.
Selon une note de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) publiée en février 2024, les opérations d’ingérence russes visent à « amplifier les dissensions et fractures internes à la société française, tous sujets confondus, voire à soutenir ouvertement les intérêts de la Russie en dénonçant la politique étrangère de la France, les États-Unis, ou l’Otan ».
En ligne de mire, le soutien occidental à l’Ukraine, les valeurs démocratiques défendues par l’Occident, que le régime autoritaire russe, à l’image de son partenaire chinois, voit comme une menace à son propre pouvoir et au contrôle autocratique qu’il exerce sur son propre peuple.
Le régime de Poutine étouffe la liberté d’expression en Russie
En juin 2024, la Russie a annoncé bloquer l’accès sur son territoire à 81 médias européens, en « représailles » de la décision de l’UE d’interdire quatre médias d’État russes. Dans la liste publiée par le ministère russe figuraient les médias allemand Der Spiegel, espagnols El Mundo et El Pais, la télévision italienne RAI, et d’autres médias français comme les quotidiens Le Monde, Libération et les chaînes LCI et CNews.
L’Union européenne avait de son côté interdit la diffusion en Europe de plusieurs médias russes ou prorusses, dont Russia Today, accusant Moscou d’utiliser ces médias pour « propager sa propagande et conduire des campagnes de désinformation ».
En février 2025, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la Russie pour la répression des voix dissidentes sur le conflit, victimes de sanctions d’une « gravité exceptionnelle et disproportionnée ».
La Russie de Vladimir Poutine compte en effet davantage de prisonniers politiques que dans les dernières années de l’URSS, déclarait en septembre 2024 le dissident Vladimir Kara-Mourza devant le Conseil de l’Europe.
« Il y a plus de 1300 prisonniers politiques connus dans la Russie de Poutine, beaucoup plus que dans les dernières années de toute l’Union soviétique », a assuré l’opposant russe, qui a été retenu plus de deux ans en prison, condamné à 25 ans de détention pour « trahison », après avoir critiqué l’invasion de l’Ukraine.
Sur la base d’une nouvelle législation russe, de nombreuses personnes ont été condamnées « pour avoir exprimé des opinions critiques » sur les actions militaires en Ukraine ou pour avoir diffusé des informations s’écartant « des comptes rendus officiels », selon la CEDH.
Novaïa Gazeta, dont le rédacteur en chef, Dmitri Mouratov, est colauréat du Prix Nobel de la Paix 2021, et Dojd TV ont été fermés « en raison de leurs reportages sur la guerre », a indiqué la CEDH.
Avec cette pression sur les médias et les citoyens, il est impossible au peuple russe d’avoir accès à des informations exactes sur la guerre entre l’Ukraine et la Russie, ainsi que sur les liens de la Russie avec les pays autoritaires à travers le monde. Le peuple russe vit dans un narratif élaboré par le Kremlin pour se maintenir au pouvoir et repris en boucle par la majorité des médias, sans avoir accès à d’autres points de vue, sous peine d’être emprisonné ou molesté.
La coopération préoccupante entre la Chine, la Russie, l’Iran et la Corée du Nord
En coulisse, la Chine forge une alliance avec les régimes autoritaires contre les démocraties. Ce nouvel axe est devenu une menace de plus en plus importante pour les pays démocratiques dans divers domaines, ont mis en garde différents experts participant au forum sur la sécurité internationale de novembre 2023, à Halifax au Canada.
« Nos adversaires font équipe contre nous en Ukraine, en Israël, en Europe et dans le Pacifique », a constaté Josh Rogin, chroniqueur au Washington Post, lors de la table ronde sur les conséquences d’une victoire russe en Ukraine pour les CRINK (la Chine, la Russie, l’Iran et la Corée du Nord).
La Chine collabore avec la Russie pour aider le Hamas sur le plan diplomatique, et le régime communiste chinois aide également la Russie et l’Iran à échapper aux sanctions occidentales et à poursuivre leurs actions agressives. Dans le même temps, l’Iran fournit des armes à la Russie et au groupe terroriste du Hamas à Gaza, et la Corée du Nord exporte des armes en Russie pour qu’elle les utilise dans sa guerre contre l’Ukraine, a exposé Josh Rogin.
La coopération militaire accrue entre la Chine, la Russie, l’Iran et la Corée du Nord est « l’un des schémas stratégiques les plus préoccupants », a aussi fait savoir le Service de renseignement suisse en octobre 2024.
Selon le rapport annuel du Service de renseignement de la Confédération (SRC), la Chine, la Russie, l’Iran et la Corée du Nord coopèrent désormais plus étroitement sur le plan militaire. Mus par une volonté de faire régresser l’influence de l’Occident, « ces pays luttent contre les conceptions relevant de la démocratie libérale », explique le SRC.
La faiblesse des démocraties face aux régimes autoritaires
« Ils se sentent menacés par la démocratie, c’est ontologique. Ils ont un besoin vital de démontrer qu’elle est inférieure à leur système de gouvernement » analyse Paul Charon, directeur du domaine Renseignement, anticipation et stratégies d’influence de l’Irsem, en parlant des régimes autoritaires communistes.
La force des démocraties n’est pas d’utiliser les mêmes méthodes politiques que les dictatures. L’antidote face aux régimes totalitaires consiste dans les valeurs constitutives d’une démocratie : le respect des libertés fondamentales – telles que la liberté d’expression et de la presse, la libre circulation des individus, la liberté de conscience -, la séparation des pouvoirs, l’autodétermination des peuples – qui implique la souveraineté et la protection des frontières -, et le pluralisme politique.
Pour montrer le danger qui s’approche de l’Europe occidentale, le vice-président américain J.D. Vance a prévenu, lors de son discours à la Conférence sur la Sécurité de Munich, le 14 février, que la liberté d’expression était en recul dans les démocraties européennes.
« La menace qui m’inquiète le plus en Europe n’est ni la Russie, ni la Chine, ni celle d’aucun autre acteur extérieur. Ce qui m’inquiète, c’est la menace venant de l’intérieur. C’est le recul de l’Europe par rapport à certaines de ses valeurs les plus fondamentales, les valeurs qu’elle partage avec les États-Unis d’Amérique » a-t-il expliqué. « Autoriser nos citoyens à exprimer leur opinion » rendra les démocraties « encore plus fortes », a-t-il fait valoir.
« Vance a constaté et dénoncé une dérive bureaucratique et anti-démocratique en Europe », a commenté récemment le journaliste franco-américain Gérald Olivier pour Epoch Times. « L’Union européenne est noyautée par une forme de progressisme de plus en plus anti-démocratique : la liberté d’expression est restreinte au quotidien, des élections sont annulées quand des résultats ne conviennent pas, les mouvements populistes sont dénoncés comme systématiquement « fascistes » », a-t-il déclaré, indiquant que les États-Unis pointaient la faiblesse d’ « une Europe devenue woke, en opposition aux anciennes valeurs démocratiques communes aux deux continents ».
Constat presque similaire pour le philosophe Jean-Loup Bonnamy. « L’Occident doit opérer son indispensable redressement intellectuel et moral » livrait-il à Epoch Times, expliquant que la réforme intellectuelle et morale nécessaire à la fin du XIXe siècle à une France traumatisée par la défaite de 1871 contre la Prusse, était avant tout de combler ses propres faiblesses. Il mentionne la nécessité de « renouer avec l’autorité, à l’exercer sans faiblir et à réhabiliter, assumer et aimer notre identité, notre histoire et notre culture ». Des valeurs remises en question selon lui par « certaines idéologies actuelles, comme le néo-antiracisme ou le décolonialisme et plus généralement le wokisme ».
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.