Au cours des dernières décennies, le but premier de la société est passé de protéger des vies humaines inoffensives à éliminer la souffrance. Un simple changement d’emphase apparemment, mais cette nouvelle phobie de la souffrance a déclenché une névrose sociale néfaste, qui à la fois subvertit le côté exceptionnel de l’humain, tout en sapant le bon sens social.
Commençons par la panique morale sur les transgenres. Sous prétexte de vouloir éliminer la souffrance chez les enfants atteints de dysphorie de genre, le principe médical éthique de « ne pas nuire » a été mis de côté, au détriment des patients ayant besoin d’assistance. Voici un exemple concret : l’administration Biden et l’American Pediatric Association, entre autres, insistent pour que les enfants s’identifiant au sexe qu’ils n’ont pas à la naissance reçoivent des interventions radicales telles que les hormones, les bloqueurs de puberté et les « chirurgies du haut » – c’est‑à‑dire des mastectomies chez les filles âgées de 12 à 17 ans. Parfois, les enfants avec dysphorie de genre sont aussi soumis à des chirurgies « du bas » ; des mutilations génitales entraînant une stérilité et un dysfonctionnement sexuel à vie. La Californie quant à elle, est tellement corrompue par l’idéologie qu’elle a adopté une loi faisant d’elle un État sanctuaire pour l’affirmation du genre.
Les adeptes de l’affirmation du genre justifient une action aussi drastique pour éliminer la souffrance émotionnelle des enfants et prévenir le suicide des jeunes. Mais les preuves justifiant cet argument sont faibles – au mieux – et ne tiennent pas compte du phénomène de « détransition » dans lequel les jeunes réalisent qu’ils sont à l’aise avec leur sexe de naissance, certains déplorent même que les adultes ne les aient pas protégés alors qu’ils étaient en période de confusion. Dans le même temps, des pays comme le Royaume‑Uni, la France, la Suède et la Finlande se sont retirés, et ne souhaitent pas promouvoir l’affirmation du genre, car, comme l’a déclaré le National Health Service britannique, la confusion de genre chez les mineurs est souvent « transitoire », la preuve d’un bénéfice médical substantiel pour de telles interventions est faible et le potentiel de préjudice pour les enfants est grand. Mais plutôt que de s’attaquer à des opinions différentes, nos principales revues médicales publient article après article en prétendant que la controverse n’existe pas.
Maintenant, examinons l’euthanasie. Les lois sur l’euthanasie et le suicide assisté visent à éliminer la souffrance en éliminant la personne qui souffre. On nous dit que le suicide assisté est réservé aux cas où rien de plus ne peut être fait pour soulager la souffrance, et que des directives strictes protègent contre les abus. Mais ce ne sont là que des arguments de vente. En effet, en Belgique, aux Pays‑Bas et au Canada, l’euthanasie a été si bien accueillie que la mort facilitée par un médecin est légalement accessible non seulement aux mourants, mais aussi aux handicapés, aux personnes âgées et, dans les deux premiers pays, aux malades mentaux (le Canada devait autoriser l’euthanasie pour les malades mentaux en mars, mais ce projet est maintenant suspendu).
Entre‑temps, les trois pays autorisent le prélèvement d’organes en même temps que l’euthanasie, une politique si extrême qu’en Ontario, au Canada, l’organisme chargé du don d’organes contactera une personne approuvée pour la piqûre létale pour lui demander ses organes. Dans les États américains où le suicide assisté est légal, les choses ne sont pas encore allées si loin. Mais les prescriptions létales peuvent être obtenues par vidéoconférence, et l’Oregon vient d’éliminer ses exigences en matière de résidence, permettant ainsi à l’État de devenir un lieu de tourisme suicidaire.
Et il ne faut pas oublier l’absolutisme de l’avortement. Pour éviter la souffrance des femmes qui ne veulent pas être enceintes, certains États ont adopté des lois autorisant l’avortement jusqu’au moment de la naissance. Bien sûr, cela signifie qu’il y a une catégorie d’humains dans ces juridictions – les enfants à naître qui, comme la science l’a montré, peuvent ressentir la douleur plus tard dans la gestation – dont la souffrance ne compte pas du tout.
À quel point le désir d’éliminer la souffrance relève‑t‑il de la folie ? À ce point. Le Mouvement pour l’Extinction volontaire de l’homme veut nous voir prendre le chemin des dinosaures. Un professeur a même écrit sur le site du Journal of Medical Ethics qu’il est préférable d’anéantir l’humanité plutôt que de continuer à vivre, car cela éviterait une souffrance intense à des milliards de personnes qui ne sont pas encore nées. « L’étendue de la souffrance » qu’ils ressentiraient, a‑t‑il écrit, « peut fournir une raison pro tanto pour les empêcher d’exister ».
La volonté d’éliminer la souffrance n’est pas limitée au domaine humain. Un article vient d’être publié, affirmant que les insectes devraient être protégés par des lois sur le bien‑être. « Si les insectes ressentent la douleur », s’inquiètent les auteurs, « l’élevage des insectes et la lutte contre les nuisibles provoqueraient une souffrance massive ».
Nous voyons la même approche pour les droits des animaux – qu’il faut distinguer du bien‑être animal. Les droits des animaux sont une idéologie qui prétend que les humains et les animaux sont moralement égaux parce que les deux peuvent souffrir. Par conséquent, ce qui est fait aux animaux devrait être jugé comme si ces mêmes actions étaient faites à des hommes.
L’association People for the Ethical Treatment of Animals (PETA) est allée jusqu’à comparer, il y a plusieurs années, la consommation de viande à – littéralement – l’Holocauste, en affirmant : « Comme les juifs assassinés dans les camps de concentration, les animaux sont terrorisés lorsqu’ils sont logés dans d’immenses entrepôts sales et rassemblés pour être envoyés à l’abattoir. Le canapé et le sac à main en cuir sont l’équivalent moral des abat‑jours fabriqués à partir des peaux des personnes tuées dans les camps de la mort. »
Pendant ce temps, certains prétendent que les humains doivent empêcher la souffrance des plantes. Un professeur écrivant dans le New York Times, par exemple, a affirmé que les pois sont aussi des personnes, écrivant : « Quand il s’agit d’une plante, il s’avère qu’elle n’est pas seulement un quoi, mais aussi un qui – un agent dans son milieu, avec sa propre valeur intrinsèque ou sa version du bien », ce qui signifie que nous ne pouvons pas « justifier la culture de pois et d’autres plantes annuelles ». Le mouvement pour les droits de la nature va encore plus loin : il déclare que des éléments géographiques tels que les rivières, les glaciers et d’autres aspects de la nature nécessitent des droits comme pour les humains.
Assez. La souffrance est une réalité inéluctable. Bien sûr, cela ne signifie pas que nous devons être indifférents à la misère humaine ou animale. Et nous avons certainement le devoir positif d’atténuer la souffrance chaque fois que nous le pouvons raisonnablement – ce qui est à l’origine de nombreuses actions charitables et bienfaisantes telles que les organisations caritatives médicales, les organisations qui nourrissent les démunis et la prolifération des sociétés humanitaires.
Mais l’élimination de la souffrance est impossible. Non seulement l’objectif est utopique, mais il conduit à des distorsions toujours plus extrêmes de la décence et à un effondrement de la rationalité des politiques publiques – ce qui, ironiquement, peut causer le même « mal » que les abolitionnistes de la souffrance aspirent désespérément à prévenir.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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