Dans un atelier tranquille de Taipei, trois jeunes femmes cousent méticuleusement un vêtement porté autrefois au quotidien par une bonne partie de la gent féminine: la qipao. À Taïwan, une poignée de couturiers tentent de faire vivre son art.
Cette robe moulante chinoise traditionnelle a vu sa popularité varier au gré des soubresauts de la politique et de l’Histoire.
Lin Chin-te, 74 ans, est l’un des rares artisans taïwanais à continuer de coudre à la main ces tenues près du corps, au petit col montant, fendues des deux côtés et souvent brodées de fleurs ou de dragons.
Version longue en soie rouge, modèles courts en tissu plus facile à porter… son atelier regorge de qipao, confectionnées sous le regard attentif d’un maître fort de décennies d’expérience.
Naturellement, les qipao sur mesure sont beaucoup plus chères que les versions prêt-à-porter et les Taïwanaises n’en portent généralement que pour de grandes occasions comme les mariages.
M. Lin, qui craint que les prochaines générations de couturiers ne se désintéressent de la qipao, embauche des apprenties pour perpétuer son art.
« Le maître est très patient », raconte l’une d’elles, Hung Chu-tsu, 37 ans, vêtue d’une qipao bleue et fleurie cousue par ses soins. « On commence par les bases et puis on apprend, point après point », dit-elle.
Mme Hung était infirmière mais, après avoir eu un enfant, a décidé de se lancer dans la couture. Son rêve est d’ouvrir son propre magasin et de vendre des qipao adaptées à la vie moderne.
M. Lin l’approuve. Il ne voudrait pas que ses 60 années d’expérience partent en fumée. « J’enseigne à mes élèves tout ce que je peux pour qu’ils volent de leurs propres ailes ».
La robe, qui était alors ample et longue, est née sous la dynastie mandchoue des Qinq, qui régna sur la Chine entre le XVIIe siècle et 1911.
C’est dans le Shanghai des années 1920 qu’elle devint populaire, lorsqu’elle fut redessinée pour coller aux formes des femmes. Portée par les actrices et les intellectuelles de la « perle de l’Orient », la qipao est alors devenue le symbole d’une femme moderne qui montrait soudainement ses jambes et ses bras, la quintessence de la féminité et du raffinement.
Après la victoire des forces communistes en Chine en 1949 à l’issue de la guerre civile, la robe, devenue le symbole du capitalisme, tomba en disgrâce. Mais pas à Taïwan, où s’étaient réfugiés les nationalistes de Tchang Kaï-chek qui sont devenus les garants de la culture traditionnelle millénaire de la Chine.
Soong Mei-ling, l’épouse glamour de l’homme fort de Taipei, issue de la haute société shanghaïenne, adorait les qipao. Elle influença les goûts vestimentaires des Taïwanaises jusque dans les années 1970, et de nombreuses femmes en portaient chaque jour.
Aujourd’hui Lee Wei-fan, couturier de 25 ans ayant étudié sous un maître ancien pendant cinq ans, juge que les temps sont mûrs pour une renaissance de la qipao. Il a ouvert sa boutique voici six mois et sa clientèle comporte des futures mariées et des femmes d’affaires qui apprécient l’élégance du vêtement.
D’après lui, les styles asiatiques traditionnels bénéficient d’un regain d’intérêt, dont il compte bien profiter: « Ceux d’entre nous qui maîtrisent un art plus rare seront les plus compétitifs. »
Ni M. Lin ni M. Lee ne veulent révéler leurs tarifs. Un artisan demande en général 8.000 dollars taïwanais (223 euros) pour une robe sur mesure, un prix qui ne comprend pas le tissu.
Le façonneur de qipao le plus célèbre de Taïwan, Chen Chung-hsin, 65 ans, accepte régulièrement d’ouvrir son atelier aux groupes de touristes et aux écoliers. Il a dessiné les costumes de nombreux films, dont « The Assassin » du Taïwanais Hou Hsiao-Hsien primé à Cannes en 2015.
Il a reçu de son père son art et son atelier, et coud, dit-il, « le coeur joyeux ». « J’espère que davantage de gens se rendront compte que les qipao sur mesure sont différentes de celles du prêt-à-porter. Les miennes sont plus flatteuses », assure-t-il.
L’une de ses clientes les plus fidèles, Yogi Ma, une directrice de marketing de 42 ans, a lancé sur Facebook un « club qipao » pour que ce classique soit de nouveau porté quotidiennement. Madame Ma juge que cette robe, « symbole de la beauté des Chinoises », s’adapte à toutes les silhouettes. « La qipao est très élégante, très jolie ».
Son club compte 4.000 adhérentes et organise divers événements -décoration florale, dégustation de whisky- où la seule condition est de porter une qipao.
En faisant la promotion de cette robe, elle veut aider à sa survie. « Si plus de femmes aiment la qipao, on ne manquera pas de gens qui voudront apprendre » cet artisanat.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.